Les annonceurs investissent de plus en plus dans des campagnes 100% digital, convaincus par la souplesse et la capacité de ciblage du média.

Pour le Women’s Forum de Paris, les 5 et 6 octobre, Always, marque du groupe Procter et Gamble – un des partenaires de ces rencontres -, a changé son approche par rapport à 2016. Sa campagne «Comme une fille» - plusieurs vidéos mettant en scène des jeunes luttant contre les stéréotypes sexistes et diffusée depuis 2014 - a été relancée à l’occasion de l’événement en investissant uniquement le digital, et en ignorant la TV, média pourtant utilisé l’année précédente. «Les niveaux d’investissements ne sont pas les mêmes, reconnaît Barbara Joly, associée chez Publicis Consultants, mais cela donne surtout plus de souplesse, d’opportunisme et de réactivité.» Des atouts non négligeables selon elle, quand «il s’agit d’une marque mondiale, obligeant à la considérer de façon globale mais à décliner ses idées localement».

Tous les secteurs sont concernés

Mais le digital est-il assez pertinent pour capter l’intégralité des investissements publicitaires de certains annonceurs? «Absolument! Et de plus en plus, s’exclame Natasha Fhima, directrice associée d’iProspect (Dentsu Aegis Network). Car dans un contexte où les besoins d’agilité, de pertinence et de rentabilité dictent les décisions, le digital devient incontournable; de plus, les usages et les équipements en France permettent d’envisager un mix digital équilibré, explique-t-elle. C’est donc assez naturel de voir toujours plus d’annonceurs choisir cette option.».

Un constat confirmé par Kantar Media, qui a repéré, dans ses données, les annonceurs réalisant via le display entre 95 et 100% de leur pression publicitaire (hors internet mobile) en 2017. Une vingtaine de marques, de tous secteurs – Shein.com, Kelkoo, Tidebuy.com, LMND, L’Odyssée interactive, HomeMaison, Visual Meta, Planet.fr… - sont quasi-exclusivement dans le digital depuis 2015, et une dizaine – IBM, Becquet, Camaïeu, Odalys Vacances, Concept Multimedia, Quiksilver, Easyvoyage… - ont progressivement atteint ce niveau sur les deux dernières années.

Pour Barbara Joly, toutefois, «il existe généralement une différence entre les grands groupes d'annonceurs et les start-up ou opérateurs du net. Les seconds privilégient le digital, qui reste leur univers d’activité, pour se créer une communauté et développer leur e-commerce. Tandis que les premiers essaient de trouver le bon mix avec les différents types de médias, même si certains demandent maintenant des actions spécifiques 100% digital, en créant un écosystème particulier pour interpeler le consommateur et le convaincre parfois d’aller jusqu’à l’acte d’achat.»

«Pas vu à la TV»

Une analyse illustrée par Havas Media France. L’agence cherchait à toucher une cible prédéfinie, des CSP+ de plus de 35 ans, pour le lancement fin 2016 du modèle Ioniq par le constructeur automobile et annonceur plurimédias Hyundai, avec l’objectif d’amener les contacts sur des sites dédiés. «Il fallait de l’engagement qualitatif immédiat», explique sa directrice expertise et trading, Stéphanie Robelus. D’où la mise en place d’un événement autour de la scène électro avec Frédéric Taddéï, une personnalité en adéquation avec la cible, et «l’utilisation des réseaux sociaux, qui permettent d’aller très vite.» Avec la TV, «le ticket d’entrée aurait été plus élevé», admet-elle.

Les prix sont en effet attractifs. Exemple, pour communiquer sur l'édition de MTV sur Discover (Snapchat) pendant 7 à 10 jours, le ticket d'entrée est de 10000 euros. On peut même avoir 500000 impressions pour 5000 euros. Pour Studio+, qui se veut le Netflix des séries courtes pour smarphone, lancé fin 2016 par Vivendi, Havas Media a privilégié le digital, «avec beaucoup de mobile en display et en social média via Facebook et Snapchat, et du search via Google, détaille Stéphanie Robelus. Mais plus qu’à un motif économique, l’utilisation du média correspondait à l’usage du produit», précise l’experte, qui s’intéresse avant tout à l’efficacité du dispositif.

L’utilisation exclusive du digital, ainsi, ne se limite pas à la recherche du moindre coût. «Une campagne ambitieuse sur les plateformes représente un investissement conséquent», corrige Aurélien Tissoux, directeur des stratégies digitales de Publicis Consultants. «Il ne s’agit pas d’opposer Internet aux autres médias, mais d’y voir les complémentarités.», note-t-il. Surtout, «les médias traditionnels présentent deux vertus majeures que le digital peine à challenger pour le moment: la dimension statutaire - avec la dimension "brand safety" - et la puissance rapide, souligne Natasha Fhima. Le fameux “vu à la télé” est difficilement égalable sur un plan full-digital car cela mobilise des moyens lourds et présuppose d’un impact important.» Mais, comme le rappelle Stéphanie Robelus, «les réseaux sociaux tels que Facebook, Google avec le search, ou YouTube, sont aujourd’hui des mass medias.» La situation pourrait donc évoluer.

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