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Les régies montent en puissance sur la production de contenus, vue comme une parade à la crise de l’attention publicitaire. Elles l’intègrent comme levier de performance, et même parfois comme générateur de ventes. Un article également disponible en version audio.

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Les mouvements de dirigeants sont un indicateur du dynamisme d’un secteur. De ce point de vue, le brand content est en forme. Reworld Media Connect, la régie du groupe Reworld, vient de débaucher, chez Altice, Jennifer Cuillandre. Elle est nommée DGA chargée du brand content, une création de poste qui traduit l’attrait pour la discipline. Sur une régie de 90 personnes, 15 s’y consacrent à temps plein. « Le brand content représente 30 % de nos revenus », souligne Élodie Bretaudeau-Fonteilles, directrice générale de la régie. À Prisma, Karl Pilotte dirige désormais le département PMS Creative, une cellule de 30 personnes qui regroupe l’intégralité des expertises brand content. Il y a quatre mois, il était au même poste à FranceTV Publicité. Au Figaro, Alexandre Faure, ex-Edelman, a pris la tête en janvier dernier de 14H, l’agence éditoriale et créative de la régie Media Figaro.

Chez Altice Media Ads & Connect, la régie d’Altice, le département OPS regroupe tout ce qui n’est pas spot pur et dur : event, brand content et sponsoring. S’il est difficile de faire une distinction entre l’apport de ces différentes activités, une chose est sûre pour Raphaël Porte, son directeur général : « La part du brand content augmente en pourcentage et en valeur ». À côté d’enjeux tout aussi cruciaux en matière de data et de TV segmentée, il décrit le brand content comme un véritable « axe de développement » dans la stratégie de la régie.

Approche complémentaire

Si l’engouement est tel, c’est que le brand content offre aux annonceurs une approche complémentaire de celle de la publicité classique. « On prend le temps de raconter une histoire, avec des arguments, des détails. On est capable de développer une opinion et de créer de l’émotion », revendique Alexandre Faure. Ces vertus, en ces temps de « crise de l’attention », sont recherchées. « Plus de la moitié des Français souffrent de fatigue informationnelle. Nous, en tant que service public, nous nous devons de cultiver l’attention au niveau éditorial mais aussi en matière de publicité. Nous devons travailler sur notre proposition, en privilégiant l’expérience utilisateur », pointe Virginie Sappey, directrice marketing et études de FranceTV Publicité.

Avec le brand content, le champ des possibles est vaste. En poste depuis sept ans à M6 Unlimited, le département brand content de M6, Kevin Carbonell, directeur du planning stratégique, ne s’est « jamais ennuyé un seul jour ». « Sur chaque sujet, on arrive à se renouveler. Je peux travailler sur deux, trois ou quatre marques d’un même secteur et, à chaque brief, réussir à trouver quelque chose de nouveau », dit-il. Il a signé récemment avec Publicis Media une série de sketchs pour le laboratoire pharmaceutique GSK, dans lesquels des acteurs du feuilleton Scènes de ménage sensibilisent aux dangers de la méningite, ou encore une opération, avec Fuse et Buzzman, associant Uber Eats à Top Chef. « À la différence de nos collègues en agence, on détient à la fois le contenu et le contenant, ce qui rend légitime la création d’une content factory en régie », estime Karl Pilotte. « Les annonceurs font appel à nous pour notre capacité à traiter de façon journalistique leurs messages », relève Perrine Germain, directrice des opérations spéciales chez Altice Media Ads & Connect, citant un programme imaginé récemment pour Coyote autour de ses ambassadeurs Gregory Alldritt et Esteban Ocon.

Conquérir de nouvelles cibles

Le brand content est ainsi devenu un élément central de l’offre des régies. « On ramène du business et l’on est aussi un vecteur d’image. Il est la preuve de notre capacité à être créatif. Un best case peut faire pencher la balance en notre faveur », remarque Kevin Carbonell. Le brand content permet aussi d’aller conquérir des cibles nouvelles. C’est le cas chez Elle, où a été mise en place une offre éditoriale dédiée à TikTok « pour accompagner les marques qui ne sont pas encore déployées sur ce réseau en bénéficiant de notre caution », note Charlotte Camus, directrice commerciale du magazine.

Pour Karl Pilotte, « un tournant s’opère ». « Le brand content a très longtemps été considéré pour faire joli dans une vitrine ou monter sur la scène du Grand Prix Stratégies. Aujourd’hui, il a pris une dimension de performance. Il s’agit de le rendre efficace sur les notions de préférence de marque et d’engagement », argumente-t-il. L’opération menée chez Prisma pour Hyundai, qui associe le constructeur au magazine Géo via un générateur d’itinéraires de courses à pied baptisé « Run to explore », est validée par des temps d’attention moyens allant jusqu’à 8 minutes. Des post-tests ad hoc permettent aussi de vérifier la pertinence du recours au brand content. 14H, chez Media Figaro, s’engage en amont sur des niveaux de visites ou de vidéos vues pour faire du brand content « un levier de performance garantie », selon Alexandre Faure.

Du brand content au content du commerce

L’attrait des annonceurs pour la notion de performance se lit aussi dans la montée en puissance du content to commerce. Il ne s’agit plus de contenu de marque, mais d’un contenu commercial permettant à un internaute d’être mis en relation avec le site de l’annonceur ou une marketplace. Les contenus prennent la forme de bons plans, de comparatifs ou de guides d’achat. Les éditeurs les plus en pointe sont Ouest-France, Le Parisien, 20 Minutes, Reworld ou encore, pour la tech, Frandroid. À Prisma, l’activité existe depuis 2020. Selon Jérôme de Lempdes, directeur délégué à la performance au sein de la régie PMS, « très peu d’annonceurs peuvent aujourd’hui passer à côté » de taux de transformation de 3 % à 4 %. Pour le site de rencontres Disons Demain, Prisma, a ainsi imaginé un guide des meilleures terrasses de l’été pour un premier rendez-vous, avec plusieurs renvois au sein de l’article sur les pages de l’annonceur. Pas certain pourtant que le content to commerce soit l’avenir du brand content. « Ce grand écart serait dangereux », estime Jérôme de Lempdes, qui plaide pour maintenir une distinction claire en soulignant les bienfaits de leur complémentarité.

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