SUPPLÉMENT RÉGIONS

Proximité, sécurité, finesse du ciblage… Les régies locales ont de nombreux atouts à faire valoir face aux plateformes. Tour de France de leurs innovations.

Quand on est une PME avec un budget de communication restreint, le point d’entrée évident est le search, l’achat de mots-clés sur Google. Mais les médias locaux ne sont pas forcément en reste face aux plateformes. Leurs offres commerciales se structurent pour mieux servir les annonceurs de leur région. 366, la régie qui regroupe 55 titres de presse régionale, garantit ainsi 75 % de reach (visibilité) quel que soit le bassin de diffusion. « Nous représentons une audience de 20 millions de lecteurs par jour en print et digital, et 10 millions de visiteurs uniques par jour sur nos sites, affirme Bruno Ricard, directeur général adjoint marketing et communication de 366. Grâce à une technologie qui s’appuie sur la géostatistique, nous sommes capables de modéliser nos audiences à l’Iris [le découpage communal de l’Insee]. » Une donnée beaucoup plus fine que la segmentation en fonction des éditions locales.

Cela permet par exemple à un supermarché de géolocaliser sa communication à l’échelle de sa zone de chalandise sans inonder toute une commune. « Pour émerger à côté des grands opérateurs, il faut se mettre à niveau en termes de puissance et de facilité d’action, précise Bruno Ricard. Nous pouvons garantir une meilleure efficacité grâce à une mesure d’audience transparente et certifiée. Face à YouTube, nous avons créé une offre commune entre Prisma, Le Figaro et 366, Video impact for brands, qui regroupe autant de visiteurs uniques que la plateforme de Google. Grâce à notre production journalistique quotidienne, nous pouvons utiliser la sémantique pour cibler des publicités dans des contenus précis. Nous avons aussi une offre drive-to-store. Nous voulons être le one stop shop des territoires, l’interlocuteur unique pour les dispositifs auprès des médias et des influenceurs régionaux. »

Afin de mieux faire connaître les médias locaux aux annonceurs, Alexis Goujon, ancien directeur de la stratégie de CoSpirit, a créé en 2022 Les Relocalisateurs, une association regroupant quinze régies et agences. Son récent Observatoire des investissements publicitaires locaux montre que ceux-ci représentent plus de 30 % du marché total avec 10,2 milliards d’euros, et qu’ils sont en progression constante. « Ils ont chuté au moment de la crise sanitaire, lorsque les magasins étaient fermés, mais il y a une montée en puissance depuis deux ans et le niveau de 2019 va bientôt être dépassé, souligne-t-il. Le confinement a redonné de l’importance à la proximité, les annonceurs en ont pris conscience et il faut leur répondre avec les bons outils. » Pour lui non plus, « la visibilité assurée par les plateformes n’est pas une garantie d’efficacité. Pour aider la relocalisation des budgets, les médias doivent donner aux petits acteurs la possibilité de diversifier leurs achats. Par exemple, un réseau d’affichage doit pouvoir dégrouper son offre pour permettre à un annonceur d’acheter 10 faces plutôt que 60. »

Un champ d’action élargi

L’intérêt pour la proximité se retrouve dans les stratégies des médias nationaux, qui décentralisent leurs régies. Media Figaro a ainsi ouvert cette année trois bureaux à Marseille, Lyon et Nantes. « Nous avons toujours travaillé avec les régions via des partenaires, cela représente déjà 10 % de notre chiffre d’affaires, souligne Aurore Domont, présidente de Media Figaro. Mais en 2023, on a voulu territorialiser notre offre en ouvrant des directions commerciales locales, afin d’être en contact direct avec les petites et moyennes entreprises. La dynamique est très forte, nous sommes en croissance de 23 % depuis le mois de janvier. » La promesse d’une marque forte et d’un environnement sécurisé (brand safety) a de quoi séduire les annonceurs.

La télévision segmentée, qui concerne 14,7 millions d’individus via les box des fournisseurs d’accès à internet, élargit encore le champ d’action des médias traditionnels. Elle permet de géolocaliser les annonces et d’ajouter d’autres données comme la composition du foyer, les centres d’intérêt… « La télévision segmentée offre un reach et un niveau de data inégalés par rapport aux plateformes », assure Dimitri Marcadé, directeur commercial TF1 Pub, en charge des développements en région. Les enseignes à réseau, les acteurs du tourisme, les commerçants locaux sont les clients privilégiés de ce nouveau canal. « Nous avons diffusé une publicité pour la Banque de Savoie sur les deux départements 73 et 74 via MYTF1 et la télé segmentée en ciblant les CSP + », illustre Dimitri Marcadé. La première chaîne a nettement régionalisé son antenne avec la présence de deux feuilletons tournés dans le Sud, et l’arrivée prochaine de Plus belle la vie. La régie compte sept bureaux en région, à Lille, Strasbourg, Lyon, Marseille, Montpellier, Bordeaux et Rennes.

Varier les cibles

BFM (Altice Media) a également décentralisé son offre à la suite du rachat de chaînes locales. Le groupe en compte désormais dix, dont BFM Alsace et BFM Normandie intégrées en 2022. Elles revendiquent 15 millions de visites par mois et 6 millions de téléspectateurs au global. « L’essentiel de notre base est composé d’annonceurs institutionnels, de grands groupes ayant des directions régionales et d’annonceurs locaux qui n’avaient pas accès à la télévision. Nous proposons tous les jours des thématiques différentes, environnement, business, JO, emploi, culture, qui permettent de varier les cibles », précise Raphaël Porte, directeur général d’Altice Media Ads & Connect.

Avec la télévision segmentée, les médias audiovisuels ont un argument à faire valoir face aux Gafam : le prix. BFM comme TF1 promeuvent un ticket d’entrée à 5 000 euros et une facilité de mise en œuvre. « Les petits annonceurs peuvent commander leur dispositif sur le site d’Altice en choisissant la zone, le mode de diffusion en linéaire ou en digital, le nombre de contacts. Nous pouvons les accompagner dans la création et dans la mesure des résultats », ajoute Raphaël Porte. Un dernier argument est avancé par Alexis Goujon des Relocalisateurs pour valoriser les médias locaux face aux géants de la tech : celui de la souveraineté. « Les plateformes ne redistribuent pas de valeur dans les territoires, assure-t-il. Il faut faire de la relocalisation des investissements média un enjeu au même titre que la relocalisation industrielle. »

 

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