Tribune
Derrière cette euphorie déclenchée à la vue d’une maquette bluffante, l'effet « wahou » peut se révéler être un piège mortel pour les annonceurs comme pour les agences.

Quel annonceur ne s’est jamais laissé convaincre par un effet « wahou » bien placé par une agence de design en compétition ? L’effet « wahou » est une arme classique des agences de design pour gagner des appels d’offre. Vous savez, l’effet « wahou », cette euphorie déclenchée à la vue d’une maquette qui bluffe tout le monde, cette impression d’avoir affaire à des cadors de la créa, des incontournables, des dingues de dingues !

Pourquoi l’effet « wahou » est-il un piège mortel pour les annonceurs… et les agences ? Parce que c’est du bluff, qui n’augure en rien du succès d’un projet de design digital. Cette pratique appartient à une époque où le design digital n’était encore que du design d’interface, un temps où l’expérience utilisateurs n’était encore qu’un concept élitiste. Le but de l’effet « wahou » est de convaincre l’annonceur et non les utilisateurs finaux de l’interface. Il cherche à convaincre - si ce n'est abuser - une cible qui n’est pas la cible finale, et qui, dans 99% des cas, ne partage pas les mêmes insights.

De plus, le principe même du design UX, comme tout processus de création centrée sur l’utilisateur, est de connaître parfaitement toute la réalité des utilisateurs. Il est présomptueux de prétendre connaître cette réalité avant d’avoir réellement travaillé avec l’annonceur et récolté les données directement auprès des utilisateurs. La bonne agence saura interroger les bons utilisateurs et les bonnes données à différents stades de la gestation du projet. Les maquettes graphiques arrivent logiquement à un stade bien plus avancé du projet.

Construire des expériences utilisateurs

Si l’annonceur a été séduit par une maquette avant le démarrage du projet, il restera attaché à des éléments essentiels de cette maquette jusqu’à la livraison finale, même si cette première approche créative est bâtie sur des fondations très insuffisantes. Il lui sera compliqué de faire abstraction d’un design qui l’a séduit, même si ce design s’avère par la suite en contradiction avec les objectifs du projet en considérant la réalité de l’utilisateur final.

Enfin, la direction artistique qui a déclenché l’effet « wahou » est la couche la plus superficielle du design. Et bien qu’elle soit essentielle, c’est celle qui évoluera le plus facilement au cours du cycle de vie de l’interface. La dimension esthétique est importante dans une interface, mais elle ne doit pas préempter les autres dimensions du design.

En conclusion, les utilisateurs finaux ne sont pas les annonceurs. Il est temps de construire des expériences utilisateurs autour de ce qui compose la réalité des utilisateurs en les interrogeant souvent et intelligemment, en les impliquant davantage dans un processus de co-création. C’est une condition de survie si les annonceurs veulent atteindre leurs objectifs et les agences conserver leur crédibilité. Si les agences de design et leurs clients doivent rechercher un effet « whaou », c’est celui que ressentiront les utilisateurs finaux en utilisant le produit, et celui que ce binôme agence-client vivra en constatant les premiers résultats de cette approche.



 



 

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