Débat
Après le fiasco de certaines collaborations et à l'heure où Perrier, connu pour son engagement artistique, fait entendre la voix du street art, le débat reste toujours ouvert sur les termes de la relation qui lie ce mouvement aux marques.

A l'occasion de la sortie de son édition limitée «Perrier inspired by Street Art», la marque a invité artistes et experts à débattre sur «La relation entre les marques et le street art».

«Le street art est un terme fourre-tout », prévient Arnaud Oliveux, commissaire-priseur habilité chez Artcurial, qui préfère parler d'art urbain. Mais, quelle que soit la manière dont on le nomme, cet art issu de la rue est porteur d'un intérêt grandissant depuis un moment et les grandes marques ont envie d'y associer leur image. 

Pour Henry Thaud, spécialiste en art urbain et dénicheur de talents, «on parle de co-branding, pas de collaboration», car les marques ont besoin de la notoriété d'artistes qui sont eux-mêmes devenus des marques. «L'art à la papa est terminé, poursuit-il, le modèle de la galerie qui présente des artistes est daté». Aujourd'hui, l'art 2.0 est constitué de nouvelles générations de collectionneurs et l'art urbain touche les cinq continents, car internet et les réseaux sociaux ont tout transformé.

 

Sortir de l'élitisme des galeries

 

D'après son expérience, Arnaud Oliveux explique que collaborer avec une marque est positif pour la cote des artistes. Cela apporte «une dimension collector et participe à véhiculer l'art en dehors du monde élitiste guindé des galeries».
Mais même si l'art urbain est entré dans un domaine plus institutionnel, «il garde un rapport privilégié avec le public grâce à son accessibilité», conclut-il.

Bien sûr, l'ADN même de cet art peut l'amener à être catégoriquement anticonsumériste et à détourner la publicité, mission dont le collectif Brandalism s'acquitte avec ferveur au Royaume-Uni, en remplaçant des affiches par des œuvres de street art.
Toujours est-il que les artistes recherchent de plus en plus de collaborations pour renforcer leur visibilité. C'est le cas de Jon One, graffeur américain installé à Paris, qui a customisé les bouteilles Perrier : «Travailler avec une marque est un outil de diffusion de mon travail. Les bouteilles vont susciter la curiosité de personnes qui n'ont pas le réflexe ou le temps de voir des œuvres et j'espère que cela va pousser à s'intéresser au street art.»

 

Risque de marchandisation

 

Cependant, si une collaboration peut s'avérer bénéfique pour les deux parties, elle peut, à l'inverse, être très néfaste pour la réputation de l'artiste, rappelle Henry Thaud. Nous pensons notamment à la collection Street Art de Monoprix qui a fait grand bruit dernièrement pour sa marchandisation à l'extrême des productions de trois street artistes.

De plus, l'équilibre de la collaboration est essentiel pour une marque : comme le rappelait déjà Jacques Séguéla en 2011, la création sublime parfois tellement le produit qu'elle peut finir par le cannibaliser. Un consensus entre les partisans de la médiatisation de l'art urbain et ceux qui y voient une dénaturation semble toujours pour le moins compromis...

Cette ambivalence reste entière chez certains artistes, conclut Arnaud Oliveux : «ils vont taguer la nuit et sont en même temps vendus en galerie. Cette envie d'être sur le terrain contrebalance l'embourgeoisement de la discipline».

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