Emmanuel Macron a annoncé la future création d’un congé de naissance pour remplacer le congé parental, peu employé. Mais les entreprises n’ont pas attendu pour proposer des mesures en faveur de la parentalité : accompagnement des futurs parents, facilité de télétravail, places en crèche…

Le 16 janvier dernier, le président de la République a annoncé la création d’un futur congé de naissance. Un nouveau dispositif, donc, destiné à remplacer le congé parental actuel, très peu employé en raison notamment de sa faible rémunération (429 euros par mois). Aujourd’hui, l’évolution du cadre réglementaire permet évidemment de mieux accompagner les parents ou futurs parents dans leur vie professionnelle. Mais ces dispositions ne sont pas suffisantes pour les assister au mieux dans leur vie parentale. Alors que la tension sur le marché de l’emploi rend difficile le recrutement de jeunes collaborateurs ou la rétention de cadres seniors, ayant la charge d’enfants étudiants ou de parents, les entreprises et leurs services RH adoptent des dispositions pour accroître l’attractivité parentale de l’entreprise.

Lutte contre les inégalités

« Depuis le covid, il y a une meilleure prise en compte des questions liées à la parentalité. Lors de visioconférences pendant les confinements, les responsables RH ont tous vu des salariés avec leur enfant sur les genoux, constate Clémence Pagnon, cofondatrice du cabinet Issence, spécialisé dans l’accompagnement des entreprises sur ces enjeux. C’est aussi une question générationnelle : la génération Y, âgée de 35 à 40 ans, arrive aux postes de décision. Or c’est une génération où les pères ont plus envie d’être présents auprès de leur enfant. » Aujourd’hui, les entreprises qui mettent en place des dispositions favorables aux parents ou futurs parents répondent à quatre motivations principales, observe Issence : le souci d’améliorer l’égalité professionnelle femmes-hommes (notamment dans des secteurs en forte tension, comme la tech), l’attraction et la rétention des talents-parents, la qualité de vie au travail et la prévention des risques psycho-sociaux et, enfin, une politique d’innovation RH.

C’est aussi une manière de lutter contre les inégalités hommes-femmes. Malgré les dispositions légales, l’arrivée d’un enfant reste encore trop souvent, pour les mères, un facteur de déstabilisation de carrière et donc d’inégalité de rémunération. Selon l’Insee, l’écart de salaire entre pères et mères est de 11 % à 25 ans, mais il s’élève à 25 % à 45 ans, regrette Clémence Pagnon.

« Pour les mères enceintes, il y a un certain nombre de points qui restent encore délicats à aborder : l’annonce de la grossesse, la future transition et le retour au travail », constate Amandine Aury, human capital leader de PWC France et Maghreb. De ce fait, « les futures mères ont tendance à développer un sentiment de culpabilité alors qu’elles voudraient être de super mères et de super collaboratrices », se désole-t-elle. L’entreprise de conseil (6 500 salariés, dont 47 % de femmes ; âge moyen autour de 30 ans) a développé le programme « Family care » pour accompagner ses salariés « dans leur vie de parents, que ce soit dans les bons comme dans les moins bons moments ». Parmi les mesures prises : des places réservées en crèche (300 en septembre prochain pour la France) ou un arrêt fausse couche. Depuis avril 2023, PWC a aussi mis en place le « Parental Journey » : un parcours d’accompagnement des futurs parents en dix étapes, de l’annonce de la naissance à venir à la reprise du travail. Selon une première évaluation de ce programme, la majorité des collaborateurs se dit ainsi plus libre de partir et de revenir au travail.

Congé second parent

L’agence BETC a obtenu le label Égalité professionnelle femmes-hommes en 2005, un an après sa création. « Ce label nous a conduits à ouvrir un dialogue social sur ce sujet, à nous remettre en cause et nous a aussi motivés à mettre en place des actions en faveur des parents », raconte Corinne Buffo, responsable RH de l’agence créative (850 collaborateurs au siège, âge moyen : 36,5 ans, 62 % de femmes). En 2020, sa présidente-fondatrice, Mercedes Erra, faisait partie des 105 chefs d’entreprises signataires d’un engagement à mettre en place un congé second parent rémunéré d’une durée minimale d’un mois. « Il faut établir une égalité de la prise en charge », a-t-elle déclaré le 5 mars sur France Inter. « Nous avions donné deux semaines supplémentaires (par rapport aux dispositions réglementaires), puis nous avons maintenu cette avance depuis que la loi nous a rattrapés », vante Corinne Buffo. Par ailleurs, l’agence indemnise en intégralité le congé maternité sans conditions d’ancienneté (la convention collective prévoit une rémunération intégrale à partir d’un an d’ancienneté) et accorde, à partir du sixième mois de grossesse, une facilité accrue pour télétravailler. Pour les parents isolés, BETC finance aussi le chèque emploi-service universel (cesu) au maximum (60 %).

À l’instar de BETC, BlaBlaCar (700 salariés dont 500 en France ; 43 % de femmes) a aussi été précurseur sur le congé second parent. « En février 2020, le congé second parent a été allongé à quatre semaines supplémentaires, avant même l’évolution légale du congé paternité », indique Albane Hussenet, directrice du recrutement et de l’engagement. L’entreprise propose une organisation de travail totalement flexible (33 % des collaborateurs travaillent en « full remote »). Une « flexibilité particulièrement adaptée aux jeunes parents », argue Albane Hussenet. Mais le rapport à la parentalité n’est pas qu’une question d’organisation du travail c’est aussi et surtout, selon elle, une question de leadership. « Chez BlaBlaCar, à partir de 17h, il est assez banal de dire : "C’est le moment où je m’occupe de mes enfants. ». Et ce, quel que soit le niveau de responsabilité. »

Trois questions à Mélanie Berger Tisserand, présidente du Centre des jeunes dirigeants (CJD)

Pensez-vous que le futur congé de naissance puisse gommer les inégalités liées à la parentalité entre femmes et hommes ?

Ce serait une hérésie de penser qu’il y a un moyen légal de gommer les inégalités entre femmes et hommes. La loi est nécessaire, mais pas suffisante. Et surtout, les annonces du président de la République ne sont pas assez ambitieuses. Cela ne va pas régler les problèmes d’inégalités entre hommes et femmes dans l’entreprise et encore moins dans la société. Les pouvoirs publics ne s’attaquent pas aux questions systémiques qui font que l’on n’a pas d’enfant : pas de place en crèche, pas de chambre supplémentaire…

Comment les dirigeants d’entreprise peuvent-ils accompagner la parentalité ?

Les 6 000 dirigeants que nous représentons connaissent des réalités très variées. C’est pourquoi nous préconisons de trouver des solutions grâce aux échanges et à la proximité avec les équipes. Nos dirigeants, toujours prêts à mener des expérimentations, ont à cœur de chercher des dispositifs en termes de flexibilité : du télétravail, une réservation de place en crèche ou encore la semaine de quatre jours que nous expérimentons actuellement dans une dizaine d’entreprises en Occitanie.

Concrètement, que proposez-vous pour accompagner les parents ?

Nous appelons le gouvernement à être ambitieux sur ce sujet majeur. Nous souhaitons un congé parental de neuf mois partageable et fractionnable entre les parents, jusqu’aux trois ans de l’enfant, quel que soit son rang dans la fratrie. En ce qui concerne la rémunération, nous prônons un plancher d’au moins 75 % du salaire, 100 % quand c’est possible, avec participation de l’État.

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