Jacques-Emmanuel Saulnier aime les défis. «Chassé» par Total alors qu'il était encore directeur de la communication d'Areva, il a rejoint la compagnie pétrolière en octobre 2011 après avoir accompagné les derniers jours d'Anne Lauvergeon à la tête de l'entreprise. Entre les deux groupes, les points communs ne manquent pas. Leaders mondiaux du secteur de l'énergie, ils évoluent dans des secteurs sensibles qui les placent sous le feu des critiques: le nucléaire pour Areva, le pétrole pour Total. L'opinion publique pointe ainsi souvent du doigt Total, le pollueur, quand ce n'est pas Total, la première capitalisation boursière du CAC 40 aux profits indécents.
Les deux groupes ont par ailleurs conçu des campagnes publicitaires taxées de "greenwashing". Sous la contrainte, ils ont également dû abandonner leurs slogans publicitaires: "pour vous, notre énergie est inépuisable" (Total) et "l'énergie au sens propre" (Areva). Or Jacques-Emmanuel Saulnier a l'art de prendre des chemins de traverse. Avec Areva, il avait su, un temps, éviter les sujets qui fâchent en axant toute sa communication corporate sur l'athlétisme et ses activités de sponsoring. C'est au tour de Total d'oublier les forages.
Depuis le 10 septembre, c'est Total le mécène qui communique avec une série de programmes courts sur son action en faveur de la réussite scolaire et de l'intégration professionnelle. Des témoignages filmés de jeunes Français diffusés jusqu'au 26 octobre sur France Télévisions et signés Euro RSCG C&O, l'agence... d'Areva choisie pour cette campagne.
«La Fondation Total est la première fondation d'entreprise française. Or ses activités sont très peu connues du grand public. Elle fête ses vingt ans cette année. C'était une opportunité à saisir», explique Jacques-Emmanuel Saulnier. Total consacre en effet 10 millions d'euros par an pour soutenir des actions en faveur de la santé, de la culture, de la biodiversité marine et de la solidarité. Un atout indéniable pour l'image du groupe.
«Nous devons valoriser le rôle sociétal de Total, ajoute Jacques-Emmanuel Saulnier. Aujourd'hui, l'opinion attend d'une entreprise qu'elle soit un acteur citoyen, qu'elle fasse plus que son métier. Ce que fait d'ores et déjà Total.»
Cette prise de parole inédite lui permet également d'occuper le terrain en attendant de finaliser sa réflexion sur la future communication corporate du groupe, jusqu'ici gérée par Harrison & Wolf. La dernière campagne institutionnelle de Total remonte à fin 2010 (à vérifier !!).
«La communication a été placée au cœur du dispositif de pilotage stratégique du groupe, indique Jacques-Emmanuel Saulnier. Christophe de Margerie [PDG du groupe] exige que Total soit le plus ouvert et le plus pertinent possible dans son dialogue avec ses parties prenantes. Je lui suis d'ailleurs directement rattaché.»
A son arrivée, Jacques-Emmanuel Saulnier s'est entouré de deux partenaires pour mener un travail de fond sur la plateforme de marque du groupe: la société de conseil en efficacité marketing Keydrivers Consulting et l'agence Vincenti Design, auteur de son actuelle identité visuelle.
«Avant de reprendre la parole, il fallait d'abord préciser ce que nous avions envie de dire et comment. Un des enjeux est de trouver une posture de marque mondiale qui tienne aussi compte des spécificités locales», explique le nouveau directeur de la communication.
Ce travail est en cours de finalisation. Il n'exclut pas l'hypothèse de mieux associer marque corporate et marque commerciale, notamment celles des stations services dont la communication est aujourd'hui gérée par CLM BBDO. L'ensemble pourrait être confié à une même agence pour plus de cohérence.
La nouvelle campagne sur ses activités de mécénat donne, quoi qu'il en soit, un avant-goût du futur positionnement de l'entreprise. D'ici décembre, Total organisera une consultation d'agences pour le mettre en musique. Un beau budget en perspective.
