politique
Un sondage Ifop pour Marianne montre que les JT, les radios et les journaux n'échappent pas à la polarisation politique propre à l'élection présidentielle. Réactions.

L'Express, Le Nouvel Observateur, Le Point ou Le Journal du dimanche... Nombreux sont les hebdomadaires qui ont voulu apparaître au coeur de la victoire de François Hollande, le 6 mai, en sortant des éditions spéciales le soir ou au lendemain de l'élection. Selon Médiamétrie, 62% des Français s'informent néanmoins d'abord sur la présidentielle via les journaux télévisés. Suivent les chaînes d'information (27%) puis les radios généralistes (25%) et les quotidiens (18 à 20%).

C'est France 2 qui s'est imposée comme la chaîne la plus en résonance avec l'opinion française, en étant suivie par 5,8 millions de téléspectateurs au cours de la soirée électorale quand la Une n'en rassemblait que 4,6 millions. Serait-ce parce que le JT de la deuxième chaîne est plus coloré à gauche, comme le laisse entendre le secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé, qui a mis en cause son traitement de l'information après le premier tour?

Un sondage Ifop pour Marianne, publié le 28 avril et portant sur 6000 interviews, montre que les médias publics sont davantage regardés par des électeurs de gauche. Au premier tour, le JT de France 2 capte 36% d'électeurs de François Hollande tandis que France Inter, avec 48% d'électeurs «hollandais» (et 17% de mélenchonistes), aspire nombre d'auditeurs ayant voté pour le nouveau chef de l'Etat. «La publicité rencontre une forme d'hostilité supérieure chez les gens à sensibilité de gauche», rappelle le sociologue Jean-Louis Missika.

A l'inverse, du côté des médias audiovisuels privés, les téléspectateurs de TF1 sont plus marqués à droite, avec 38% d'électeurs de Nicolas Sarkozy et 27% de partisans de Marine Le Pen. Quant au 19-45 de M6, il compte plus d'électeurs de Nicolas Sarkozy (25%) et de Marine Le Pen (25%) que de François Hollande (22%). Seule exception notable dans l'audiovisuel privé: le Grand Journal de Canal+, qui compte 38% d'électeurs «hollandais» et seulement 20% de sarkozystes.

Côté radios privées, avec 42% de votants pour le chef de l'Etat sortant et 20% d'électeurs frontistes, RTL affiche une audience plus teintée à droite que celle d'Europe 1, pourtant marquée par sa proximité avec Nicolas Sarkozy en 2007 (36% de ses auditeurs le soutiennent aujourd'hui contre 27% pour François Hollande).

«Cela ne veut pas dire qu'il y ait une coloration politique de la radio», prévient Jacques Esnous, directeur de l'information de RTL, qui rappelle que la station fait le choix de la diversité avec ses chroniqueurs (Eric Zemmour, Alain Duhamel, Jean-Michel Aphatie et Serge July). «Nous ne sommes pas un média d'opinion, ce serait suicidaire, estime-t-il. Selon un sondage TNS Sofres de décembre, 63% de nos auditeurs pensent que nous ne sommes ni de gauche ni de droite. Et les deux candidats du second tour ont salué notre traitement de la campagne.»

NRJ, enfin, se singularise par un taux record d'électeurs de Marine Le Pen (33%). Serait-ce dû à une forte présence d'auditeurs dans les zones périurbaines où le Front national cartonne? Le réseau musical, qui se veut apolitique, peut aussi apparaître éloigné des élites médiatiques.

 

Une presse diversifiée

«La gauche domine les syndicats, les médias et la magistrature», affirme Etienne Mougeotte, directeur de la rédaction du Figaro, dans son éditorial du samedi 5 mai. Pour ce qui est des journaux, c'est sans doute vrai si l'on regarde «l'é-lectorat» de Libération (81% à gauche, dont 59% pour François Hollande) et du Monde (63% à gauche, dont 45% pour François Hollande).

Mais Le Figaro et Les Echos compensent, avec respectivement 61% et 50% en faveur de Nicolas Sarkozy. Surtout, les newsmagazines sont plus diversifiés qu'on peut le penser. Avec 52% de lecteurs «hollandais» et 19% de mélenchonistes, Marianne supplante Le Nouvel Observateur (52% et 15%) dans le rôle de l'hebdomadaire le plus à gauche.

En 2007, sous la direction de Jean-François Kahn, le magazine comptait pourtant un grand nombre de lecteurs centristes. «On a été le plus rudement et le plus radicalement antisarkozyste dès le premier jour, et extrêmement critique sur le capitalisme financier, rappelle Maurice Szafran, PDG de Marianne. Cela explique la radicalisation d'une partie du lectorat. Cela ne veut pas dire que l'on sera le journal du pouvoir ni que l'on va se priver de dire à François Hollande qu'il ne peut se contenter d'être un gestionnaire de fortune. Et nous suivrons les vrais affrontements sur le fond sur ce que doit devenir la droite.» Avec l'optique de satisfaire les lecteurs attachés à une approche plus balancée...

Toutefois, les hebdomadaires marqués à droite ne sont pas les moins nombreux. Outre Le Figaro Magazine et Le Point qui comptent 63% et 51% de lecteurs sarkozystes, Paris Match et même L'Express sont dominés par un lectorat proche du président sortant dès le premier tour (43% et 41% de votants en faveur de Sarkozy).

Une curiosité pour le journal de Françoise Giroud historiquement marqué au centre gauche? «Nous avons profité du positionnement très antisarkozyste de certains journaux, répond Christophe Barbier, directeur de la rédaction. Nous avons peut-être récupéré des sarkozystes critiques et servi de refuge à un lectorat trouvant l'information indépendante en déshérence.»

L'Express, reconnaît-il, s'est illustré par un soutien à l'offensive libyenne, à la réforme des retraites et par sa couverture de l'affaire DSK. Et nul n'a oublié que la première interview de Carla Bruni-Sarkozy, en tant que première dame, fut pour L'Express.

 

Encadré

Le rôle des réseaux sociaux

Qu'ils servent à annoncer de façon codée les résultats de l'élection avant 20h (#RadioLondres sur Twitter) ou à échanger des impressions, les réseaux sociaux sont arrivés en «deuxième écran», en appui de la télévision. Renforcent-ils les marqueurs politiques des médias ou, au contraire, les atténuent-ils? «Si la communauté s'est constituée sur une base politique, on va s'échanger des médias que l'on consomme et donc se conforter les uns les autres dans un entre soi, répond Jean-Louis Missika, sociologue des médias. Mais si la communauté s'est constituée sur tout autre chose, on va au contraire accroître la diversité médiatique. Au lieu de se conforter, on va se confronter aux opinions adverses.»

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