marketing sportif
L’arrivée de David Beckham permet au Paris Saint-Germain de s’offrir de nouveaux horizons commerciaux en visant l’Asie et l’Amérique du nord. Le star anglaise apporte la touche de luxe et glamour qui manquait à la marque PSG.

Coupe de cheveux soignée, costume cintré, cravate ajustée et sourire impeccable, David Beckham a signé un sans-faute pour son arrivée au Paris Saint-Germain. Jeudi 31 janvier, à 17h30, la salle de conférence du club parisien, au Parc des princes, était pleine comme un œuf pour accueillir le «Spice Boy». L'événement balayait les autres actualités, même CNN retransmettait la conférence de presse en direct sur son antenne européenne.

A trente-sept ans, l'emblématique joueur anglais, qui a signé un contrat de cinq mois, annonce qu'il vient… pour jouer. Mais le club parisien attend surtout sa légendaire aura. Beckham était l'élément manquant dans la stratégie de développement du Paris Saint-Germain. Icône marketing, il en devient une pierre angulaire, au même titre que l'autre star de l'équipe, le suédois Zlatan Ibrahimovic. «Malgré l'absence, encore, d'un grand palmarès international, le PSG s'est acheté une ouverture sur le monde avec David Beckham», affirme Frédéric Bolotny, économiste du sport. «Ils n'ont pas acheté un joueur, mais de quoi aller plus loin à l'international», confirme Michel Desbordes, directeur du MBA Sport à l'Institut supérieur de commerce (ISC).

La France est un marché trop étroit pour les dirigeants du PSG. Les propriétaires qataris veulent construire l'un des cinq clubs majeurs en Europe. En octobre 2012, au Hub Forum, à Paris, Michel Mimram, directeur du marketing du club, déclarait que l'objectif était d'entrer «dans le Top 10 des franchises sportives». A l'égal des Manchester United, Real Madrid, New-York Yankees et autres Dallas Cowboys. Ces équipes dominent le classement mondial des marques de sport établi chaque année par le magazine Forbes. Leurs «valeurs» dépassent le milliard de dollars. «Pour les Qataris, la marque Paris est synonyme d'excellence et ils entendent placer la marque PSG sur le même territoire, estime Virgile Caillet, directeur de Kantar Sport. Sa valeur a déjà énormément évolué, mais il est trop tôt pour en tirer profit.» En interne, la stratégie se résume officiellement à quatre mots: excellence, élégance, victoire, respect.

Une nécessité économique

Depuis juin 2011, date du rachat du club par les Qataris, et notamment ces derniers mois, l'image du PSG a déjà nettement évolué. «En France, il y avait une aversion naturelle pour l'équipe, considérée comme le club de la capitale, donc du pouvoir politique et financier, explique Gilles Dumas, coprésident de Sportlab. Le PSG avait des moyens, mais pas suffisamment pour dominer. En plus, son image était plombée par ses supporters. La marque a failli mourir. En 2010, le travail effectué par le président de l'époque, Robin Leproux, qui a interdit de stade ou de déplacement les hooligans, a été essentiel pour cette reconstruction.»

Avec l'argent du Qatar, qui a pratiquement triplé ses moyens financiers, le PSG est passé dans la démesure. «Il a changé de catégorie, poursuit Gilles Dumas. Le PSG représente la France, fait rêver, mais est désormais dans l'obligation de gagner. Ce ne peut plus être une marque populaire. Elle doit se positionner dans le secteur du luxe, comme Vuitton ou Dior.»

Le terrain de jeu du PSG s'éloigne du Parc des princes. Le développement de ses recettes passe obligatoirement par l'internationalisation. Le premier levier pour la notoriété est une reconnaissance sportive, en construction. Mais les Qataris ont décidé d'accélérer en s'offrant des stars au rayonnement international. Pour Arnaud Hermant, journaliste au Parisien et coauteur du livre Le PSG, le Qatar et l'argent, l'enquête interdite (Editions du Moment), «Beckham va personnifier le club en Asie, où il est une véritable star. Le joueur sera un ambassadeur de luxe au niveau mondial.»

Le club soigne son image de marque en se nourrissant de celle du joueur britannique. Une nécessité économique. «Au-delà des ventes de maillots, dont les bénéfices sont finalement anecdotiques, l'enjeu est le paiement à la séance grâce aux centaines de milliers de fans dans le monde susceptibles de regarder et d'acheter les matchs sur Internet», assure l'économiste Michel Desbordes. L'Asie, bien-sûr, avec le Japon et la Chine, mais aussi le Brésil, l'Amérique du Nord et le Moyen-Orient sont dans le viseur du PSG.

Cette logique d'exposition mondiale se concrétise aussi avec un site Internet (www.psg.fr) déjà disponible en français, anglais, espagnol et arabe. Il va s'enrichir de versions brésilienne et asiatique. Les réseaux sociaux du PSG vont géolocaliser les fans et leur parler dans leur langue. Enfin, le club va prochainement produire un magazine télévisé hebdomadaire de 52 minutes destiné aux chaînes étrangères. Proposé à la vente, ce programme reprendra un résumé du match de la semaine et des interviews.

L'internationalisation de la marque PSG apparaît comme l'unique véritable relais de croissance économique pour Jean-Claude-Blanc, directeur général délégué du club. Ancien directeur marketing des JO d'Albertville en 1992, directeur général d'Amaury Sport Organisation et de la Fédération française de tennis, et ex-président de la Juventus de Turin, ce diplômé d'Harvard est aux commandes de la stratégie de développement du PSG. Il a pris en main les rênes du commercial en débarquant la régie Sportfive et en installant une équipe marketing en interne.

Les sponsors mis à contribution

En France, la marge de manœuvre est limitée. Pas question d'augmenter de manière importante les prix des billets sous peine de se couper d'un public populaire. En revanche, les tarifs des relations publics (loges, sièges premiers, etc.) ont augmenté. Mais l'accueil n'est pas satisfaisant dans ce stade construit en 1972. Les prochains travaux de l'enceinte, prévus dans la perspective de l'Euro 2016, rehausseront le standing des prestations. Pas question non plus de compter sur une augmentation substantielle des droits TV, au moins pour les cinq-six ans à venir.

Finalement, ce sont les sponsors qui sont le plus mis à contribution pour plus accompagner financièrement la montée en gamme de la marque PSG. Emirates, la compagnie aérienne de Dubai, a prolongé son partenariat de cinq ans, pour 25 millions d'euros annuels. La facture a été multipliée par trois. C'est le plus gros contrat de ce type jamais signé en France. Il se situe au niveau des accords signés par les plus grands clubs européens.

Nike, l'équipementier, pourrait aussi être prié de passer à la caisse, tout comme les partenaires de rangs inférieurs, comme Go Sport, Citroën et PMU. Pour ces derniers, les coûts auraient été au moins doublés. Certains préfèrent jeter l'éponge. Winamax et Elior sont déjà partis. Indesit, dont le logo est présent sur la manche du maillot des joueurs, pourrait suivre. «Malgré tout, même en prenant le problème dans tous les sens, il sera impossible de trouver l'équilibre financier», tranche un ancien dirigeant du club parisien. Une condition pourtant obligatoire dans l'avenir pour obtenir le «fair-play financier» mis en place par Michel Platini, président de l'Union européenne de football (UEFA).

Il faut d'autres partenaires pour combler le déficit. Le PSG n'est pas allé très loin pour trouver comme sponsor la Qatar National Bank. Ils négocient maintenant avec les instances sportives la validation d'un fabuleux contrat d'image de 200 millions d'euros liant le PSG au Qatar Tourism Authority, le comité de tourisme du pays.

De quoi prouver, si besoin était, que le club parisien est avant tout un vecteur de communication pour le petit Etat du golfe Persique. «Dans la perspective de l'organisation de la Coupe du monde en 2022, le Qatar s'appuie sur le PSG pour construire une légitimité dans le football», assure Frédéric Bolotny. D'autant que sa désignation comme organisateur du Mondial est entachée de soupçons de corruption dans un récent dossier du magazine France football.

Plus largement, le Qatar, dont le PIB dépend à 61% de l'exploitation de ses gisements de gaz et de pétrole, diversifie depuis une quinzaine d'années ses revenus grâce à la prise de positions dans le capital de grandes sociétés (lire Stratégies n°1699). Les fonds souverains de l'Etat sont notamment présents chez Lagardère, Vinci, Total et LVMH. Une stratégie que la marque PSG est chargée de porter, grâce à David Beckham, son VRP de luxe.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.