Chronique

Vous connaissez cette phrase d’Audiard dans la bouche de Belmondo pour Cent mille dollars au soleil : « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent ». Quand le nouveau président de l’Udecam, président de Publicis Media dans le civil, nous enjoint dans le Journal du Net à « arrêter de râler contre Google et Facebook et de couper leurs budgets si nécessaire », c’est l’occasion de peser les protagonistes de l’achat média et de compter les dollars.  Gautier Picquet attaque comme un poids lourd : il veut monter sur le ring avec toute la profession pour gagner de la marge, refuse les matchs quand les clients ne veulent pas payer assez, décroche un direct à l’arbitre, la CNIL, qui comme souvent en France légifère contre son écosystème, et enfin, le clash, défie le duopole de la publicité en ligne, Google et Facebook. Surtout Google, qui abolit sans concertation les cookies, ces petits gâteaux pour navigateurs qui faisaient des miettes pour les autres. Nous serions de « gentils bisounours nourris de la main du diable ». Il est temps de « savoir dire non ».  

La situation donc c’est que le métier d’agence média doit parler d’une seule voix pour qu’on le retienne de faire un malheur. Un rôle à la Bernard Blier dans les films de Michel Audiard, certes, mais qui n’empêche pas d’avoir raison : il serait temps que les acteurs se coordonnent, que la réglementation réglemente à la bonne échelle, au moins européenne, et soyons fous, que les grandes plateformes nouent le dialogue jusque dans leurs colonies. Mais qui peut décemment conseiller à ses clients de ne pas passer par Google ou Facebook en 2020 ? Quelle lecture des rapports de force peut mener à les associer plutôt qu’à les opposer ? Et si les deux colosses de Mountain View et de Menlo Park ont eu une année difficile, sur tous les plans (fiscalité, données personnelles, manipulation d’élections, ciblage de minorités…), le porte-monnaie est-il le bon juge à invoquer dans ce procès ? Dernière réflexion à la lecture de cet entretien : ceux qui pèsent (bien) plus de 130 kilos aujourd’hui n’ont pas 25 ans (Publicis a 94 ans) et l’époque est peut-être à la revanche des poids plumes, de ceux qui font 60 kilos et qui écoutaient jusqu’ici. On appelle ça l’agilité, et ceux qui font 130 kilos en rêvent ces temps-ci.



Les Chinois se méfient des années du rat. Le coronavirus ne les fera pas changer d’avis. Les festivités du nouvel an lunaire ont été bouleversées et on estime que 150 millions de personnes – soit près de 2% de la population mondiale ! – sont aujourd’hui maintenues en quarantaine. Pour la décennie, le siècle, voire le millénaire, c’est un événement qui fera date. Sans même traiter du fond de l’épidémie et des extrémités de la réaction du gouvernement chinois, deux événements resteront gravés dans les usages. Premier point, et nouvelle étape du logiciel et des télécommunications qui mangent le monde, la Chine et ses partenaires auront dû passer au travail à distance. On en mesure d’ores et déjà les effets en connexions simultanées et en consommation de bande passante et des outils de collaboration en ligne. C’est une nouvelle ère pour les activités humaines. Le deuxième point reste à mesurer mais il sera sans doute encore plus impressionnant. Je veux parler des émissions de CO2, qui de facto sont réduites du fait du ralentissement de la demande, des entreprises, des usines et du trafic routier et aérien. La dernière fois que ces rejets dans l’atmosphère ont diminué, c’était en 2009 sous l’effet de la crise financière. Dans l’adversité, ce virus nous donne une idée des efforts à fournir, de notre plein gré, pour réduire ces émissions dont on sait qu’elles provoquent les catastrophes climatiques. Toutes mes pensées vont à mes collègues et amis chinois qui paient très cher pour nous donner cet exemple.



Chez Fabernovel, peu de sujets auront déclenché autant de débats et d’engagement que le cas d’Isabelle Kocher, désormais ex-directrice générale d’Engie et ex-seule femme dirigeante d’une entreprise du CAC40. Tous avaient pris fait et cause. Engie et son conseil d’administration se sont retrouvés dans une situation sans issue, comme si, parce que l’entreprise était la seule à avoir une femme à sa tête, elle était devenue encore plus qu’un symbole, celle qui masquait une situation hallucinante et un échec collectif. Ce que je retiens de cet incident qui aura passionné le capitalisme français, c’est qu’il y avait bien un arbre, mais toujours pas de forêt. Alors refusons le procès fait à la seule société qui faisait l’exception à cette situation inique, balayons devant nos portes et veillons à ce que rapidement la parité soit la règle dans toutes nos futaies… parce que comme le rappelle le Wall Street Journal, les femmes –même membres de Comex ou de conseils d’administration– restent encore trop peu nombreuses à exercer les postes qui forment au mandat social suprême, celui de PDG/CEO. 

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