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Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6, et David Larramendy, directeur général de M6 Publicité, dévoilent leurs grands chantiers de la rentrée : rapprochement avec RTL, publicité segmentée, ciblage émotionnel et bien sûr nouveaux programmes. Objectif : combler le différentiel par rapport à TF1 en termes d'investissements publicitaires.

Comment va se traduire le rapprochement des groupes RTL et M6 ? Est-il validé par le CSA ?



N de T. Oui, le rapprochement a été validé par le CSA fin juillet. Après la télévision et le digital, la radio devient le troisième pilier de M6 pour constituer un groupe multimédia. C’est un projet de longue haleine qui devrait aboutir dans les prochaines semaines. Le pôle radio avec RTL, RTL2 et Fun, nous apporte sa notoriété et sa couverture avec un gain de 6 millions de Français. Ainsi, 56 % des Français seront exposés chaque jour à un média du groupe M6 et 96% chaque mois. Toutes les équipes seront physiquement réunies à la fin de l’année, avec une régie unique mais des forces commerciales dédiées. Elles vont s’intégrer dans le groupe M6 en respectant la personnalisation des antennes. Ainsi, nous disposerons d’une plateforme unique en France permettant de toucher les publics en prime time sur les matinales et en access ou prime en soirée.



Pourquoi est-il si important de conserver l’autonomie des lignes éditoriales entre les groupes M6 et RTL ?



N de T. Il faut garder les gênes qui font le succès de RTL, son autonomie, son indépendance éditoriale. Nous n’imposerons pas de règles contre-productives pour les antennes et accepterons que des talents et animateurs travaillent pour d’autres antennes, y compris concurrentes au groupe. Ce qui n’empêche pas que beaucoup d’animateurs de M6 participent aux « Grosses têtes » de RTL… Ce que nous souhaitons, c’est ce que les talents s’épanouissent.

 

Une plateforme de données commune est-elle à l’ordre du jour ? Comment cela fera-t-il évoluer votre offre de ciblage déterminée par la data ?



DL Le projet data est en construction dans la maison depuis 2015. De fait, le groupe est très en avance sur le sujet à travers deux volets : l’aide à la programmation et à l’audience et l’aide à la connaissance de nos utilisateurs. Côté publicitaire, avec notre offre data baptisée Smart 6-TEM, nous avons 18 mois d’avance sur la concurrence en termes de collecte de data et de commercialisation. A ce jour, nous avons vendu plus de 500 campagnes data qui utilisent les données de nos 18 millions d’inscrits sur 6 Play. Nous lançons également des opérations de CRM on-boarding et de social targeting ce qui donne un degré de finesse dans le ciblage très important, comme par exemple dernièrement pour toucher des fans de bio…



Vous avez lancé en avril le studio Golden Network afin de vous adresser aux Millennials. Le groupe a-t-il des difficultés à toucher cette cible ?



N de T. Non, l’évolution de la TV auprès des jeunes nous a poussés à créer des formats et des plateformes dédiées à cette cible. C’est pourquoi nous avons lancé, à travers Golden Moustache, de la production digitale. Cela nous permet de nouer des partenariats avec des opérateurs télécom mais aussi d’innerver des talents. Par ailleurs, au sein de la régie, nous proposons des offres pour permettre de la publicité adressée et concurrencer ainsi les grandes plateformes. Mais n’oublions pas que les 15-34 ans regardent la télévision 2h10 chaque jour et principalement sur écran tv. D’ailleurs, la majorité de la consommation replay se fait sur téléviseur. C’est pourquoi, nous proposons un service très valorisant aux opérateurs, incluant les programmes live. Si les opérateurs souhaitent conserver ce public, il faut que nous soyons en mesure de développer des programmes et donc que ceux-ci soient correctement rémunérés.



TF1 a pris une décision radicale cet été, consistant à retirer le replay de son offre. Etes-vous prêts à en faire autant ?

 

N de T. L’essentiel de nos contrats de distribution de nos chaînes et services arrivent à échéance fin 2017. Nous devrons d’ici là trouver des accords. Nous avons entamé des discussions complexes. Nous considérons qu’à partir du moment où il y a un paiement global du consommateur pour un ensemble de services dont les nôtres, il est normal que nous soyons rémunérés pour ces services. C’est notre intérêt commun, d’autant que de nouveaux services arrivent. Quand on voit les sommes que les opérateurs sont prêts à mettre dans le sport et dans les contenus, nous sommes confiants sur la possibilité de trouver un accord satisfaisant. N’oublions pas que c’est bien sur les chaines historiques que les téléspectateurs passent le plus clair de leur temps.



Sentez-vous un redémarrage de l’activité économique du pays dans vos plannings de réservation ?



DL. Nous avons enregistré une croissance de 4,2 % sur le 1er semestre et nous gagnons des parts de marché alors que le marché est en baisse de 0,8% au 1er trimestre et en baisse de 0,5% probablement au 1er semestre. La reprise économique ne se traduit pas aujourd’hui par une grosse augmentation des volumes. En revanche, le groupe M6 enregistre son 9ème trimestre consécutif de surperformance. Cela étant dit si l’on compare les parts de marché publicitaire et les parts d’audiences sur les cibles commerciales, nous avons une réelle marge de progression en termes de rééquilibrage. M6 réalise environ 70% de l’audience commerciale de TF1 (contre 50% il y a dix ans) et en PDM pub, nous sommes à 55%. Cela signifie qu’il y a encore un fort décalage entre l’argent que les annonceurs mettent dans les écrans de TF1 et la répartition juste des audiences entre les différentes chaînes. Notre mission est de convaincre les annonceurs afin que chaque euro dépensé se répartisse de manière identique aux audiences.



Etes-vous favorable à l’hybridation entre régie et programmes ?



N de T. Cela fait 30 ans que nous avons un service d’étude commun entre les programmes et la régie. Le groupe est très moderne de ce point de vue. Mais nous sommes favorables au maintien des responsabilités de chacun pour éviter toute confusion comme on le voit sur Internet où l’on ne sait plus si on est dans les programmes ou dans le cadre d’une opération publicitaire. D’où un mouvement de défiance des grands annonceurs vis-à-vis du programmatique sur le web. Il faut faire attention avec le brand content. On en voit les limites. Notre public doit savoir où il en est et nos clients veulent connaitre le contexte dans lequel ils annoncent. Nous vendons de la crédibilité, une audience qualifiée et un contexte positif. Nous sommes attachés à ce patrimoine. Nous sommes très attentifs à l’image du média car c’est l’audience de demain. La crédibilité et la puissance sont les deux atouts de la télévision pour faire face aux plateformes du web.



Un animateur qui fait de la publicité, ça reste possible ?



N de T. Bien sûr. Mais on est très attentif. Mac Lesggy fait Oral B car il dans son rôle : il s’agit d’une mesure scientifique. Tel ou tel animateur peut défendre tel ou tel produit, mais dans un élément de contexte, c’est-à-dire ce pour quoi il a une valeur ajoutée. Et il n’y a pas de journalistes ! Nous avons la chance d’avoir des spécialistes pour la cuisine, l’immobilier, la santé et nous allons continuer.

 

DL. Nous imposons que ce soit nous qui tournions les spots. On ne veut pas le moindre décalage entre le film publicitaire et l’image de marque que l’on crée au quotidien avec l’animateur.



6 Play compte jusqu’à présent 18 millions d’inscrits. Pourquoi avoir voulu conserver ces données hors de la plateforme Gravity ?



DL : Une trentaine de sites du groupe M6 font partie de Gravity, mais les données de 6 Play basées sur du contenu vidéo n’ont pas vocation à intégrer cette plateforme.



Quid d’une plateforme de commercialisation de données commune au replay entre groupes audiovisuels ?



N de T. Il faut observer ce que font en OTT les groupes étrangers, notamment, en Hollande, aux Etats-Unis et en Allemagne. Dans ces pays, les éditeurs de services se regroupent pour faire face à la pression des plateformes type Amazon ou Facebook. Ils offrent sous une marque commune, un accès OTT, un peu à la façon Molotov…

Y compris sur le plan publicitaire ?



DL. L’enjeu d’une plateforme technologique commune maîtrisée est de limiter le nombre d’intermédiaires qui se sont multipliés dans le monde du digital et de contenir une certaine évaporation de valeur auprès des annonceurs. C’est un enjeu considérable.

 

Quels sont les futurs leviers de diversification de la régie ?

 

DL. L'enjeu principal est la publicité segmentée à la TV. C'est un formidable relais de croissance. La télévision va continuer à être vendue majoritairement de façon classique car les annonceurs sont à la recherche de cette combinaison unique entre la puissance et un contexte positif et maîtrisé. À côté, offrir une alternative digitale forte aux annonceurs contre les Gafa, nous allons associer la finesse de ciblage du digital à cette puissance. Cela étant dit, il existe aujourd’hui trois freins à la publicité segmentée. Ils sont d'ordre réglementaire car c'est encore interdit même si le sujet est à l'étude, technologique, dès lors que le signal doit diffuser des publicités différentes suivant les box et sur l'écosystème lui-même : il nous faut créer un écosystème intégré régie/éditeur pour garantir à nos clients une expérience réussie : maîtrise des contextes de diffusion, fiabilité et indépendance des outils de reporting et réduction des intermédiaires technologiques sans évaporation des marges. Ne refaisons pas les erreurs du digital!

 

À quand votre première expérimentation ? 

 

DL. Nous avons déjà fait une première campagne display en juin pour Procter avec Head & Shoulders sur 2 millions de téléviseurs connectés. Cela s'est très bien passé. On démarre la commercialisation de notre offre "M6 adressable" au 1er septembre. En post test, entre les gens soumis au spots classiques et ceux qui ont reçu en plus le message adressé dans le quart d'heure qui suit, on constate 15% de mémorisation en plus.

 

D'autres innovations ?

 

DL. On va faire du ciblage émotionnel. On s'est associé avec une technologie d'intelligence artificielle qui est capable d'analyser les programmes pour y trouver six émotions positives (joie, surprise, rire, etc.). On pourra diffuser un spot dans le contexte émotionnel du programme : une pub comique au moment de la pause sur un moment drôle, par exemple, pour renforcer l’émotion sachant que plus celle-ci est grande plus la mémorisation est forte. Coca-Cola. vient de nous donner son accord pour tester ce nouveau format en avant-première.

 

Quelles sont les nouveautés de la rentrée en manière de programmes ?

 

N de T. Nous allons nous renforcer sur l’access où M6 est la première chaîne sur la cible commerciale, avec 16,9% de part d’audience sur la femme responsable des achats au premier semestre entre 18h et 21h (contre 16,8% pour TF1), grâce aux Reines du shopping, Chasseurs d’appart et Scènes de ménages. On va pérenniser ce succès avec Les Rois du Gâteau, qui a démarré le 21 août. Nous allons aussi renforcer la fiction française de prime time. On aura ainsi une série avec Demaison de 8X52 minutes, Quadras. Il y aura aussi Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux (6X52 minutes), Souviens-toi (6X52 minutes) ou La Faute (4X52 minutes). On attend la Nouvelle Star à la fin de l’année et des séries américaines comme Mc Gyver ou Code Black. On reviendra aussi dans le jeu d’aventures avec A l’Etat sauvage et Wild, la course de survie. J’ajouterai que dans une période de Mercato, toutes nos stars sont restées et ce n’est pas faute de sollicitations. 

 

 

Qu’en est-il du budget des programmes ?

 

N de T. Ce sera une année intermédiaire entre 2015 et 2016, année de l’Euro. On dépense 340 millions par an pour la chaine M6, soit près d’un million par jour si on ajoute les droits d’auteurs.

 

Droits d’auteurs que vous payez..

 

N de T. Nous n’avons pas l’habitude de ne pas payer. Ce qui ne veut pas dire que nous ne renégocions pas. Nous sommes en discussions à l’occasion d’échéances contractuelles. D’abord parce que le périmètre évolue avec le replay, l’OTT, etc.

 

Le groupe M6 doit-il se développer dans la production ? RTL Group a une filiale de production, Freemantle…

 

N de T. …Qui travaille pour l’ensemble des chaînes françaises. Il est très important pour nous de poursuivre le développement de Studio 89 pour le flux, C Productions pour les magazines et SND pour le cinéma, en bref d’avoir le contrôle d’une partie significative des programmes que nous diffusons. Est-ce que nous allons acheter des sociétés extérieures ? D’abord, il y a un paradoxe réglementaire sur la fiction, puisque nous ne pourrions pas diffuser nos propres productions. On attend donc une évolution de la réglementation. Mais c’est un domaine où il nous faudra nous renforcer.

 

Voulez-vous un feuilleton quotidien ?

 

N de T. Nous l’avons déjà, c’est Scènes de ménages, qui est le meilleur feuilleton quotidien qui soit. Le feuilleton est un format extraordinairement exigeant et cher. Quand c’est feuilletonnant, vous ne pouvez pas rediffuser et vous ne pouvez pas vous arrêter quand vous voulez. En outre, quand il est produit par un producteur extérieur, celui-ci peut vous remettre en concurrence à chaque renouvellement de contrat, comme on l’a vu avec Plus Belle la Vie.

 

Couper les JT avec de la pub, c’est une bonne idée selon vous ? TF1 a fait évoluer sa convention dans ce sens…

 

N de T. Je trouve cela curieux de demander quelque chose en s’empressant de dire qu’on l’appliquera pas. Je constate aussi qu’on nous a embêté sur Paris Première pour avoir une étude d’impact et savoir si cette chaîne allait prendre de la publicité à NRJ 12. Mais pour des coupures publicitaires dans la première chaîne française, il n’y a pas d’étude d’impact. Je suis pour l’égalité de traitement.

 

Si vous aviez une mesure à demander à Emmanuel Macron, ce serait quoi ?

 

N de T. Je ne demande rien. Juste qu’on nous laisse travailler. On a par ailleurs un problème de taxation de la télévision, sachant que nous reversons à peu près 10% notre chiffre d’affaires en taxes. Ces taxes ne sont pas appliquées à nos grands concurrents internationaux comme Netflix. L’effort de soutien à l’industrie des programmes est nécessaire, mais il devrait être réparti en direction des plateformes mondiales. Sur 22 chaînes privées, il n’y en a que quatre qui gagnent de l’argent. C’est un sérieux problème.

 

DL : J’ajoute que ces plateformes n’ont pas les mêmes contraintes sur le plan publicitaire : nous ne pouvons pas faire de pub pour le cinéma ni de publicité locale. Ceux qui en profitent sont peut-être la PQR mais surtout Google.

 

N de T.  Souvenez-vous de la deuxième coupure dans les œuvres audiovisuelles. Tout le monde était contre, y compris TF1 qui réclame aujourd’hui une troisième coupure, ce dont je m’en réjouis. On se fait des montagnes de choses qui nous freinent et une fois passé l’obstacle, personne ne se retourne. On avait dit que la publicité pour la distribution n’était pas possible car la télé allait tout écraser…

 

On ne peut pas dire non plus que la presse quotidienne régionale soit dans une excellente forme…

 

N de T.  Vous croyez que c’est de la faute de la pub pour la distribution ? C’est de sa faute à elle. La PQR a loupé tous les trains y compris celui de la télé régionale. On ne peut pas empêcher des médias qui se portent bien de se développer pour protéger des médias qui n’ont pas pu ou pas su se mettre à la page.

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