Banque
En deux siècles, la banque n’a pas vu défiler l’histoire mais y a participé, en démocratisant l’épargne populaire. Un chantier dans lequel la communication a eu un rôle essentiel.

[Cet article est issu du n°1950 de Stratégies, daté du 17 mai 2018]

 

Spontanément, la banque n’évoque pas la philanthropie. C’est pourtant ce terme choisi par la Caisse d’Epargne pour qualifier ses pères fondateurs, le baron Benjamin Delessert et le duc François de La Rochefoucauld-Liancourt. Ce sont eux qui ont eu, les premiers, l’idée de démocratiser en France l’épargne aux plus modestes. C’était le 22 mai 1818. Cette longévité a débuté sur une bonne base : son naming, « Caisse d’Epargne ». Si le nom est on ne peut plus explicite, l’institution doit néanmoins « éduquer » le peuple aux vertus de l’épargne. « La démarche n’est pas du tout naturelle à l’époque où le travail journalier est majoritaire. Il faut employer énormément d’affiches typographiques explicatives, au moins jusqu’en 1950 », précise Laurent Buffard, directeur de la communication des marques chez BPCE. Un « avis » placardé en 1837 apprend par exemple que les épargnants auront droit à un taux d’intérêt de 4 %.

Il faut attendre un siècle pour voir apparaître l’image. En 1932, la Caisse d’Epargne se pose comme « la banque des enfants ». C’est aussi son premier slogan. « La banque développe une vision pédagogique de l’argent qui confirme le succès du livret d’épargne auprès de la jeunesse », indique Laurent Buffard. Il faut attendre 1947 pour voir arriver le fameux écureuil. L’animal est prévoyant, la mascotte est toute trouvée. Après l’image, la Caisse donne de la voix à son claim en 1950 avec les Frères Jacques, rock stars de la chansonnette : « Un livret de Caisse d’Epargne, c’est une assurance contre le vol, la perte et la destruction ! Ils sont maintenant trois épargnants qui ne se font plus de tourment… » C'est le premier film publicitaire.

La patte BDDP

Au quatuor moustachu succède une ère plus spectaculaire. Nous sommes en 1985 quand la Caisse d’Epargne se fait pour la première fois assister par une agence : Robert & Partners. Pour mettre en avant le nouveau slogan, « L’écureuil, l’ami financier », l’agence dégaine un hélicoptère, un cowboy en costard et envoie une Cadillac rose dans le vide. « La pub a eu un succès énorme à l’époque car elle créait de la proximité et du relationnel, ajoute Laurent Buffard, on en parle encore aujourd’hui. » Mais la grande époque en matière de publicité commence en 1992 avec BDDP. Olivier Altmann, président cofondateur de l'agence Altmann+Pacreau, rembobine : « Je bossais à l’agence comme jeune concepteur rédacteur quand Jean-Marie Dru m’a dit “on est en compétition mais on risque de perdre le budget, alors fais-toi les dents dessus et essaie de trouver une solution”. » Afin d’attirer l’attention, le créatif lance des questions telles que : « Connaissez-vous beaucoup de gens qui rêvent d’être locataire ? » Pour mettre en lumière le PEA [plan d'épargne en actions], « une nouvelle façon de placer votre argent », BDDP catapulte l’épargnant sur un char romain afin de lui expliquer le concept. Quand l’agence est reprise par TBWA en 1998, Olivier Altmann lance BDDP & Fils. La Caisse d’Epargne lui maintient sa confiance et lui confie son budget.

Le coup de fil

Avec Nicolas Bordas et Valérie Hénaff, Olivier Altmann aide l’institution à revoir son positionnement. « Et si une banque vous aidait à vivre mieux ? » interroge alors la nouvelle signature. Dans cette optique, en 1999, le film « Demain » affirme ainsi qu’« on peut voir le monde tel qu’il est, ou tel qu’il deviendra ». Justement, demain… en 2001, la banque transfère son budget à Ogilvy & Mather. Avant la crise de 2008, l’agence positionne la Caisse d’Epargne sur un territoire plus fun, avec la « saga animalière ». En 2009, un pianiste rhinocéros tente de résister à la vague en chantant « C’est pas facile aujourd’hui de mettre de l’argent de côté », et conclut son blues par « Je sais plus où placer mon flouze »… mais les temps ont changé et « l’ambiance est moins à la blague », rappelle Laurent Buffard.

En juin 2015, le téléphone sonne chez une nouvelle agence indépendante. Au standard, c’est la Caisse d’Epargne. « Je me suis demandé si j’avais bien payé mon loyer », sourit Olivier Altmann, qui vient de s’associer à Edouard Pacreau. « Nous lançons une compétition avec Havas Paris, Herezie et Leo Burnett, et nous aimerions rencontrer votre agence », explique-t-on au bout du fil. Du haut de ses 15 salariés, Altmann+Pacreau remporte ce budget estimé à 60 millions d’euros bruts, signant sa véritable entrée sur le marché. C’est lui qui installe le nouveau ton, plus humble, de la banque. « Vous être utile », dit la banque. Plus de message descendant. À 200 ans, la Caisse d’Epargne veut répondre à la quête de sens de ses clients.

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