Le constructeur allemand a ouvert en février à Berlin son showroom du futur. Situé en centre-ville, « Audi City » fait la part belle au digital. Objectif : vendre ses modèles, mais aussi raconter la marque aux citadins.

Article initialement publié en juin 2014 dans le supplément Stratégies «Shopper Marketing».

 

Exit les enfilades de voitures des concessionnaires traditionnels. Seules quatre automobiles trônent dans les 375 mètres carrés du showroom automobile ouvert par Audi à Berlin. Chez Audi City, l’écran géant vole la vedette aux carrosseries rutilantes. Accueilli par des guides équipés de tablettes, le visiteur est invité à configurer la voiture de son choix sur une table numérique, avant de la voir apparaître en taille réelle sur l’écran, qu’il peut contrôler grâce à des capteurs de mouvement. L’expérience, qui rappelle celle des jeux vidéo, vise à séduire une clientèle jeune et urbaine.


L’endroit est présenté par Audi comme un laboratoire visant à répondre à une série de défis, au premier desquels l’urbanisation. « Le monde compte de plus en plus de grandes villes et l’on a de moins en moins de place pour montrer nos produits », résume Moritz Baumann, responsable marketing de l’Audi City berlinois. Alors que les concessionnaires classiques sont souvent confinés en périphérie des grandes villes en raison du coût élevé des loyers, Audi cherche à se positionner au cœur de la ville. « Nous sommes au centre-ville, là où nos clients sont déjà. Ils y font leur shopping le samedi, vont au restaurant… Ici, on arrive à interagir avec eux », explique le responsable.


Après Piccadilly à Londres, le constructeur a ainsi jeté son dévolu sur Ku’Damm, la grande artère commerciale de l’ancien Berlin Ouest, souvent comparée aux Champs-Élysées parisiens, où toutes les grandes enseignes sont installées. « Les marques premium veulent être présentes en centre-ville, à la manière de Nespresso, Apple ou des marques textiles », analyse Dieter Dahlhoff, professeur en management de l’automobile.


La digitalisation permet également de présenter dans un espace restreint toute la gamme de produits, laquelle évolue en permanence. « Il y a vingt ans, Audi ne déclinait qu’une dizaine de modèles contre 50 aujourd’hui », raconte Moritz Baumann. Au premier étage, deux cabines équipées de tables numériques et d’écrans permettent d’accueillir dans un espace séparé les clients qui se sont pris au jeu et désirent passer en revue la gamme et les options pour individualiser leur voiture. Ces derniers repartent ensuite avec leurs données configurées, enregistrées sur un QR code, qui peuvent être également directement transférées au concessionnaire le plus proche de leur domicile. Tout comme leurs propres coordonnées, enregistrées sur les tablettes des vendeurs, si la visite est concluante.


Une expérience unique


Audi cherche également à s’adapter aux nouvelles habitudes des consommateurs et au rôle prépondérant joué par Internet dans le processus d’achat. Si Audi a fait le choix de ne pas vendre ses voitures sur la Toile, « le parcours client se fait désormais en ligne », note Julien Leterrier, directeur conception et stratégie chez Valtech, agence de marketing digital qui a collaboré au projet Audi City. « Il y a dix ans, les clients visitaient en moyenne quatre ou cinq fois un concessionnaire avant d’acheter une voiture. Aujourd’hui, ils ne s’y rendent plus qu’une seule fois et se sont auparavant informés sur Internet. Ils ont une idée précise en tête. Le métier de concessionnaire a changé », poursuit-il.
Pour éviter que la décision d’achat se prenne uniquement derrière un écran d’ordinateur, Audi City propose un endroit physique « avec une expérience unique ». Un nouveau point de contact qui lui permet de soigner l’accueil client et donc son image de marque. Objectif : reprendre la main sur les choix du consommateur et booster les ventes, grâce notamment à l’upselling, qui consiste à proposer et à valoriser des options plus coûteuses, parfois vite passées en revue sur Internet et aussitôt oubliées.


Audi City a reçu plus de 35 000 visiteurs à Berlin depuis février, contre plus de 61 000 dans son showroom londonien ouvert en 2012, au moment des Jeux olympiques. Parmi eux, un mélange de touristes, de Berlinois et de professionnels de l’automobile venus observer les efforts digitaux d’Audi, qui est allé le plus loin en la matière. L’endroit est « à la croisée du digital et de l’analogue » aime à raconter le responsable marketing du site. À côté des écrans, échantillons de cuir et de peinture sont mis à disposition des visiteurs. « La résolution du logiciel est si bonne que l’on voit le grain du cuir », insiste Moritz Baumann.
Audi City dispose d’un garage abritant six voitures ainsi qu’un accès aux 180 véhicules de démonstration des huit concessionnaires berlinois pour proposer des conduites d’essai d’une durée de 24 heures. Le concept laisse cependant Ferdinand Dudenhöffer sceptique. Le spécialiste automobile de l’université de Duisbourg-Essen ne croit pas en cette concession digitale, estimant que l’expérience proposée au client reste incomplète et que le produit automobile n’est pas compatible avec la vente en ville : «Les constructeurs ont vu Apple ouvrir ses Apple Store et se sont dit qu’ils pouvaient aussi ouvrir les leurs, mais ils ont oublié que si le client peut tester les produits Apple, ce n’est pas le cas des voitures. Ici, chez Audi, on peut uniquement regarder, c’est seulement la moitié de ce que veut le client. Comme si Apple proposait de tester ses téléphones sans Internet ! »

 

70 % de nouveaux acheteurs


 S’il ne communique ni les montants investis dans le projet ni les chiffres de ventes réalisées par l’Audi City berlinois, le constructeur se targue d’avoir réussi à atteindre de nouveaux clients. Forte de son expérience à Londres, la marque est déjà parvenue à y écouler 700 véhicules et note que 70 % de ses acheteurs n’avaient jamais acheté Audi auparavant.
Derrière la vente en elle-même, la marque d’Ingolstadt cherche à offrir une « émotion positive » au client, rappelle Moritz Baumann. « On ne vend pas des voitures uniquement aux clients qui en ont besoin maintenant, dit-il. Notre objectif est aussi de faire en sorte que le client pense à Audi au moment où il aura envie de renouveller son achat. »


Le showroom reflète l’image de modernité visée par Audi, conforme à son slogan « Vorsprung durch Technik » (L’avance par la technologie). « Audi City est un endroit où la marque se met en scène, explique Dieter Dalhoff. Cette mise en scène des marques a gagné en importance depuis cinq à dix ans. La branche automobile se concentrait jusqu’alors dans l’amélioration des concessionnaires et des brand stores qui représentaient la marque en ville, il s’agit ici d’une combinaison des deux. »


Reste à savoir si l’Audi City peut faire de l’ombre au réseau traditionnel du constructeur. Les trois outils principaux testés auprès des clients des Audi City – l’écran géant baptisé « Power Wall », la table numérique et les salons privés – pourront être achetés dans les douze prochains mois par les concessionnaires classiques. Le showroom digital ne leur fait pas concurrence, assure Moritz Baumann, le responsable marketing d’Audi City à Berlin. « Nous avons besoin des grands concessionnaires classiques car ils sont complémentaires des Audi City, avance-t-il. On ne peut pas, par exemple, offrir de service après-vente. On est obligé de travailler en collaboration avec les concessionnaires, pour accéder à leurs ressources comme eux aux nôtres. »


À Berlin, l’Audi City est ainsi exploité par le concessionnaire Audi du quartier voisin de Charlottenburg qui met ses voitures à disposition, mais aussi quatre de ses employés. Appelés « Audi Experts », ces derniers viennent compléter l’équipe des six « Audi Guides », chargés d’accueillir les visiteurs.

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