«Offshore Leaks»
Chef du service investigation du Guardian, David Leigh est l'un des principaux auteurs du scoop mondial «Offshore Leaks», qui révèle notamment l'existence des comptes offshore de Jean-Jacques Augier, trésorier de la campagne 2012 de François Hollande.

Comment avez-vous préparé cette exclusivité avec une telle discrétion?

David Leigh. Au Guardian, nous travaillons avec l'International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) sur ce dossier depuis plus de quinze mois. Au total, 86 journalistes d'une quarantaine de pays ont pris part à cette enquête d'une manière ou d'une autre. J'ai d'abord rencontré le chef de l'ICIJ, Gerald Ryle, à Washington au début des opérations pour organiser l'ensemble du processus. Ensuite, les journalistes ont communiqué essentiellement en ligne, à travers le système Interdata créé par mon collègue Duncan Campbell. Interdata permet à chaque journaliste de se connecter avec un code secret, puis de consulter les documents disponibles et d'en ajouter d'autres.

 

Le Guardian connaît une mutation profonde. Dans quel cadre stratégique ou éditorial s'inscrit cette enquête ?

D.L. Au Guardian, cela fait partie d'un projet de très long terme. Nous continuerons à creuser ces mines où les bonnes informations sont extrêmement difficiles à extraire. J'ai personnellement consacré une bonne partie de l'année 2012 à cette enquête. Ces révélations sont en fait la suite d'une première partie de fuites, que nous avons divulguées l'année dernière dans le Guardian. C'est la deuxième phase du projet, sur lequel nous travaillons depuis très longtemps, puisque nous avons déjà sorti des enquêtes sur les paradis fiscaux dès 2009. Mais, pour la première fois, nous avons été en mesure de détruire la culture du secret des paradis fiscaux, particulièrement dans les îles Vierges britanniques. Les investisseurs offshore pensaient que leurs noms ne pourraient jamais être révélés. Nous venons de mettre fin à cette croyance.

 

Il y a quelques années, l'affaire Clearstream a induit beaucoup de journalistes en erreur, en raison de faux noms qui avaient été ajoutés sur de faux listings. Pouvez-vous assurer que les noms qui ont été ou seront divulgués ont été scrupuleusement vérifiés?

D.L. Chaque nom que nous avons publié a bien entendu été vérifié auprès des acteurs concernés. Tous les noms des bénéficiaires sont authentiques.

 

Ce scoop mondial marque-t-il l'avènement d'une nouvelle forme de journalisme?

D.L. Nous nous sommes appuyés sur un système qui n'était jusqu'à présent utilisé que par la police, les services fiscaux ou de grandes firmes. Ce logiciel permet de faire des recherches textuelles sur un très grand nombre de données non structurées, en différents formats [équivalent à 500 000 livres]. C'était la première fois que des journalistes utilisent ce système. Les journalistes doivent désormais être en mesure d'accéder à ces données disséminées partout dans le monde. Jusqu'à présent, ils travaillaient sur des sujets intérieurs, nationaux, dans un environnement connu. Mais les activités financières, politiques et militaires ont de plus en plus une nature internationale. La nature de l'information a changé, elle est désormais contenue dans d'immenses bases de données. Wikileaks a permis de mettre à jour l'existence et la pertinence de ces bases de données, très complexes à analyser, auxquels les journalistes devront désormais se confronter.

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