Dossier Luxe et réseaux sociaux
Longtemps réservé aux «happy fews», le luxe s’est démocratisé, renouvelé et a même anticipé les désirs des clients grâce aux réseaux sociaux. Mais pas question de s'endormir… Points de vue de Frédéric Boudet et Michel Thirapounnho, spécialistes du secteur.

Frédéric Boudet, directeur général de Mac Garry Bowen Paris

«Les marques de luxe ont d’abord eu du mal à se faire à l’idée de communiquer sur les réseaux sociaux, tant les codes qui y régnaient leur semblaient contraires à leur ADN. Aujourd’hui, ne pas être sur les réseaux sociaux, c’est être voué à mourir. Au début, elles produisaient des contenus quasiment 7 jours sur 7. Puis elles ont compris qu’il valait mieux jouer la carte de la qualité que de la quantité, et ont progressivement professionnalisé leur approche. Aujourd’hui, elles publient des contenus adaptés à chaque réseau social. Sur Twitter, c’est plutôt du texte. Sur Facebook et You Tube, de la vidéo. Et sur Pinterest, de l’image. Leur erreur, dans un premier temps, a été de penser qu’elles étaient en campagne. Puis elles ont compris que ce n’était pas du tout dans cette logique-là qu’il fallait agir. Burberry, par exemple, a mis en place une saga avec des capsules vidéo savamment coupées afin de donner envie de revenir voir la suite. Chanel, de son côté, met en scène des femmes racontant leur rapport à la beauté. Ce sont de vrais contenus qui incitent les publics à s’intéresser aux marques, car elles maîtrisent à la perfection l’art du storytelling. Enfin, elles montrent aussi leur intérêt pour les réseaux comme Snapchat, qui correspond parfaitement à la grammaire visuelle des 15-25 ans, sans compter que le modèle est 100% mobile. Les marques savent détourner ces plateformes pour être au plus près de leurs propres codes. Et, par là même, ne pas perdre leur âme.» Michel Thirapounnho, directeur du pôle luxe et cosmétique chez Cross Knowledge

«Plus de 4,3 millions de vues sur You Tube: la nouvelle publicité Kenzo World capture durant près de 4 minutes la performance de Margaret Qualley, sur une chorégraphie de Ryan Heffington. Ce lancement illustre parfaitement l’importance croissante des réseaux sociaux dans le secteur du luxe. En quelques années, ils ont profondément bouleversé le paysage. Si certaines marques se sont rapidement appropriées les codes du digital, d’autres restent très réservées. Les marques les plus jeunes parviennent à acquérir une visibilité mondiale, à une vitesse inédite, en engageant des moyens limités. Elles sont souvent bien plus agiles que des maisons centenaires qui peinent à repenser leur fonctionnement. Ainsi Sézane, marque de mode créée en 2013, compte plus d'abonnés sur Instagram que Moët & Chandon, le champagne le plus vendu dans le monde, ou que les cosmétiques Clarins, mondialement connus. Les marques Charlotte Olympia et Sophia Webster, avec respectivement 500 000 et 700 000 abonnés sur Instagram, s'offrent aussi, sans frais, une vitrine mondiale. Véritable vivier des maisons de luxe, la génération Y, qui représentera plus de la moitié des actifs à l’horizon 2020, impose déjà ses codes dans cet univers encore majoritairement traditionnaliste. La conquérir devient une condition de survie pour les grandes maisons. La corrélation est en effet démontrée entre la maîtrise des réseaux sociaux et le succès commercial. La preuve: les marques de luxe connaissant la plus forte croissance sont celles qui ne misent plus tout sur la seule publicité classique.»

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