Quand rien ne va plus, difficile pour les marques de s'afficher tout sourire dans leurs communications. L'époque est à la mélancolie, à la nostalgie. Il est temps de changer ça en réinventant nos récits.

Une tendance émerge dans la publicité. Alors que leurs situations personnelles et collectives se détériorent, les consommateurs se renferment. Les marques ont besoin de maintenir le contact, mais elles ne peuvent plus construire la confiance à coup de paillettes et de promesses fardées. Pour rester authentiques, elles colorent désormais leurs communications d‘une compassion nostalgique.

Depuis quelques mois, une tendance graphique a émergé dans les créations publicitaires mondiales : un print, avec une photographie aux couleurs désaturées de la vie banale et quotidienne. Elle nous vient du Royaume-Uni, des États-Unis, d’Espagne ou de Scandinavie, pour des marques comme Ikea, Unicef, Burger King ou Stella Artois. Mais alors pourquoi, au même moment, émergent partout dans le monde (occidental tout du moins) des visuels très similaires pour communiquer sur des sujets et des marques très différents ?

Dans ces prints, le produit vendu est absent, relégué, ou dégradé. Les sujets sont plutôt négatifs, mélancoliques : télé éteinte, verre volé, client trompé, tasse brisée, personne en dépression ou en plein doute. Le mouvement est restreint, certains sujets tendent même vers la contemplation. Le ton sépia donne aussi un côté particulièrement nostalgique. Si les productions convergent, c’est que les stratégies aussi. Au cœur du sujet : la nouvelle représentation de l’authenticité.

Une authenticité renouvelée

Il y a encore cinq à dix ans, c’était l’époque des budgets en hausse, avec des résultats exceptionnels au pic de 2019. L’économie allait très bien. On parlait au planning stratégique, comme on en a toujours parlé, d’authenticité. Elle se conjuguait avec le naturel, 50 teintes de vert et le papier craft, mais aussi (surtout ?) avec une recherche d’expériences carte postale, celles qui inondent encore nos murs Instagram et qui poussent parfois à une « disneylandisation » de nos sociétés. 

Aujourd’hui, l’économie a bien changé. La géopolitique aussi. Et la crise climatique est de plus en plus tangible. Rien ne va plus, et il devient de plus en plus compliqué pour les marques de s’afficher tout sourire. On n’y croit plus. Or tout est question de confiance entre les marques et leur cible, et sans confiance, pas de business. Alors il se passe deux choses. D’abord, on agit. Concrètement. Dans le core-business, comme Intermarché, qui dénonce et bloque les industriels agroalimentaires qui augmentent leurs marges dans l’ombre de l’inflation. Mais aussi avec des démarches parallèles au business, comme Heetch, qui se mobilise contre la mauvaise représentation des banlieues, ou qui forme ses chauffeurs à l’écoute active en réaction à la hausse des états dépressifs chez les jeunes.

Une communication adaptée

Ensuite, on adapte sa communication. Pour rester relatable, en connivence, on intègre la galère quotidienne. On désature les images, on parle d’expériences peu glorieuses. Car c’est devenu ça l’authenticité : être honnête sur ses failles. Rien ni personne n’est parfait, et ceux qui se targuent de l’être sont des imposteurs. Alors on parle de ses faiblesses et de ses tracas, comme Taylor Swift dans son dernier album. Une tendance à recouper avec le succès des comptes de psychologues et thérapeutes en tout genre et à la légitimité variable qui cartonnent sur Instagram et TikTok. Et à mettre face à la tendance complètement inversée du FOOH, où les marques profitent de l’IA générative pour créer des images de faux dispositifs extérieurs aussi fous et colorés qu’ils sont inexistants.

La publicité est décrite comme le reflet de notre société, et il est intéressant de voir qu’aujourd’hui authentique rime avec nostalgique. Alors, pour contrer la morosité ambiante, il devient urgent de réécrire nos projets de société, de réinventer nos récits, et d’exprimer des visions fortes et résolument positives ! Sans toutefois tomber dans l’optimisme béat.