Textile
De mois en mois, Abercrombie & Fitch va de pertes en pertes. Exemple de réussite marketing, la marque s'est forgé une identité forte auprès des adolescents, mais qu'ils ont vite oubliée. Comment réagir ?

Abercrombie & Flop: voilà comment on pourrait rebaptiser Abercrombie & Fitch si rien n’est fait. Chaque résultat trimestriel n’est que déception: des chiffres d’affaires en baisse de 20% dans certains magasins et des recettes en recul de 77% en 2013! Sans parler de son image de marque, dont on ne retient que les mauvais buzz… Elle n’est pourtant pas née de la dernière pluie. Fondée en 1892, Abercrombie a surtout commencé à faire parler d’elle en 1997, avec son positionnement décalé. Coups de pub choquants, lancement d’un magazine pseudo-pornographique pour ados en 2000, citations explosives du PDG Michael Jeffries –comme sur les enfants «cool» et les enfants «pas cool»–, discrimination à l’embauche sur le physique des vendeurs… la marque choque. Mais elle plaît aux adolescents, sa cible principale. La queue était grande devant les boutiques de New York ou Paris pour acheter des T-shirt à prix exorbitants, dont le design n’avait rien de spécial, sinon le logo affiché en gros.

PDG limogé

Mais depuis deux ans, le ballon se dégonfle. La tendance est finie, et le succès d’Abercrombie aussi, pour le plaisir des personnes qui n’y ont jamais trouvé leur taille. Enfin, elle commence à se remettre en cause. Elle diminue le volume sonore des boutiques, limoge son PDG, en poste depuis 1992, réduit la taille de son logo sur certains produits, et rhabille ses vendeurs! Mais cela sera-t-il suffisant pour séduire de nouveau les clients? Abercrombie ne devrait-elle pas retravailler sa marque en profondeur? 

 

RECO Numéro 1: 

Passer d’une marque de tendance à une marque de mode

Philippe Jourdan, fondateur du cabinet Promise Consulting

 

«Le succès d’Abercrombie en France ne s’est basé que sur le nom de la marque et ses magasins. Elle offre une vraie expérience client dans ses boutiques, souvent comparées à des boîtes de nuit. Mais ça ne fait pas tout… L’autre atout, c’était sa rareté, notamment lorsqu’elle était à New York. Lorsque vous achetiez un produit Abercrombie & Fitch, vous achetiez le voyage, comme si vous rameniez un «gros» souvenir. En ouvrant plus de boutiques, et notamment à Paris, la marque a perdu cet avantage. Mais son vrai point faible, ce sont ses produits. Retirez le logo, vous n’avez aucun moyen de reconnaître la marque. C’est trop fragile ! Abercrombie ne joue pas avec les collections, avec une matière spécifique, une innovation particulière. C’est là-dessus qu’elle doit travailler, ainsi que sur la qualité. Elle doit passer d’une marque tendance à une marque de mode, raconter une vraie histoire. Qu’elle vende de «l’American way of life»! Elle pourrait aussi s’adresser à une cible plus âgée. Les adolescents achètent beaucoup de vêtements, oui, mais il faut accepter le jeu: ce sont les plus infidèles…»

 

RECO Numéro 2: 

Entreprendre une «javellisation» stratégique et redéfinir le luxe

Christelle Delarue, fondatrice de Mad&Woman Agency

«La marque s’adresse exclusivement à une tribu de jeunes, cools et riches, style preppy, avec des corps parfaitement sculptés. L’ancien PDG était obsédé par ces standards de beauté et a tenté de transformer l’américain moyen en gendre idéal... Après ses échecs commerciaux et ses bad buzz succcessifs, Abercrombie doit définir une nouvelle histoire autour de sa marque, une attitude, un nouveau lifestyle. Son positionnement de départ, c’est le style «casual luxury». Bien. Mais qu’est-ce qu’est le «luxe décontracté» aujourd’hui pour les jeunes? C’est cela qu’elle pourrait redéfinir. Au lieu d’un idéal inaccessible, la marque a l’opportunité d’affirmer un caractère pour être plus proche, plus réelle. Elle doit créer un électrochoc, une sorte de «javellisation» stratégique… Tout reprendre avec une «gueule», comme Matthias Schoenaerts. Quelqu’un qui, derrière sa stature, laisserait deviner un franc-parler, un homme brut, loin des soucis de perfection plastique. Abercrombie doit passer son image au Karcher et faire le choix de répondre intelligemment aux pires critiques, démontrer qu’elle reconnaît ses erreurs et qu’elle peut s’engager pour «les gros» et «les pauvres». Finalement, le vrai luxe ne se mesurerait-il pas à la grandeur d’âme d’une marque?»

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