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L'hebdomadaire lancera le 28 mars une nouvelle formule avec laquelle il espère doper ses ventes en kiosques grâce àdes unes plus marquantes et une approche de la culture plus large.

L'affaire avait pris des allures de sacrilège. Un peu comme si l'on avait coupé la houppette de Tintin ou rogné les oreilles de Mickey. Le 30 mars 2011, Télérama modifiait la silhouette d'Ulysse, petit personnage aux humeurs contrastées qui donne la tonalité des critiques de Télérama. Indignation des internautes, bronca du lectorat.

«Nous sommes durs, vous êtes pires», taquinait l'hebdomadaire dans une campagne de 2006. «Nos lecteurs entretiennent un lien passionné avec nous. Ils nous connaissent depuis soixante ans et ne nous laissent rien passer», observe Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama (DFP 2011: 622 944 exemplaires, en baisse de 1,04%). S'offusqueront-ils avec la nouvelle formule que lancera l'hebdomadaire le 28 mars, et qui sera soutenue par une campagne signé de l'agence Les Ouvriers du paradis. La couverture sera significativement remaniée, plus épurée, plus graphique aussi. «Nous souhaitons doper nos ventes en kiosques [DFP 2011 : 78 645 ex., –8,21%] en devenant plus sexy», explique Fabienne Pascaud.

La présentation des articles, davantage mis en scène, et l'adoption d'un style empreint de «plus d'humour, de sourire et d'extravagance», selon la directrice de la rédaction, visent à faire, même juste un peu, descendre le titre d'un piédestal que ses lecteurs lui ont érigé. A son insu, selon Fabienne Pascaud. «On nous prête un rôle de magistère, un ton docte et vertical, une confiance presque démesurée», constate la directrice de la rédaction, sur la foi d'études de lectorat. Il est vrai que l'hebdomadaire, fondé en 1950 par Georges Montaron, ancien rédacteur en chef de Témoignage chrétien, a souvent été taxé de bien-pensance, comme dans le brûlot de David Angevin, l'un de ses anciens journalistes, publié en 2006 par les éditions du Rocher, au titre sans ambiguïté: Boborama.«Télérama est devenu une machine institutionnelle à notre corps défendant. Nous ne voulons pas être perçus comme un titre sérieusement sérieux», soupire Fabienne Pascaud.

«Décrypter le beau où il se trouve»

La directrice de la rédaction a donc enjoint la centaine de journalistes à «raconter davantage d'expériences vécues, à ne plus avoir peur d'afficher sa subjectivité». Gagner en chair, en somme. Dans les pages d'ouverture, dans la  chronique «Infiltrés», avec des sujets comme «J'ai fait la queue à Pôle emploi», dans laquelle les journalistes se mettent en scène. Une démarche qui n'est pas, selon Fabienne Pascaud, des plus naturelles pour les rédacteurs du titre culturel: «Nous ne sommes pas une entreprise qui flatte beaucoup les ego. Nous ne fréquentons pas les milieux mondains. Nous sommes des sauvages, des solitaires…»

Les journalistes de Télérama, nouveaux loups de la profession? Pas d'angoisse. Il s'agit plutôt pour eux de sortir de leur réserve, mais également d'une certaine vision de la culture. «On peut être un grand intellectuel et aimer The Wire», observe Fabienne Pascaud. Le jeu vidéo fait ainsi son entrée dans le temple, dans une rubrique intitulée «Connexions». «La culture était passée de mode, à l'ère du bling-bling où il était branché de ne plus lire de livres», soupire Fabienne Pascaud. Elle est pourtant partout, il suffit de décrypter le beau là où il se trouve.» Les pages littéraires feront ainsi la part belle à, comme l'appelle la directrice de la rédaction, «la culture qui ne fait pas peur, comme la bande dessinée. Et amener aussi à lire des ouvrages plus exigeants».

Le site Internet (1,3 million de visiteurs uniques) connaîtra également une refonte en profondeur, avec une dimension plus «services», notamment une mise en avant des programmes de télévision. Le fameuse partie critique de l'hebdomadaire s'ornera, quant à elle, de la frimousse originelle d'Ulysse, croqué par le dessinateur Riad Sattouf.

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