Etude
Si le secteur reste porteur en 2014, l'inquiétude gagne du terrain chez les professionnels, interrogés en exclusivité par l'Ifop pour Stratégies, qui affichent leur confiance dans le secteur du luxe immatériel.

Le marché mondial des produits de luxe devrait atteindre une valeur de 223 milliards d'euros en 2014, en progression de 5% à taux de change constant, contre 7% l'an passé et 10% en 2012, selon la 13e édition de l'étude sur le marché mondial du luxe de Bain & Company, parue en octobre. Cette «nouvelle normalité» pourrait se poursuivre au-delà de 2014, le luxe se définissant par une croissance moins soutenue mais plus pérenne.

 

La tendance baissière en 2014, due aux fluctuations de taux de change dans le monde entier, à une faiblesse économique persistante en Europe (croissance du luxe de 2%) et à d'autres facteurs exogènes, tels que les crises de Crimée et d'Ukraine (baisse de 6% pour la Russie), a été compensée par la vitalité des consommateurs américains et par un marché japonais (+10%) qui renoue avec le luxe. Le marché domestique chinois, lui, se stabilise à un niveau de croissance faible (-1%), mais les Chinois continuent de figurer à la première place mondiale en matière de consommation de produits de luxe. Ils dépensent en moyenne trois fois plus à l'étranger qu'en Chine continentale.

 

Un optimisme en retrait

 

Dans ce contexte, l'Ifop, pour la quatrième année et en exclusivité pour Stratégies, a interrogé, début novembre, 255 professionnels du luxe chez l'annonceur ou en agence, pour prendre le pouls du secteur. «Le marché du luxe qui était le moins touché par la crise commence à l'être. On ressent l'effet de contamination c'est tout de même assez logique, souligne Stéphane Truchi, président du directoire de l'Ifop. Pour les professionnels, l'année 2014 est synonyme d'inquiétude pour 45% des répondants, alors qu'ils n'étaient que 17% a exprimer un sourire inquiet il y a encore deux ans, et 29% l'an passé. Le franc sourire, du coup, plonge à 16%, alors qu'il était sur les visages de 40% des sondés en 2012 et de 31% en 2013.»

 

Après des sourires presque insolents ces dernières années, si le sourire inquiet domine, ce n'est toutefois pas la grimace (9% des réponses)! «Pour 2015, les professionnels restent majoritairement positifs, même si leur optimisme est en retrait, exprimé par 55% d'entre eux, contre 70% en 2013», poursuit Stéphane Truchi.

 

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«L' inquiétude est directement liée à la situation des pays émergents, qui ressentent la crise», observe Marc Gicquel, directeur du département luxe de l'Ifop. Ainsi, la Chine reste le pays le plus stratégique selon 47% des sondés, mais contre 77% il y a deux ans. «Si le ralentissement du marché chinois persiste, on note toutefois quelques signes de reprise dans la mesure où les sondés sont plus nombreux à penser – 27% contre 22% l'an passé – que le marché chinois va repartir à la hausse», poursuit-il. Les Emirats arabes restent en bonne position. Le Brésil, pour sa part, est en recul, tout comme la Russie. Du côté des marchés traditionnels, un bon tiers des professionnels confirment le retour des Etats-Unis comme «très stratégique». La France le reste pour 15% des sondés.

 

Des valeurs pour se projeter dans l'avenir

 

Au-delà des marchés géographiques, Ifop s'est intéressé aux secteurs du luxe en développement, aux valeurs du luxe de demain, aux enjeux qui s'imposent à la profession et à la concurrence des marques premium. «Le luxe, ce n'est pas que des beaux objets. Les secteurs du luxe immatériel, ceux qui proposent des services haut de gamme, sont ceux perçus aujourd'hui comme ayant le plus fort potentiel», note Stéphane Truchi.

 

L'hôtellerie, la restauration, la gastronomie et les vins sont des marchés porteurs pour une nette majorité des sondés. On le vérifie avec la rénovation des grands hôtels (Le Crillon, Le Lutetia...) l'ouverture de palace, à l'instar du Peninsula inauguré à Paris en août dernier. Ainsi, les parcours gastronomiques et œnologiques, relativement récents, rencontrent un franc succès auprès des touristes chinois.

Côté mode, la maroquinerie affiche le plus fort dynamisme et les sacs à main portent le marché. En revanche, l'horlogerie plonge (seulement 16% des sondés y voient du potentiel), notamment en raison de la loi chinoise anticorruption qui a eu un effet direct sur les cadeaux d'entreprise, comme les montres… On sait que certaines marques de luxe ont vu leur chiffre d'affaires baisser de 30 à 40% à la suite de cette loi. Cosmétiques et parfums souffrent, eux, d'un problème de valorisation et d'une banalisation de l'acte d'achat.

 

Dans ce contexte, se pencher sur les valeurs du luxe permet de se projeter dans l'avenir. «Emotion, excellence, créativité, exclusivité et rareté sont les fondamentaux du luxe qui ressortent, souligne Stéphane Truchi. On est beaucoup mois dans le statut et l'individualisme.» Pour le président de l'Ifop, ces valeurs renvoient à trois registres: le produit (la création et l'excellence sont le savoir-faire propre aux maisons de luxe), la diffusion (la rareté et l'exclusivité s'opposent à la standardisation et l'uniformisation) et la relation (c'est émotion propre à l'expérience client qu'offre le luxe).

 

Un brouillage peu menaçant

 

Assez logiquement, du coup, pour les professionnels du luxe, l'innovation produit, la transformation et la communication digitale, le CRM, la relation client et le «made in» c'est-à-dire l'origine de la production, sont les principaux enjeux pour les entreprises du secteur du luxe… pas du tout préoccupés, par exemple, par l'engagement RSE.

 

Enfin, sur la question de la montée des marques premium, les acteurs du luxe, majoritairement, n'y voient «pas une menace, convaincus que les clients sauront toujours faire la différence», même s'ils reconnaissent que le brouillage des frontières est réel. Pour l'essentiel des sondés, «ces marques premium répondent bien aux modes de consommation de personnes qui aiment alterner».

 

A cet égard, le Grand Prix Stratégies/Amaury médias du luxe 2014 qui récompense la nouvelle plateforme de marque de Lacoste («Life is a beautiful sport») et son film «Le Grand Saut» (agence BETC) est en phase. «Lacoste est une marque premium, chic et lifestyle, commente Stéphane Truchi. C'est aussi une marque de statut avec un vrai ancrage, représentative d'une communauté socialement élevée, très affinitaire, très codée, et même positionnée luxe sur certains marchés, comme le Brésil.» Ajoutons que Lacoste est membre du Comité Colbert… CQFD.

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