Dix ans après ses débuts, la télé-réalité irradie tous les genres de programmes et les chaînes soignent leur scénarisation. C'est l'une des tendances relevées par le cabinet NOTA depuis septembre 2010.

Le 26 avril prochain, M6 fêtera les dix ans de Loft Story. En une décennie, la télé-réalité a bouleversé le paysage audiovisuel français et, aujourd'hui, le genre est largement déployé. «La télé-réalité a submergé l'offre télévisuelle et a conditionné le mode d'écriture des autres programmes», explique Pascal Josèphe, président-fondateur du cabinet IMCA, qui, associé à Eurodata TV (Médiamétrie), a créé NOTA (New on the Air), un outil de veille sur les nouveaux programmes des télévisions internationales.

L'an passé, les chaînes ont cherché à se rapprocher de leurs téléspectateurs, puis à les impliquer grâce aux réseaux sociaux. Dans sa dernière étude, NOTA, qui a décrypté les nouveaux programmes mondiaux mis à l'antenne avec succès depuis septembre 2010, révèle que, cette fois, les chaînes projettent les individus et leur quotidien au cœur de leurs émissions.

Les créateurs de jeux n'hésitent plus à plonger les candidats dans la réalité d'événements historiques, comme pour Battle of Anthem, où la chaîne néerlandaise Five a fait rejouer cette bataille de la Seconde Guerre mondiale à des adolescents. En Allemagne, Sat 1, avec Das Mittlelalter, a plongé ses téléspectateurs dans le quotidien de chevaliers médiévaux. Dans les deux cas, les candidats suivent des formations rudes et réalistes. La production est matière à une scénarisation dramatique. «La forte concurrence entre diffuseurs et l'expertise fine des téléspectateurs poussent les producteurs à proposer des programmes de plus en plus pointus et pensés en amont, analyse Pascal Josèphe. Il y a une course en avant sur la sophistication.»

L'histoire, contemporaine cette fois, est au cœur de Sarah Palin's Alaska, un documentaire autour de cette figure du partie Républicain, qui a été gouverneur de l'Alaska, et égérie du mouvement Tea Party: une formidable promotion pour cet état américain… et surtout pour l'ex-suppléante de John McCain dans la course à la Maison-Blanche. Dans The World of Jenks, le réalisateur américain Andrew Jenks s'immerge dans les mondes de personnages atypiques, comme une pom-pom girl, un autiste ou un chanteur de rap repris de justice prêt à l'étrangler simplement parce que sa tête ne lui revenait pas.

Entre glamour et trash

La fiction dépasse parfois l'histoire. En Grande-Bretagne, Channel 4, avec The Taking of Prince Harry, imagine les conséquences de l'enlèvement par les talibans du prince Harry, héritier de la couronne britannique, alors qu'il servait comme soldat en Afghanistan. Une politique-fiction scénarisée comme un drame.

Plus glamour, les Espagnols de Tele 5 préfèrent retracer la rencontre du prince héritier Felipe de Borbon y Grecia avec la journaliste Letizia Ortiz dans le soap-opera Felipe y Letizia.

La télé-réalité s'immisce aussi dans l'intimité des anonymes. Aux Etats-Unis, What's Eating You, sur E Entertainment, présente ces personnes touchées par un désordre alimentaire grave: certaines vomissent à longueur de journée, d'autres avalent des craies ou du papier toilette… Dans le même temps, la chaîne américaine lance un concours de beauté en direction des futures mariées, Bridalplasty, où les chirurgiens esthétiques tiennent le premier rôle. Les images y sont souvent très crues.

Encore plus trash avec Dramatic Transformation, une émission montrant une femme de 190 kilos qui fait le pari de perdre les trois quarts de son poids. Aucun détail de la transformation physique n'est épargné au téléspectateur. «Le trash existe depuis les débuts de la télé-réalité, mais il existe des garde-fous sociaux et économiques qui donnent des limites, observe Pascal Josèphe. Il ne génère pas d'audience et, surtout, fait fuir les annonceurs.»

Ancré dans la «vraie vie»

Heureusement, l'humour fait aussi partie de la réalité. En Suède, les animateurs du show Verckans Kanin demandent au public d'élire la pire personnalité de la semaine. L'heureux élu a la joie d'être suivi par un gros lapin rose durant sept jours… En Grande-Bretagne, sur la chaîne E4, le divertissement Meet the Parents revisite le concept de Mon incroyable fiancé. Cette fois, le gendre est piégé par une fausse belle famille (jouée par des comédiens) totalement loufoque. S'il tient quatre heures, il remporte un voyage avec sa dulcinée.

Enfin, la série s'ancre dans la «vraie vie». Sur ce terrain, Look, diffusée sur Showtime aux Etats-Unis, est révélatrice. Outre des messages Twitter distillés en temps réel par les personnages, la série propose des images filmées uniquement par des caméras de surveillance ou des téléphones portables de témoins. Le message du réalisateur est clair: quoique que nous fassions aujourd'hui, nous sommes filmés.

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