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Grâce à un court-métrage qui a enregistré trois millions de vues sur Internet, le jeune Français poursuit une carrière entre la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Trois millions de vues en 48 heures. Un petit exploit en matière de buzz. Le 7 avril 2010, le court-métrage d'animation Pixels est posté sur Internet par son auteur et réalisateur, Patrick Jean. Pendant deux minutes, des créatures-icônes sorties tout droit des jeux vidéo des années 80 envahissent la ville de New York et la réduisent en pixels. Réalisée avec un petit budget, cette invasion numérique n'est pas sans rappeler le remarqué Logorama, œuvredu collectif de graphistes français H5 sortie en 2009.

En pleine vague du retrogaming, le court-métrage qui devait être une simple «bande démo» de réalisateur enchaîne les récompenses. Pixels devient notamment lauréat des Audi talents awards en 2010 dans la catégorie animation, et obtient la même année le Cristal du meilleur court-métrage d'animation au Festival d'Annecy.

Pas de quoi, pourtant, faire sourciller Patrick Jean. Il faut dire que depuis ce buzz originel, le réalisateur français de 35 ans a changé de continent et passé plus de temps sur les boulevards de Los Angeles que dans les rues parisiennes. «L'intérêt des studios américains pour Pixels a été quasi immédiat. Moins d'une semaine après la diffusion sur la Toile, j'étais dans l'avion pour aller rencontrer les gens d'Universal et de Sony Pictures qui souhaitaient en faire un long-métrage», se souvient-il.

Séduit par le côté «do it yourself» du jeune réalisateur, c'est finalement la société Happy Madison Productions de l'acteur, scénariste et producteur américain Adam Sandler qui remporte la mise. Son projet: faire de Pixels une version très «XXIe siècle» du célèbre film américain Ghostbusters (SOS Fantômes). Patrick Jean est séduit. Depuis, un long-métrage est en préparation: «Le script est écrit et là, nous sommes en train de le retoucher. L'histoire est celle d'un Pixels sur une heure et demie, mais fait cette fois avec des humains aux côtés des personnages de jeux vidéo. Adam Sandler y jouera même un rôle...», détaille le réalisateur.

 

Fuite des génies créatifs

Patrick Jean est-il un talent de plus que la France perd au profit des Anglo-Saxons? Son double profil de réalisateur-graphiste est en effet un atout très recherché outre-Atlantique. «Les écoles françaises d'animation comme Les Gobelins ou Supinfocom -dont je suis issu- forment de très bons graphistes qui sont nombreux, ensuite, à s'exiler en Angleterre et aux Etats-Unis au vu des belles propositions qui leur sont faites.» Sauf qu'ensuite, leur histoire professionnelle s'écrit surtout là-bas, dépouillant la France de ses meilleurs créatifs qu'elle ne sait pas garder, ni vendre. «En plus de Pixels, j'ai un autre projet de long-métrage en cours. Celui-ci va se faire en France avec la société de production Onyx Films, et si j'ai obtenu cette proposition, c'est grâce à mon agent américain...», raconte Patrick Jean. Pas de pixels ou d'effets 3D en vue, cette fois-ci, le film sera une adaptation d'une bande dessinée de l'auteur français Lewis Trondheim.

En tête de ses modèles, Patrick Jean cite le réalisateur français Michel Gondry qu'il a croisé dans un studio aux Etats-Unis. «C'est un précurseur. Il avait facilement dix ans d'avance sur tout le monde en termes de réalisation», estime-t-il. Or Michel Gondry est justement un de ces Français qui ont réussi son virage aux Etats-Unis... «Et cela sans perdre sa personnalité», rajoute le jeune réalisateur.

Comme son mentor touche-à-tout, Patrick Jean garde aussi un œil sur l'industrie de la musique et de la publicité. «Pour l'instant, je n'ai plus le temps pour me lancer dans de nouveaux projets...», soupire-t-il, racontant la pression qu'il se met pour faire les «bons» choix. Il a ainsi été contacté par le festival de musique Coachella, en Californie, pour réaliser le film d'introduction de son édition 2013. «Les organisateurs du festival avaient beaucoup aimé Pixels. C'est un superprojet qu'ils me proposent, même si j'ai peur que par manque de temps, il ne soit compromis.»

Côté publicité, le réalisateur a déjà tourné plusieurs films en 2011, dont un pour la marque de whisky J&B en Argentine et un autre pour la société de crédit par Internet Credit Confidential en Grande-Bretagne. Des réalisations obtenues par l'intermédiaire de la société de production britannique Passion Pictures, avec laquelle il travaille désormais. «En ce moment, je réfléchis à un projet avec la marque Audi», confie-t-il. Tout en restant sélectif dans ses choix: «Ce que certains publicitaires viennent chercher chez moi, c'est le savoir-faire d'un film Web à succès, réalisé avec un budget de moins de 10 000 euros. Après vient le côté créatif et l'envie de travailler avec moi...», ironise Patrick Jean. Et d'ajouter: «Que ce soit dans le cinéma ou la publicité, je veux faire des films, pas des buzz. Le buzz, en tant que tel, ne m'intéresse pas.»

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