Le séisme japonais dans les médias
Quatre hebdomadaires ont choisi la même photo, après le séisme japonais, pour en faire leur couverture.

Les pieds dans la boue, emmitouflée dans une couverture, la jeune fille serre contre elle un sac en plastique qui recèle tout ce qui lui reste. Le regard perdu, elle se tient néanmoins debout, silhouette fragile au milieu des décombres du séisme qui a ravagé le Japon. Ce visage de la désolation, à la fois doux et douloureux se retrouve la même semaine en « une » de quatre hebdomadaires français : Le Nouvel Observateur, Le Point, Paris Match et Le Pèlerin. Sans parler des dizaines de titres à l'étranger...

 

Les cadrages peuvent différer, mais l'image est rigoureusement identique. C'est un quotidien nippon, Yomiuri Shimbun, qui a réalisé le cliché dans la ville martyre d'Ishinomaki, l'une des plus proches de l'épicentre du tremblement de terre.

 

« D'habitude, lorsqu'un journal local envoie ses photographes sur un événement, il vend ses images en exclusivité à une agence. Sauf que là, le quotidien a décidé de les vendre à qui le désirait », explique Marc Brincourt, chef du service photo de Paris Match. Pour 400 dollars, n'importe quel média pouvait se porter acquéreur de la photo. « Il était impossible de « bloquer » cette image, de l'acheter en exclusivité », raconte Serge Ricco, directeur artistique du Nouvel Observateur.

 

Tous ont, peu ou prou, bouclé leur couverture en même temps : entre le lundi 14 et le mardi 15 mars. Aucun des services photo ne savait que son concurrent prévoyait d'utiliser la même image en « Une ». Même si les iconographes subodoraient qu'on la retrouverait forcément dans plusieurs titres. « Le choix n'était pas si large que cela : on trouvait surtout des images de débris, des photos aériennes. La valeur symbolique de ce portrait a fait le reste », constate Serge Ricco.

 

A l'ère du photo-reportage amateur, de la prise de vue via téléphone portable, pourquoi cette pénurie d'images ? « Après le tsunami en Asie du Sud-Est, en 2004, l'on trouvait un grand nombre de photos amateur : les touristes avaient pris énormément de clichés », explique Marc Brincourt. « Mais le Japon du Nord n'est pas, comme la Thaïlande, un lieu de vacances. Et les habitants avaient autre chose à faire que de mitrailler ce qui les entourait ! ». Finalement, aux premiers jours de la catastrophe, les images animées sont plus nombreuses que les images fixes : « Les amateurs filment plus qu'ils ne photographient », remarque Marc Brincourt.

 

« La photo était de toute façon celle qui s'imposait sans conteste. Il n'y a jamais trente-six photos qui parviennent à cristalliser un événement », estime Paul Claverie, directeur du service photo du Point, où l'on a choisi de recadrer la photo sur le visage de la jeune femme. « A la mort de Lady Di, on a vu partout le portrait officiel de la Princesse de Galles, signé Mario Testino », rappelle Serge Ricco. « La photo de « La madone algérienne », cette femme en pleurs après le massacre de Bentalha en 1997, a été reprise par des centaines de journaux... » se souvient quant à lui Paul Claverie. A chaque événement son icône.

Delphine Le Goff 

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