Le billet de Delphine Le Goff

Le 20 septembre, la maison de Serge Gainsbourg, fermée depuis trente ans, ouvre ses portes au public. Étonnant mouvement à une époque où la nostalgie a mauvaise presse, considérée comme une faiblesse.

Il paraît qu’on y trouve encore quelques bouteilles vides, alignées sur une étagère, un flacon entamé de Pour un Homme de Caron dans la salle de bain, et forcément, écrasés dans un cendrier, des mégots. De Gitanes sans filtre, naturellement. Les premiers visiteurs du 5 bis rue de Verneuil ont déambulé dans un temps suspendu. Le 20 septembre, la maison de Serge Gainsbourg, fermée depuis trente ans, ouvre ses portes au public - et affiche déjà archicomplet. « C'était un musée, déjà. Je n'ai rien touché, bougé », explique Charlotte Gainsbourg, qui a porté ce projet à la gloire de son père.

L’ultime privilège des nantis serait-il de taxidermiser le temps ? Il y a peu, le patron de LVMH, Bernard Arnault, s’employait à refaire à l’identique la maison de son enfance, la dédiant à « Maminette », sa grand-mère chérie. Avant sa mort, Karl Lagerfeld avait entièrement reconstitué sa chambre d’enfance dans son hôtel particulier parisien. Fantasme aristocratique de laisser un lieu à son image, dans la plus pure tradition du mausolée ?

Étonnant mouvement à une époque où la nostalgie a mauvaise presse, considérée comme une faiblesse – souvent par des ringards terrifiés par la mort qui répugnent à « regarder dans le rétro », comme ils disent, alors même qu’ils sont souvent frappés d’anosmie lorsqu’il s’agit d’humer l’air du temps.

Allons-nous, simples quidams, devenir à notre tour nos propres curateurs, créant les Lascaux I, les Lascaux II, les Lascaux III de notre passé ? Pas la peine, la muséification de nous-mêmes existe déjà : ses portes en sont ouvertes 7j/7 et 24h/24 sur les réseaux sociaux…

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