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L’approche commerciale sur les services de télévision de rattrapage s’apparente à celle de la télévision classique et non du Web. Une simplicité qui séduit les annonceurs. La mesure de l’audience sur ce support est en marche.

Il va falloir s'habituer au terme. Le «pre-roll» est le format publicitaire de référence sur la télévision de rattrapage. Il s'agit d'un espace destiné à la diffusion d'un spot et situé en début de programmes sur les services de «catch-up TV». Impossible de zapper ce film: l'utilisateur est obligé de le regarder dans son intégralité avant de passer à l'émission choisie. Au point que, selon une étude récente du cabinet Tube Mogul, 16% des internautes américains préféreraient continuer leur surf sur un autre site plutôt que de regarder une publicité apposée au début d'une vidéo (mais ils ne sont que 11% pour des vidéos issues d'une chaîne TV).

Avantage de cette technique de diffusion: l'annonceur peut facilement utiliser un film TV classique. Et il simplifie son approche commerciale face à la multitude et la complexité des surfaces disponibles sur le Net, sachant que les régies publicitaires des chaînes proposent seulement un ou deux spots en pre-roll. Parfois, une ou deux coupures publicitaires en «mid-roll» sont aussi possibles, mais avec un spot seulement.

Aucune réglementation n'existe, mais le marché s'accorde sur le fait qu'il ne sert à rien de surcharger ces espaces publicitaires. «Ce format est très bien accueilli et rassure les annonceurs, confirme Nicolas Thorin, directeur de M6 Publicité Digital. Cela permet d'intéresser les grands secteurs annonceurs de la télévision, l'alimentation ou la beauté, car l'approche médias est la même.» La télévision de rattrapage s'inscrit donc dans une stratégie de complément ou de prolongement d'un dispositif classique.

«C'est une déclinaison, confirme Béatrice Leroux-Barraux, directrice générale adjointe de TF1 Publicité. Les indices de formats sont les mêmes que ceux du petit écran.» Mieux, la télévision de rattrapage bénéficie même déjà d'un "bêta de mémorisation", comme les grands médias: l'indice s'élève à 29 pour un 30 secondes, contre 17 en télévision classique. C'est-à-dire qu'un même film est quasiment deux fois mieux mémorisé lorsqu'il est vu via la catch-up TV qu'à la télévision traditionnelle.

L'explication est simple. D'une part, sur la télévision de rattrapage, l'environnement concurrentiel est quasiment inexistant (un ou deux spots au maximum, contre parfois une dizaine en télévision classique). D'autre part, la qualité d'écoute est bien supérieure, puisque le programme n'est pas subi par le téléspectateur, mais volontairement choisi.

Construction d'un modèle économique

La comparaison avec la «vraie» télévision s'arrête là. Faute d'une audience réellement mesurée sur la télévision de rattrapage, le tarif se calcule encore en coût pour mille contacts. «La méthode de vente s'apparente plutôt au Web», reconnaît Béatrice Leroux-Barraux, chez TF1 Publicité.
Les offres commerciales vont s'affiner, mais les grandes lignes se dessinent déjà. Ainsi, un annonceur peut acheter un contexte éditorial, en s'associant par exemple à une série spécifique ou à un genre particulier. L'achat peut aussi être effectué en gros, quel que soit le programme. Mais les régies veulent conserver un statut d'espace «premium» à la catch-up TV. Du coup, les tarifs n'ont rien à voir avec ceux du Web. Par exemple, TF1 Publicité propose 200000 spots diffusés avant le visionnage des épisodes de la série Dexter pour 5000 euros net, soit un coût pour mille de 25 euros. «C'est clairement plus cher qu'une campagne Internet classique, confirme Arnaud Rouat, responsable des achats chez Havas Digital. Mais il est difficile de dire si l'on paie le bon prix sur un modèle émergent. Cependant, les sommes engagées ne sont pas encore considérables.» De même, la stratégie commerciale se rapproche de celle de la télévision classique. Selon nos informations, les taux de négociation atteignent rarement les 40%, alors qu'ils peuvent dépasser les 80% sur le Web.
Le modèle économique se construit peu à peu. Toutefois, le choix de financer par la publicité un contenu gratuit durant sept jours semble s'imposer. Pour l'instant uniquement disponibles en vidéo à la demande, donc payants, les épisodes de Plus belle la vie de France 3 rapportent quelques centaines de milliers d'euros par an à France Télévisions. «Sur l'offre gratuite, les résumés du feuilleton sont regardés 2 millions de fois par mois, confie Laurent Souloumiac, directeur des services interactifs chez France Télévisions. Imaginez le chiffre d'affaires publicitaire qui pourrait être généré quand sera proposée l'intégralité du feuilleton sur la télévision de rattrapage gratuite!» (hors abonnés Orange).

Une perspective qui ne se vérifiera sur le long terme qu'avec un outil de mesure d'audience fiable. «Nous achetons encore des contacts, comme sur Internet. Mais aujourd'hui, ceux-ci sont difficiles à qualifier, observe Hélène Perez, directrice générale e-marketing d'Isobar, le pôle interactif d'Aegis Media. On ne sait pas qui est derrière l'ordinateur et regarde le programme. Nous pouvons seulement en avoir une idée en fonction de l'émission.»

Des données encore vagues, bien loin des précisions disponibles pour la télévision classique, mais les standards sont déjà établis. Médiamétrie prévoit pour début 2011 la publication des audiences en différé des programmes. Celles de la télévision de rattrapage via le téléviseur seront mesurées quelques mois plus tard. Mais il faudra attendre 2012 pour connaître toutes les audiences des programmes (en direct, en différé, J+ 1 et J+7), quel que soit le support de diffusion. Et enfin mettre des GRP sur ces nouveaux téléspectateurs.

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