Tribune
Les assistants nouvelle génération vont jouer un rôle prépondérant dans l'acquisition et la fidélisation des clients. Encore faut-il que les marques entrent dans la conversation avec leurs consommateurs.

L’infobésité est le mal du siècle pour le consommateur connecté, exposé à des stimulis continus et à des injonctions toujours plus contradictoires. «Achète !», «Ralentis !», «Consomme !» sont autant de voix divergentes qui participent à cette perte de repères et d’attention. Avec une toile arrivée à quasi-saturation, comment séparer le bon grain de l’ivraie quand les marques prennent toutes la parole ? Comment faire en sorte que sa marque subsiste, résiste, dans cette cacophonie ambiante ? Comment revenir en grâce auprès de ses publics, alors que le désintérêt et la défiance sont devenus la norme ? Leur pérennité dépendra de leur capacité à investir de nouvelles formes d’interactions, consenties, maîtrisées, et plus engageantes.

On dit que le silence est d’or. Pour un annonceur, cette sagesse populaire n’est pas une feuille de route. Pour autant, il est urgent pour les marques de réinventer leurs pratiques, souvent mal calibrées, et d’apprendre à communiquer différemment. Le ciblage ou reciblage publicitaire ont su performer à une époque ; pourtant, ces processus sont désormais datés, intrusifs et triviaux. Selon l’étude Save The Web réalisée en 2017 par Rakuten Marketing, près de 35% des sondés estiment avoir vécu une mauvaise expérience avec la publicité en ligne. Ce sont même 45% qui abandonneront leur navigation sur un site à cause du caractère invasif de la publicité digitale. À l’ère du slow content, d’une mouvance générale de décélération, quel meilleur moyen pour s’ancrer durablement que de connaître son client et d’échanger avec lui dans le respect de son rythme et de son consentement ?

Dans l’arsenal à leur disposition, les marques n’hésitent plus à se tourner vers les assistants conversationnels. Gartner prédit d’ailleurs que les entreprises seront 50% plus nombreuses à investir dans les bots au détriment des apps d’ici 2021. En 2022, 82% des interactions pressenties entre marques et consommateurs impliqueront un agent virtuel. Pourquoi cet engouement progressif ? Les marques ont compris le rôle prépondérant de ces assistants nouvelle génération pour acquérir, fidéliser et retenir leurs nouveaux clients. Une étude de Juniper Research révèle d’ailleurs que ce sont près de 112 milliards de dollars de ventes qui devraient être générées par ces canaux conversationnels d’ici 2023, contre 7 millliards en 2019. Il y a donc bien là un filon à suivre, à l’heure où la lutte contre les méga marketplaces est de plus en plus difficile.

Se réapproprier l’attention du consommateur

Au-delà d’un levier purement business, le conversationnel permet de donner du relief aux vitrines digitales des enseignes, et d’entretenir des conversations en diffusant un message pertinent et consenti. Par dessus tout, l’assistant virtuel offre aux marques l’opportunité de se réapproprier une richesse des plus modernes et des plus rares : l’attention du consommateur, à peine supérieure à celle d’un poisson rouge en bocal, comme le révèle Microsoft.

Tandis que le rapport de force marque-consommateur s’est clairement inversé durant la dernière décennie, l’assistant virtuel fait écho à ce changement de paradigme : la discussion peut uniquement être engagée si celle-ci est à l’initiative du consommateur. Une façon pour ce dernier de reprendre la main sur sa consommation, mais aussi de limiter ses expositions à des sollicitations intempestives. Contrairement aux e-mails ou aux sessions de chat, où l’on repart de zéro à chaque conversation, ce fil de discussion hyper-personnalisé, simple et rapide prend vite l’allure d’une conversation unique. Sur un autre registre, les assistants virtuels permettent à l’internaute de prendre une respiration : en modérant les données auxquelles il est exposé, les enseignes lui offrent alors l’opportunité de faire un choix plus éclairé, plus rapidement. Pour les marques, ces nouveaux facilitateurs ouvrent la voie d’un parcours UX/UI/SXO plus fluide, qui floutent les points de friction, et re-concentrent la relation sur des échanges de qualité.

Prudence tout de même, n’est pas assistant virtuel qui veut. La précipitation, l’ignorance ou encore l’économie à l’extrême pourrait pousser une marque peu aguerrie dans les bras d’un chatbot basique : un parloir entre marques et consommateurs, qui n’apporterait aucune valeur incrémentale à l’expérience existante. L’assistant virtuel, lui, fait partie d’une nouvelle génération d’intermédiaires à l’interface plus intime, qui repose sur l’intelligence humaine pour étayer son vocabulaire, ou encore améliorer sa compréhension et son approche du consommateur. Ainsi outillé, il peut parer aux différentes éventualités que comporte un scénario d’accompagnement, mais aussi reconnaître quand il est nécessaire de passer le relais à l’humain.

L'enjeu de la vente

Plus d’un milliard de commandes en ligne ont été réalisées en 2018, et ce chiffre entend doubler d’ici 2020. Cela confirme bien la translation exponentielle du commerce physique à son pendant digital. Le problème avec le e-commerce, c'est qu'une marque ne peut pas faire parler ses produits ni mettre un vendeur derrière chaque client. Or, les fondamentaux du commerce restent l'échange, le conseil, bref, la conversation. Sans interaction utile, efficace et à point nommé, le consommateur zappe et déserte le site de la marque.

Afin de rétablir un climat de confiance propice à la réalisation d’une vente, les e-commerçants ont tout intérêt à miser sur les agents virtuels de nouvelle génération. Selon le futurologue Ray Kurzweil, il sera tout bonnement impossible de faire le distinguo entre un agent humain et un agent virtuel en 2029, preuve que cette technologie de pointe a de beaux jours devant elle, et servira toujours mieux les intérêts du consommateur. A ce titre, les derniers algorithmes de compréhension du langage naturel automatisé sortant des laboratoires de recherche dépassent les performances de l’humain. Si pour le moment, ils s’expriment en langue de Shakespeare, il est à parier que cette prouesse sera répliquée sur d’autres langues dans un futur on ne peut plus proche. Aujourd’hui, les assistants conversationnels sont capables de tisser une relation quasi de pair-à-pair, adaptée aux usages du consommateur moderne et à sa fenêtre d’attention.

Pour subsister face à l’hégémonie naturelle, froide et distante des GAFA, les marques ont tout intérêt à faire de leur différence une force. Au pragmatisme distancié, les e-retailers opposent bienveillance, accompagnement et conseil dans une logique d’humanisation. Les marques dénotent grâce à leur supplément d’âme, elles gagnent ainsi en ubiquité, en affect et en pertinence, des critères déterminants pour le client. Elles construisent alors des expériences sur-mesure, qui comptent. Des immersions qui détiennent les clés de leur pérennité, dans un contexte on ne peut plus concurrentiel et débordant d’informations.

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