Dossier Dossier Créa et influence

Le secteur de l’influence marketing est en pleine mutation, et la créativité fait rage. Pourtant, il semblerait que de plus en plus de marques, mais aussi de consommateurs, soient à la recherche de plus d’authenticité. Un article également disponible en version audio.

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Depuis plusieurs mois, le milieu de l’influence marketing est en pleine effervescence. Alors que l’on estime à plus de 150 000 le nombre de créateurs de contenu en France, un groupe minoritaire d’influenceurs (renommés « influvoleurs » par le rappeur Booba) a conduit le gouvernement à se pencher davantage sur ce marché et sa législation. Jusqu’à présent assez floue, celle-ci a d’ailleurs pu laisser la place à de nombreux dysfonctionnements. Selon une récente étude menée par Reech, 68 % des utilisateurs des réseaux sociaux estiment que le combat prioritaire du marketing d’influence est de bannir les arnaques, et 41 % considèrent qu’il est primordial de faire évoluer le secteur de l’influence vers un modèle plus responsable. Cela tombe bien puisque ces dernières semaines, les choses évoluent à vitesse grand V.

Le 9 juin dernier, la loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux a été promulguée. Mentions de partenariat ou de publicité obligatoires, interdiction de faire la promotion de la chirurgie esthétique ou des paris sportifs… Le durcissement de la législation est bien présent, mais une question subsiste : va-t-il avoir un impact sur les relations entre les marques, les agences et les créateurs de contenu ? Et leur créativité, nerf de la guerre de l’influence marketing, sera-t-elle affectée ? « Pour être totalement transparent, cela n’a quasiment aucun impact au quotidien, assure Gregg Bywalski, directeur général de Webedia Creators. On avait déjà adopté une position très claire depuis le départ. Au contraire, ça officialise le marché, donc c’est plutôt une très bonne nouvelle. Nos talents avaient déjà commencé à passer les formations de l’ARPP, nos équipes sont formées aux changements de régularisation depuis plus d’un an. »

Invisibilisation

Un propos que nuance Angelina Nieddu, consultante influence et fondatrice des formations Make it digit : « Selon moi, le durcissement de la législation ne change effectivement pas grand-chose côté créativité. Je pense cependant qu’il pourrait y avoir un frein sur l’impulsion d’achat et le ROI, notamment pour les gens qui suivaient des influenceurs ou créateurs pour leur discours transparent. » De quoi faire baisser les statistiques des créateurs de contenu ? Il se dit que certains réseaux sociaux comme Instagram invisibiliseraient volontairement les partenariats rémunérés, qui échappent à la plateforme. Pourtant, les KPI, notamment en termes de visibilité, sont essentiels dans la valorisation d’une campagne d’influence marketing. La solution pourrait donc être d’intégrer la plateforme dès la conception de l’opération, par exemple en incluant un pourcentage sur la rémunération du partenariat. Interrogé sur le sujet de l’invisibilisation volontaire des contenus rémunérés, Meta n’a pas souhaité réagir.

Selon une récente étude de Meltwater, 42,6 % des entreprises ont prévu d’augmenter leurs budgets réseaux sociaux cette année, pour représenter 32 % du budget marketing total. Si les investissements liés à l’influence marketing ne cessent d’augmenter, un prérequis subsiste pour les marques : la créativité. Cette dernière serait même, pour 66 % des entreprises, le critère principal de sélection pour une campagne d’influence, d’après Reech. « Aujourd’hui, les créateurs de contenu sont un laboratoire géant de formats. Un producteur ou une chaîne TV peut se balader sur YouTube, aller voir les chaînes de talents et se dire : "j’ai des pilotes de concepts et de formats qui pourraient potentiellement devenir les programmes de demain". On en est vraiment là en termes de créativité », commente Gregg Bywalski.

Mais est-il vraiment essentiel d’opter pour des contenus très produits lorsque l’on souhaite faire parler sa créativité ? « Ce serait mentir que de dire que la créativité passe forcément par une grosse production. Est-ce qu’on a nécessairement besoin de studio, d’équipe de développement, de gros matériel ou de ressources ? La réponse est non, parce que la source d’inspiration de tout ça reste une idée créative, qu’elle soit portée par un développeur, un auteur ou un talent lui-même », poursuit Gregg Bywalski. Des propos qui viennent confirmer la tendance actuelle : un retour vers des contenus plus authentiques et naturels, bien loin des grosses productions qui ont fleuri un peu partout sur les réseaux sociaux. Un retour aux sources ?

Authenticité

« On s’aperçoit qu’en matière de contenu, on revient à quelque chose de plus simple, à un format un peu plus long », confirme Angelina Nieddu. Snap est loin d’être en reste. Le réseau social privilégié des adolescents « permet plus que n’importe quelle autre plateforme de favoriser ce tournant vers plus d’authenticité, précisément parce que nous n’avons pas d’option like ou de commentaires publics traditionnels. Les créateurs ont ainsi la possibilité de se montrer sous leur vrai jour, ce qui se traduit par un engagement plus réel avec leur communauté. On a l’impression d’être en tête-à-tête, même si ce n’est pas le cas. Et ça n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui car les internautes sont épuisés par les concours de popularité des médias sociaux. Nous en avons assez de devoir être beaux ou parfaits dans chaque contenu, fatigués d’être en compétition pour des critères de vanité, épuisés par la désinformation et les fausses promesses. C’est aussi ce que recherchent les marques quand elles collaborent avec des créateurs sur notre plateforme », explique Julie Bogaert, head of talent partnership EMEA de Snap.

Cette recherche d’authenticité et de proximité, Instagram l’a récemment confirmée en lançant le canal Channels, qui permet à certains créateurs triés sur le volet d’envoyer des contenus « privés » à leurs abonnés, comme des notes vocales. Ça a l’air de marcher, puisqu’en seulement quelques jours, Léna Situations cumule déjà plus de 724 000 abonnés sur ce canal. Un moyen de rapprocher les créateurs de leur communauté tout en intéressant grandement les marques, qui pourront à coup sûr viser une cible de plus en plus précise.