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Peut-on vieillir dans la publicité? La question ne se pose pas dans le corporate, où l'âge est un atout évident pour conseiller les entreprises. Retour sur six pointures du secteur devenus de «jeunes» entrepreneurs.

Le copilote

 

Hugues Le Bret, fondateur d'Achèle

 

Le 3 octobre, il démissionnait de Boursorama. Le 7 octobre, sortait en librairie son livre La semaine où Jérôme Kerviel a failli faire sauter le système financier mondial. Le 19 novembre, un message sur Twitter annonçait: «Je viens de recevoir le K bis de ma société, Achèle: un mot simple, construit avec mes initiales». Hugues Le Bret, ex-directeur de la communication de la Société générale, se raconte par «tweets» interposés, où l'on peut suivre en temps réel le plan média de son «journal intime» vendu à 60 000 exemplaires et pour lequel il a donné plus de 70 interviews. «Je ne pouvais le publier et rester président de Boursorama. Or l'idée de ne pas dire la vérité m'était insupportable», explique-t-il. Ancien entrepreneur passé chez Euro RSCG C&O, il n'a eu qu'à décrocher son téléphone pour trouver ses trois premiers clients, dont la SSII Devoteam. À 47 ans, il ne veut pas bâtir une agence, mais se faire copilote en solo. «Je propose aux dirigeants des tête-à-tête hebdomadaires pour les accompagner sur le positionnement, la gouvernance ou la communication de leur entreprise. Je ne veux pas plus de dix clients», précise Hugues Le Bret, expert en communication de crise et webmarketing. Pour la mise en œuvre, il s'appuiera, si besoin, sur Le Public Système Hopscotch, un groupe dont il est proche des dirigeants. Un tiers de son temps sera toutefois consacré à l'écriture. En 2001, il signera un billet hebdomadaire dans un grand média et enseignera la communication de crise à Sciences Po. Un livre est en préparation sur un sujet de macro-économie… La meilleure manière, pour lui, de «rester intelligent et en éveil». Et de bien conseiller ses clients.

 

 

 

L'influenceur

 

Vincent Lamkin, cofondateur de Comfluence

 

Il souhaitait créer une agence associant communication et influence. Cofondateur de Caractères & Associés et de Meanings, Vincent Lamkin, 40 ans, a créé Comfluence en 2009 avec Jérôme Ripoull, ami de Science Po et lobbyiste. «Aujourd'hui, un bon sujet de lobbying, c'est d'abord un vrai sujet d'actualité, explique-t-il. L'arme massive de la communication est inséparable de l'arme chirurgicale de la relation.» Vincent Lamkin souhaitait également délivrer, en toute liberté, du conseil à des interlocuteurs de haut niveau. «Nous vendons aujourd'hui principalement des honoraires», confie-t-il.

Comfluence a jeté son dévolu sur les fédérations professionnelles soucieuses de défendre un métier, des valeurs, des intérêts. Des acteurs qui collent à son positionnement. La Fédération de l'hospitalisation privée, l'Interprofession du paysage et du végétal et l'Union sociale pour l'habitat figurent à son tableau de chasse. L'agence, qui sait créer le débat en s'appuyant sur des colloques à forte valeur ajoutée, gère également la conception éditoriale et la rédaction en chef de Regards sur le numérique, le «consumer d'influence» de Microsoft (20 000 exemplaires).

Enfin, l'agence s'inscrit dans une culture du résultat. En faisant appel à des instituts d'études, elle évalue l'impact de ses actions au regard des objectifs assignés. Ce qui est particulièrement apprécié des organisations professionnelles, mettant en jeu l'argent de leurs adhérents. Avec 12 permanents et une marge brute 2010 de 1,2 million d'euros, Comfluence s'apprête à accueillir deux nouvelles recrues dans ses nouveaux locaux parisiens de la rue de Courcelles.


L'accoucheur

 

Serge Perez, fondateur des Ateliers Corporate

 

La douloureuse fusion de Publicis Consultants présidé par Éric Giuily et de Media System qu'il dirigeait, c'est désormais du passé. N'ayant pas trouvé sa place dans la nouvelle structure, Serge Perez est aujourd'hui, à 56 ans, de nouveau libre de conseiller les entreprises comme Bull, Bouygues Telecom, Macif, Société générale, Alliance Healthcare France, Fnac, GDF-Suez, etc.

Créée en 2009, sa société (2 millions d'euros de marge brute et 10 salariés) s'appelle Les Ateliers Corporate. Tout un programme. «Les agences ne sont plus adaptées aux attentes des entreprises évoluant dans un monde complexe et en mutation, explique Serge Perez. Les briefs traditionnels qui appellent des réponses pleines de certitudes données par des agences tayloriennes tenues de faire tourner des lignes de production, c'est fini.»

Pour penser la complexité, il faut, selon lui, coélaborer les réponses, travailler autrement. «Notre rôle n'est pas de dicter une stratégie ni de jouer au spin doctor. Nous sommes des accoucheurs », poursuit-il. Prônant plus d'humilité et de sincérité, cet expert en communication RH apprécie de travailler pour les cabinets d'organisation, comme il l'a fait pour Cap-Gemini autour de la sortie, en mai 2010, du livre Tiggers sur les nouvelles dynamiques de transformation de l'entreprise. Une collaboration qui lui a permis d'affiner le positionnement de son agence: «architecte en communication de transformation». Un concept proche du récent livre de Laurent Habib sur la «communication transformative». «Qu'un grand réseau reprenne cette idée ne fait que confirmer la pertinence de mon positionnement», conclut-il.

 

Le fédérateur

 

Robert Zarader, fondateur d'Equancy & Co

 

«L'indépendance est un réel atout pour exercer pleinement notre métier. Nous sommes libres dans nos réflexions, nos recommandations. L'inconvénient, c'est la production», confie Robert Zarader, docteur en économie, entrepreneur et fondateur en 2008 d'Equancy & Co après avoir dirigé BDDO Corporate et TBWA Corporate. Ce fan de rugby a cependant trouvé la parade en jouant collectif: il fédère des indépendants ou s'associe à de grandes agences pour des compléments en création et production publicitaire. Il a ainsi remporté la communication interne de l'APHP avec Anatome, un appel d'offre de l'INPES avec Lowe Stratéus, un autre pour Assystem avec Blue. Il conseille également des clients fidèles: La Poste avec Euro RSCG C&O, Pôle emploi avec TBWA Corporate.

Equancy&Co collabore avec ses concurrents comme avec ses clients. «L'heure est aux logiques d'alliances, aux systèmes de coopération, explique Robert Zarader. Pour réussir, il faut prendre le temps de coproduire avec son client dans une posture d'humilité.» L'agence peut ainsi élaborer des appels d'offres sans y répondre, travailler les briefs très en amont, les faire évoluer. Equancy & Co développe également une approche maison consistant à créer pour ses clients des groupes de travail et de réflexion s'appuyant sur des universitaires. Des experts talentueux peu utilisés par les entreprises et très intéressants en termes de veille stratégique et intellectuelle. Avec 12 salariés permanents, l'agence affiche aujourd'hui 1,8 million d'euros de marge brute. Et 40% de croissance en 2010.

 

L'hôte du corporate

 

Éric Zajdermann, président d'Anatome

 

Plein d'entrain, Éric Zajdermann fait visiter «sa maison», deux anciennes villas logées en fond de cour derrière la place de la Bastille. Dans l'une, l'agence Anatome acquise fin 2009 après un parcours d'entrepreneur et de patron d'agence corporate: création d'Italiques, de Taxi jaune corporate, présidence de Stratéus, restructuration et développement de Lowe Stratéus. Jusqu'à ce que «le management de ce groupe prenne des décisions défavorables à la France de manière injuste et infondée», explique-t-il. À 55 ans, il a donc acquis Anatome, une agence de 50 salariés, affichant 4,5 millions d'euros de marge brute, avec des bureaux à Marseille, Lyon et Montpellier. Sa spécialité : la communication des villes, régions et départements.

«C'est une belle endormie plutôt discrète qui repart en conquête. Je l'ouvre aux entreprises avec mission de service public, aux communications d'intérêt général, aux problématiques de conduite de changement», explique Éric Zajdermann qui a décroché, depuis son arrivée, l'APHP ou encore la Fondation Vinci Autoroute. Son ambition: qu'Anatome devienne dans cinq ans une agence admirée où l'on souhaite travailler. Il vient d'ailleurs d'y installer des «tables d'hôtes» pour accueillir des petites structures ou des indépendants aux expertises complémentaires: relations publiques, e-influence, affaires publiques, etc.

Dans la seconde maison se trouve la galerie Anatome, seul lieu de documentation et d'exposition sur le graphisme contemporain de France. «Je souhaite en faire un outil de promotion du graphisme, un instrument d'éveil pour nos équipes et un outil de développement pour l'agence.» De quoi ravir ce typographe de formation.

 

Le consultant

 

Éric Giuily, fondateur de Clai

 

À 57 ans, dans un climat de remise en cause des actions menées depuis huit ans (réorganisation du réseau corporate à l'international, détachement de Carré noir, etc.), Éric Giuily, ex-président de Publicis Consultants, a quitté le groupe de Maurice Lévy pour relancer l'an dernier Clai, une société en sommeil créée en 1996 alors qu'il conseillait BDDP dans sa fusion avec TBWA.

L'heure est au recrutement pour ce cabinet-conseil en stratégie et communication corporate. Début 2010, cet énarque comptera 15 salariés pour une marge brute de 2,2 millions d'euros (800 000 euros en 2009). Anne de Danne, ex-déléguée générale de la Fondation Wyeth (groupe Pfizer) vient de le rejoindre pour élargir son offre au secteur de la santé.

Qui dit cabinet dit absence d'équipes de création et de production. Mais son partenaire publicitaire est tout trouvé: BDDP & Fils. Ensemble, ils sont devenus, suite à un appel d'offres, agence de référence du ministère de l'Éducation nationale. La plupart des budgets sont toutefois gagnés sans compétition. «Ce qui nous laisse du temps pour nous consacrer à nos clients, nouer des relations de proximité pour apporter les meilleures réponses, le tout à des prix compétitifs», explique Éric Giuily qui, pour ce faire, privilégie des partenaires associés au capital pour une durée minimum de cinq ans.

Au total, Clai, installée à deux pas de la gare Saint-Lazare, compte une vingtaine de clients actifs: Air liquide, Nestlé, Pimkie, Rio Tinto, Groupe Hersant Média, Socoma… S'il doit se développer, ce sera via une fédération de structures complémentaires plus que concurrentes, créées par des entrepreneurs. À mille lieux des grands groupes…

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