Enquête
Multicanal, médias sociaux, mobilité, data, UX, l’économie numérique bouleverse les schémas anciens. Pure players digitaux et agences de communication poursuivent leur mue pour s’adapter.

La transformation digitale est aujourd'hui le sujet de préoccupation le mieux partagé. Au-delà du «buzzword», il exprime un tournant, un enjeu majeur, une rupture. Le fait qu'au-delà d'une digitalisation de surface, les entreprises doivent entreprendre une mutation profonde pour affronter un monde où les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et autres «pure players» (Airbnb, Uber, Deezer,…) bouleversent les équilibres du passé en s'imposant comme des concurrents redoutables, maîtres d'un monde définitivement numérique, c'est-à-dire «social», «conversationnel», où les foules connectées ont pris le pouvoir.

Les agences de conseil en communication n'échappent pas à ce bouleversement. Le secteur poursuit donc sa mue pour s'adapter. «Nous sommes à un moment du marché où les lignes bougent et les incursions les uns chez les autres sont courantes. Chaque agence complète son offre, ajoute des briques», observe Natalie Rastoin, directrice générale d'Ogilvy France. «On est sur des sables mouvants, avec de nouveaux acteurs qui émergent et des technologies qui évoluent sans cesse», ajoute Matthieu de Lesseux, coprésident de DDB Paris. «La lecture du marché devient plus complexe, confirme Fabrice Valmier, coprésident de VT Scan, cabinet de conseil en choix d'agences. On ne peut plus mettre les agences dans des cases, car elles débordent désormais de leur métier d'origine, tandis que sur un même sujet, on peut avoir plusieurs réponses possibles.» Ainsi, pour le budget mondial e-commerce des Relais & Châteaux, le cabinet consulte à la fois la plus grosse agence digitale française, Digitas LBI (Publicis), l'agence de marketing client Ogilvy One (WPP) et un tandem de pure players indépendants: 5ème Gauche, connue pour sa créativité et sa compétence e-commerce, associée à Extrême Sensio, experte digitale et technologique.

Si la cartographie affiche des frontières plus floues, l'origine des agences et leur avancée en matière de transformation digitale sont toujours des critères de distinction en matière d'expertise. Les agences de marketing relationnel sont devenues expertes en e-CRM. Aujourd'hui, l'activité de Publicis Dialog/Modem, Ogilvy One, Proximity BBDO, Rapp ou MRM-McCann est essentiellement digitale, avec cette nouvelle donne du big data, qui a conduit Publicis France à racheter l'an passé l'agence indépendante ETO spécialisée dans le data marketing.

Avec l'essor des médias sociaux, de la conversation en ligne et ses besoins en contenus et en community management, le métier des RP, de la communication éditoriale et du corporate s'est retrouvé en pointe pour gérer l'influence et la réputation sur ces nouveaux relais d'opinion. Dans un environnement ouvert où l'e-réputation d'une marque est aujourd'hui le sujet de tous…

Les agences médias, elles, se sont trouvées à leur aise dans la gestion des datas que fournissent les médias digitaux et investissent le brand content. Une discipline légitime pour les agences de création publicitaire, divas du spot TV. «Le digital modifiant l'équilibre économique des entreprises, il est évidemment impensable qu'une agence de communication traditionnelle – publicité, CRM, corporate – n'ait pas une offre digitale à proposer à ses clients, souligne Edouard de Pouzilhac, fondateur de 5ème Gauche et président de la délégation interactive de l'AACC. Les annonceurs ont compris qu'il ne servait à rien d'opposer les agences entre elles et qu'il fallait au contraire réussir à les faire travailler ensemble. Ils privilégient le triptyque agence de communication-agence digitale-agence médias et, selon leur cycle de maturité, ils se tournent assez naturellement vers leur agence de communication pour faire notamment des campagnes d'e-publicité, des sites événementiels, du “social media”. Mais lorsque leurs problématiques deviennent plus pointues – écosystèmes digitaux, sites e-commerce, création de services, mobilité, social media, digital in-store… –, ils sollicitent le pilotage des pure-players digitaux, dont le modèle économique repose à 100% sur la valeur de leurs expertises digitales, ce qui n'est pas le cas des agences de communication digitalisées.» C'est ainsi que Lacoste, Louis Vuitton ou encore Peugeot, qui font confiance à BETC pour leur communication publicitaire, ont choisi respectivement Nurun pour le site marchand, Digitas et Isobar pour leur écosystème digital. Idem pour Yves Rocher qui travaille avec MC& Saatchi GAD pour la publicité, mais avec 5ème Gauche pour son écosystème digital.

«On passe beaucoup de temps à comprendre le périmètre des agences et leur expertise à date», indique Fabrice Valmier, de VT Scan. Mais aucune agence ne pouvant intégrer tous les métiers du digital, ce qui est important, c'est aussi la capacité de pilotage d'un projet avec des talents internes et externes.» L'équipementier spécialiste des sports de raquette Babolat a ainsi fait confiance à David Raichman, directeur de création d'Ogilvy One, en charge d'Ogilvy Lab à Paris, pour concevoir l'appli mobile de la raquette de tennis connectée Babolat Play, avec la start-up Aerys. Pour le site du nouveau bateau Rainbow Warrior III de l'ONG Greenpeace, DDB Paris s'était associé au développeur web Les 84. Avec succès dans les deux cas: Ogilvy One a remporté en juin dernier un Lion Innovation à Cannes et DDB récolté de nombreux prix depuis le lancement de l'opération pour le nouveau navire.

Retour au principe de réalité

Le marché, loin d'être figé, est dans un mouvement évolutif permanent, et s'il est plus complexe, il est aussi d'une certaine manière plus transparent. Au-delà des discours et des formules, le principe de réalité gagne du terrain.  Ainsi Martin Sorrell, patron de WPP, numéro un mondial de la communication, avait vu juste en août 2013 à l'annonce du projet de rapprochement entre Omnicom et Publicis (respectivement numéro deux et trois mondiaux) en prédisant que «les fusions entre égaux ne marchent pas». En mai 2014, les protagonistes ont jeté l'éponge, en raison notamment d'un désaccord sur la gouvernance de la future entité. Cet accord raté a rappelé qu'une opération de rachat ou de fusion est toujours un défi. Cette année, la fin de Duke, agence digitale légendaire des années 2000, en est une illustration. La décision de Maurice Lévy de la fusionner avec son homologue publicitaire Saatchi & Saatchi en 2012 a scellé sa mort lente, officialisée en avril dernier avec le départ de son patron, Stéphane Guerry (reparti chez Havas), puis du président Elie Ohayon (désormais patron du budget Nescafé chez Publicis). «Les “digital natives” ont l'indépendance, l'agilité et l'innovation dans leur ADN. Vous imaginez le choc de cultures et de générations lorsqu'ils découvrent la logique groupe avec sa hiérarchie, ses processus, sa rationalisation financière, sa prudence», raconte une ex-Duke, Déborah Marino, directrice du planning stratégique de Publicis 133.
Même déconvenue chez Leo Burnett. «Je pensais que ce rachat serait une promenade de santé, mais comme les autres agences, j'ai rencontré de grandes difficultés, confiait son président, Jean-Paul Brunier, à Stratégies en avril 2014, deux ans après le rachat du pure player Mediagong, à l'activité faite d'une myriade de projets ponctuels. «C'était pourtant la meilleure solution pour intégrer du digital, ne pas être déclassé et repartir aujourd'hui en conquête avec une nouvelle équipe», estime Jean-Paul Brunier. Philippe Lentschener, PDG de McCann France, lui, caressait, avec le rachat du studio digital créatif Soleil noir, «l'ambition de créer des expériences uniques dans l'esprit de [son] modèle Crispin Porter & Bogusky ». Pour Benjamin Laugel, le président de Soleil noir nommé également directeur de la création digitale de McCann Paris, ce rachat constituait «la seule solution pour permettre au digital de remonter sur les briefs des marques». Il a quitté l'agence au printemps dernier. «L'erreur de certains publicitaires est de chercher à digitaliser leur métier, non pas en embauchant des talents, mais en intégrant des agences pure players dont elles changent l'ADN en leur demandant de décliner des campagnes, et donc de ne plus être en amont de la réflexion. Quand le digital est intégré à une agence publicitaire, il est rarement au cœur et se retrouve dans une relation dominant/dominé» dit Edouard de Pouzilhac, de 5ème Gauche.

La concentration se poursuit

Ces trois cas récents ne sont pas isolés. La réussite de l'agence Marcel (250 personnes) est née de l'échec du rapprochement entre Publicis Net et sa cousine publicitaire Publicis Conseil. La formule gagnante pour Maurice Lévy aura été de fusionner sa hot shop créative Marcel dans l'agence digitale. «Marcel est devenue une agence de communication créative née du digital qui ne fait pas de site marchand et de CRM, raconte son président, Charles Georges-Picot. On pense davantage utilisateurs que consommateurs, en croisant le planning stratégique, l'analyse des conversations sur les réseaux sociaux et l'expérience utilisateur.» C'est ainsi que l'agence a gagné le budget Banque populaire contre Babel, CLM BBDO et Havas 04.

Ce chemin inverse n'est pas si courant. Mazarine, l'agence digitale pour le luxe a intégré une consœur publicitaire, Mlle Noï (Nina Ricci, Paco Rabanne…). Et le pure player Emakina France, dirigée par Manuel Diaz, a mis la main, en juin dernier, sur la hot shop publicitaire Toy (Bic, Attractive World…), dont le fondateur, Nicolas de Dampierre, devient directeur de la création de l'agence digitale.

Pour autant, la concentration du marché des agences digitales se poursuit avec le rachat de Big Youth par le groupe Makheia et de Ministère par Havas 360. Le cas de JWT Paris, qui a pris ce printemps 84% de l'agence digitale toulousaine X-Prime, après 18 mois de discussion et de collaboration sur des projets clients, semble tenir compte des leçons du marché. François Garcia, cofondateur en 2002 du pure player, garde ainsi 10% du capital et devient président et mandataire social. «Quand on achète une agence, on achète le talent des managers et leurs clients, expliquait Claude Chaffiotte, président de JWT Paris à Stratégies au moment de l'opération. Leur laisser une participation est la meilleure manière de les engager à long terme, au-delà du CDD qu'est l'“earn out”. Je voulais éviter les écueils des fusions que sont le départ des patrons et la perte de certaines expertises.»

Autre rachat qui a fait l'actualité, celui du réseau Nurun, dont l'agence française, présidée par Antoine Pabst, a fait le plein de new business cette année, dont le gain d'EDF remporté face à Digitas. Le réseau digital du groupe Quebecor Media est tombé dans l'escarcelle du groupe de Maurice Lévy, pressé de faire oublier l'échec de la fusion Publicis-Omnicom. La fin de l'indépendance de Nurun, désormais «cousin» de Digitas et de Modem, est un tournant.
En sept ans, Maurice Lévy aura donc quasiment tout raflé et structuré le marché du digital en France. Certains des actifs de Nurun seront regroupés sous la nouvelle marque Razorfish Global, autre réseau digital du groupe Publicis.

Comment le marché et les clients vont-ils réagir, eux qui, pour certains, avaient choisi Nurun pour son expertise; mais également sa position d'indépendant? A cet égard, dans le trio de tête des pure players français conduit par Digitas, Fullsix et Nurun, l'agence fondée par Marco Tinelli est désormais la dernière grande agence indépendante. Mais on s'interroge aussi sur son projet d'avenir depuis que l'on sait qu'elle cherchait un acquéreur et que les membres historiques de son comité exécutif, notamment son cofondateur Jerôme Toucheboeuf, ont jeté l'éponge l'an passé. Sa filiale technique Ekino a par ailleurs perdu son client historique Renault dans la compétition mondiale menée avec Nissan et remportée par Digitas.

Quel avenir pour les pure players?

La question de la rentabilité des pure players est un éternel sujet, remis en lumière avec le rachat de Nurun, dont le montant (125 millions de dollars canadiens, soit 87 millions d'euros) est moins d'une fois son chiffre d'affaires (139 millions de dollars canadiens), le redressement judiciaire de Dagobert en 2013, remis en selle depuis par Ikube, et la plongée dans le rouge d'Isobar, pour finalement renouer cette année avec la croissance (26%). «Les projets sont plus ambitieux et font appel à de multiples profils experts: ergonomes, storytellers, experts data et e-commerce…, qui sont rares et chers, mais les budgets ne suivent pas» déplore Edouard de Pouzilhac. Tout l'enjeu pour les pure players est de passer d'une logique de mode projet («one-shot» payé en temps/homme) à une logique d'accompagnement dans la durée (des contrats de trois ans, rémunérés en honoraires). 5ème Gauche refuse ainsi les one-shots et a réduit son «back office» avec moins de développeurs «in-house» (pas rentable) pour se renforcer dans le conseil avec le recrutement d'une data strategist, de creative technologists et d'un profil plus marketing. «Il s'agit d'inventer des offres digitales qui enrichissent le produit et qui soit créateur de valeur ajoutée pour nos clients» dit son fondateur. Des indépendants comme Business Lab (70 personnes) agence digitale de Leroy Merlin, ou MNSTR (30 collaborateurs), agence de Salomon, Boucheron ou encore Maped, spécialisée dans les dispositifs publicitaires en et hor ligne, réfléchissent à des relais de croissance. «L'année 2013 a été terrible, raconte Valérie Legat, cofondatrice et directrice générale de Business Lab. On veut trouver un modèle économique alternatif pour avoir une sérénité financière. On se lance dans le conseil en stratégies de plateforme communautaire et en expérience client. Et nous allons nous développer dans l'édition de services et d'applications, notamment pour l'objet connecté Mother de Sen.se ou la Watch d'Apple.»

Même idée pour Lionel Curt, président de MNSTR: «Nous avons créé une filiale d'édition de produits digitaux que nous vendrons seul ou en coproduction avec une marque.» Du côté des pure players lancés par les agences de communication, la mobilisation se fait également sentir. Chez BETC Digital, longtemps dans le flou, c'est parti. Ivan Beczkowski et Olivier Vigneaux, les nouveaux coprésidents, ont recruté Thibault Dargeou comme directeur de la production, qui a remonté le niveau avec une équipe de consultants techniques chargés de trouver les meilleurs experts ou free-lances. L'agence a gagné en 2013 le CRM Europe de Danone ultra frais, actif prochainement et qui va permettre de révéler son expertise en matière de «beautiful services» avec un moteur de recommandation alimentaire personnalisé. «Nous sommes en transformation, BETC digital va laisser la publicité digitale à BETC pour se concentrer sur le digital “dur”, l'e-commerce, le service et l'e-CRM», dit le duo de dirigeants. L'urgence, c'est d'éviter de voir des clients BETC se tourner vers une autre agence pour le digital, comme Lacoste et Galeries Lafayette chez Nurun ou Peugeot chez Isobar. TBWA Paris a le même souci avec DAN, agence digitale des Laboratoires Vichy, qui doit gagner en expertise et visibilité. La preuve, Philippe Simonet, CEO de DAN Paris et vice-président de TBWA Paris, vient de recruter Julie Hardy, au profil international luxe et marketing, comme directrice générale, et Grégoire Audidier, transfuge d'Isobar, pour lui confier la direction des stratégies digitales des deux agences. «DAN est une agence de communication digitale qui veut devenir aussi une agence de marketing capable d'exploiter et d'analyser la data», dit Philippe Simonet. Sur ce modèle, Publics Modem domine le marché et a gagné l'e-commerce de Cetelem, client publicitaire de TBWA.

En quête du bon modèle

Modem, dont les coprésidents Christian Verger et Nicolas Zunz viennent d'être promus vice-présidents de Publicis France aux côtés du nouveau président Axel Dauchez, ex-patron de Deezer. Pour la première fois, un profil issu de l'économie digitale prend la tête d'un groupe publicitaire. La mission d'Axel Dauchez sera d'accompagner les clients de Publicis dans leur propre révolution digitale en faisant travailler les publicitaires, le marketing et le digital ensemble. Pas si simple… Matthieu de Lesseux, coprésident de DDB Paris, en sait quelque chose, digital native dans une agence où la culture dominante reste la publicité. Mais lui aussi défend ce type d'intégration qui est, selon lui, «le seul moyen d'accéder aux patrons et de pouvoir faire du conseil stratégique, pour penser les produits et services de demain qui seront utiles aux gens». Sa Digital University est un succès commercial avec désormais une formation qualifiante avec Sciences Po. Nurun a été la première à parler «digital utility» et mène des missions en ce sens avec un planning élargi à des sociologues. L'agence ne fait plus de communication digitale, de médias, ni de CRM, mais de l'e-commerce avec un fort prisme UX ainsi que de la réflexion corporate (SNCF.com). Digitas, gros fabricant de plates-formes (Nissan, Michelin, Louis Vuitton…), s'active également sur le terrain de la recherche et développement (R&D) avec son Lab, mais aussi dans la communication (50 personnes, dont 10 pour le planning, dirigé par un ancien de BETC). «Nous avons lancé notre offre "Brand live" avec la création d'une newsroom pour produire des campagnes de contenus en temps réel pour les marques, inaugurée par Nissan», indique Mathieu Morgensztern, PDG de Digitas LBI France, qui veut se renforcer face à des concurrents internationaux comme Sapient ou AKQA.

Dans ce paysage ouvert à une myriade d'acteurs (spécialistes mobiles, applis, logiciels, social medias comme We are social ou ID-agence des médias sociaux) les SSII (sociétés de services en ingénierie informatique) cherchent à aller vers le digital. Valtech France, qui a fait sa mue, vient de recruter Stéphane Amis, ancien patron de Fullsix et de Digitas, «agences que Valtech veut concurrencer sur le terrain des plates-formes et l'expérience utilisateur, mais pas sur la communication»,. précise-t-il. Business & Décision lance, de son côté, une agence baptisée Here we can (30 personnes), sur les bases de Fromkayz rachetée en juillet, dont la signature est «Créativity technology and digital business». Manuel Lesueur, ex-vice-président de Vanksen, et Bastien Weulersse en sont les cofondateurs et respectivement PDG et directeur exploitation. Enfin, SQLI, qui a une agence intégrée, Wax Interactive, serait sur le point de reprendre le fonds de commerce de l'agence Megalo & Company.

«Tout le monde tend vers le même endroit qui n'existe pas encore», lance Natalie Rastoin, d'Ogilvy France. «Personne n'a encore trouvé le bon modèle, ajoute Matthieu de Lesseux, de DDB Paris. Mais la bonne nouvelle, c'est que le digital remet en cause les ordres établis et donc que tout est ouvert.»  

Cathy Leitus

 

 

 

 

Encadré

Isobar c'est reparti!
Dans le rouge il y a encore deux ans, Isobar, agence digitale du groupe Aegis Dentsu Network, s'est restructurée et intervient désormias sur tout l'écosystème digital de la marque: site(s), e-commerce, activation, mobile (rachat des Mobiliseurs), social media (15 personnes), e-CRM, gestion de la data CRM et médias. «En 2014, nous avons transformé 68% des compétitions en new business, avec une croissance de 26%, pour 9 millions de marge brute et 110 personnes», indique sa directrice générale, Sabina Gros, venue en 2012 de Fullsix. L'agence a gagné le budget digital monde de Peugeot avec la SSII Business Decision Interakting. L'an passé, elle avait déjà gagné par cette association la refonte des sites monde de Citroën. Isobar a également engrangé le CRM de BMW, la stratégie digitale de JB&B face à Buzzman et DDB, le site e-commerce de la Camif et le SIG (Service d'information du gouvernement) lui a confié sa communication digitale. Sabina Gros, ex-Rapp, en a débauché le directeur de la création Damien Frossard, qui arrivera en novembre comme directeur général délégué à la création et au planning stratégique. CL

 

 

Entretien.

Axel Dauchez, président de Publicis France : «Les agences doivent transformer l'avenir de leurs clients

 

Axel Dauchez a pris ses fonctions de président de Publicis France il y a un mois. L'ancien directeur général de Deezer, le site de musique en streaming, formé chez l'annonceur et en agence, a pour mission d'accompagner les clients du groupe de communication dans leur propre révolution digitale face notamment à la montée en puissance de leurs concurrents pure players. Explications.

 

En 2011, Pascal Nègre, président d'Universal Music France, a attaqué Deezer pour contrefaçon avant d'être débouté et que vous ne trouviez un accord. Vous avez le profil d'un pure player digital qui a combattu les acteurs historiques. Quelle est votre mission chez Publicis?

Axel Dauchez. Le sujet, ce n'est plus le digital. Les agences sont digitalisées et cette première phase de mutation a déjà été engagée par nos grands clients [BNP Paribas, Carrefour, Coca-Cola, L'Oréal, Nestlé, Orange, PMU, Renault...]. Le sujet, aujourd'hui, c'est la concurrence des pure players digitaux qui, dans tous les secteurs d'activité, obligent les grands acteurs historiques à se transformer au risque de disparaître. Oui, comme pure player, je les ai affrontés, mais j'ai quitté Deezer pour Publicis France car il me semble que le moment est venu d'aider les acteurs historiques à reprendre l'offensive, c'est-à-dire à partir à la reconquête du leaderhip sur le numérique en prenant de véritables risques stratégiques et entrepreneuriaux.

C'est là le nouveau rôle des agences qui, elles aussi, doivent réinventer leur avenir?

A.D. Le marché des agences publicitaires s'est construit sur des gains d'efficacité à court terme [un spot TV qui fait vendre un produit], qui ne conduit pas à de la rentabilité à moyen terme pour les clients. Or, aujourd'hui, c'est une carence qui doit être comblée, car le sujet pour 90% de nos clients, c'est le risque de perdre la maîtrise de leur destinée face à la mutation digitale de leur marché. Les agences de communication ne peuvent plus être uniquement dans l'optimisation des canaux, mais doivent inventer la part de futur des clients en transformant durablement leur avenir. Notre enjeu est donc de renforcer notre accompagement auprès des clients en construisant avec eux des initiatives de rentabilité sur le long terme. Ainsi, actuellement, Publicis Modem accompagne les directeurs de magasins Carrefour sur le pilotage de leur zone de chalandise digitale en vue d'augmenter leur part de marché.

En quoi êtes-vous les meilleurs partenaires sur ces sujets?

A.D. Toutes les entreprises qui doivent affronter les pure players digitaux vont être obligées d'orchestrer leur mutation en mixant l' expertise de l'écosystème digital - le métier de Publicis Modem chez nous - et celle de la connaissance intime de la stratégie du client, qui est concentrée dans nos agences généralistes [Publicis Conseil, Marcel, 133, Publicis Et Nous...] pour apporter les meilleurs outils d'efficacité à court terme et la meilleure construction de marque à long terme. Il faut créer des équipes mixtes.

Nicolas Zunz et Christian Verger, CEO de Publicis Dialog/Modem, agence de marketing client et communication digitale,  promus vice-présidents de Publicis France à vos côtés, c'est le signe que le digital et la data ont pris le pouvoir sur la publicité?

A.D. Dans une organisation «client centric» comme la nôtre, il faut travailler en symbiose. Valérie Henaff, présidente de Publicis Conseil, Nicolas Zunz et Christian Verger sont tous les trois associés étroitement à la direction de Publicis France. Il faut arrêter la gesticulation digitale qui ne construit rien. Etre un spécialiste n'est plus suffisant. Mon enjeu est de proposer aux clients une offre de conseil transversale à partir d'agences spécialisées. L'intelligence durable se fait dans la fusion des expertises: chez nous, entre notre agence digitale Modem et toutes nos agences généralistes.

 

 

Le parcours d'Axel Dauchez en bref

1968. Naissance à Paris. 1991. Diplômé de Normale sup et Polytechnique. Entre au département marketing chez Procter & Gamble. 1993. Consultant chez Bossard Consultants.1995. Directeur du marketing consommateurs Europe de Cendant Software.1998. Président de l'agence BDDP & Tequila Interactive.2002. Directeur général de la société de production Moonscoop.2010. Directeur général, puis PDG de Deezer.

Septembre 2014. Président de Publicis France.

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