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Après Webedia et Terra Femina, la financière de Marc Ladreit de Lacharrière met la main sur Allo Ciné pour près de 70 millions d'euros.

Il a suffi que le quotidien L'Opinion de Nicolas Beytout évoque le rachat d'Allo Ciné pour «50 à 70 millions d'euros» pour que Marc Ladreit de Lacharrière, 72 ans, fasse la moue: «Ce sont là des chiffres inventés. L'Opinion, ce n'est pas la Bible...» Le patron de Fimalac, pourtant, a bel et bien payé 66,9 millions d'euros pour mettre la main sur 98% du capital d'Allociné, site Internet sur le cinéma et les séries télévisées, aux 25 millions de visiteurs uniques par mois et aux 19 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Nicolas Beytout? Ce patron de presse lui rappelle sans doute Les Echos de la première période LVMH: en 2007, après avoir vendu à Dassault neuf ans plus tôt Valeurs actuelles et Le Journal des finances, Marc Ladreit de Lacharrière, propriétaire de l'agence de notation financière Fitch Ratings, a tenté sans succès de racheter le journal économique contre Bernard Arnault, avec le soutien de la rédaction. L'insuccès de l'opération fut peut-être sa chance: le patron de LVMH doit essuyer aujourd'hui les pertes des Echos après avoir fait un chèque de 240 millions d'euros.

Pour traiter la décision de Fitch d'enlever le triple A de la France, le 12 juillet, les journalistes du quotidien n'auraient-ils pas été aussi gênés qu'ils l'ont été lors de l'offensive de LVMH contre Hermès (condamnée, le 1er juillet, par l'Autorité des marchés financiers à une amende de 8 millions d'euros)? «En mai 2007, personne ne parlait alors de crise, rappelle le financier qui a pris en 2011 40% du groupe Lucien Barrière. L'idée était de créer un grand groupe d'information continental en rapprochant Fitch d'un quotidien d'information économique.»
Son investissement dans Allo Ciné, qui suit de peu celui dans la société Webedia (Pure People, Pure Ciné, Pure Médias...) et Terra Femina, est en tout cas une mauvaise affaire pour le fonds d'investissement américain Tiger Global, qui avait acheté le site 118 millions d'euros en 2007. «Je veux créer un champion français du divertissement dans le digital», affiche-t-il. De fait, il s'agit d'intégrer peu à peu toute la chaîne de valeur de cette thématique, après la production d'artistes et de spectacles (Johnny Hallyday, Céline Dion, Gad Elmaleh, Laurent Gerra...) et la distribution dans 26 grandes salles de spectacles, dont les fameux Zenith.

«Internet va devenir le principal canal d'accès au spectateur, on va pouvoir faire la promotion de nos artistes grâce à Webedia et Allo Ciné», explique celui qui est aussi la 58e fortune française, avec un patrimoine professionnel estimé, selon le magazine Challenges, à 960 millions d'euros. Fimalac, qui contrôle déjà 90% des spectacles vivants, deviendra ainsi incontournable dans la distribution des tickets.

 

Trouver des synergies

La feuille de route, elle, n'a rien d'une tournée de saltimbanques. «Notre objectif est de conquérir toute l'Amérique latine», confie Grégoire Lassalle, président directeur général d'Allociné. Webedia, qui s'est imposé comme Allociné au Brésil, donnera ses recettes de monétisation, notamment en matière d'opérations spéciales. Le Mexique, l'Argentine et le Chili suivront dès cette année. Webedia profitera aussi du succès du site de cinéma en Allemagne et en Turquie pour s'installer dans ces pays.

«Nous avons de longs mois pour trouver des synergies. Il y a tellement de projets que ce serait étonnant qu'il y ait des licenciements», confie le patron d'Allociné, qui mise sur son savoir-faire en base de données, mobile et vidéo. Bandes passantes, équipes marketing, locaux, tout sera mis en commun avec Webedia. Début 2014, il est prévu que les deux sociétés, totalisant 250 personnes, emménagent dans le centre de Paris dans un espace de  2500 m2. Une structure à directoire et conseil de surveillance est envisagée. 

De son côté, Marc Ladreit de Lacharrière évoque déjà des lancements, notamment un site sur la gastronomie via Webedia. Et d'autres acquisitions: «On doit être capables de faire émerger des acteurs du Net, la survie de l'exception culturelle est importante.» Pas de démenti, d'ailleurs, sur un éventuel intérêt pour Dailymotion. «Il y a là une logique mondiale et industrielle, confie Grégoire Lassalle, il a raison de ne pas démentir.» 

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