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L'Assemblée nationale a voté, jeudi 17 novembre, une version remaniée de la «taxe Google» à la française proposée par le socialiste Yann Galut et soutenue par des élus de plusieurs groupes de gauche, le gouvernement se montrant très réservé mais pas frontalement opposé. Inspirée notamment de la taxe sur les bénéfices détournés (surnommée « Google Tax ») instaurée au Royaume-Uni et en Australie, mais aussi des préconisations de l'OCDE (plan BEPS), cette mesure vise les bénéfices de multinationales sur l'activité en France, pour contrer l'optimisation fiscale passant par un détournement de bénéfices.

S'il a salué le travail mené depuis le début du quinquennat pour permettre «l'une des législations les plus complètes et offensives sur l'évasion et l'optimisation fiscale», Yann Galut, ex-rapporteur de la loi renforçant la lutte contre la fraude fiscale, a appelé à faire «un grand pas supplémentaire» pour combler «quelques trous dans la raquette». L'objectif est de contrer des prix de transferts entre filiales dénués de substance économique, ou des montages par lesquels des entreprises étrangères évitent de déclarer un établissement stable en France (exemples d'Amazon et les entrepôts, plateformes de mise en relation électronique pour des produits ou services comme Airbnb, Uber…). Pour donner un délai «d'adaptation», les mesures n'entreraient en vigueur qu'à partir de 2018.

«Dispositif performant »

Dans une longue intervention sur «un sujet sensible et qui intéresse tous nos concitoyens», le secrétaire d'État au Budget, Christian Eckert, a défendu «un dispositif beaucoup plus performant qu'on n'en a parfois le sentiment» et qui a déjà permis de «gros redressements» fiscaux sur l'impôt sur les sociétés, avec des pénalités et sans «aucune négociation» contrairement à certains pays, comme le Royaume-Uni ou l'Italie. Il a ainsi évoqué par exemple «900 millions d'euros de droits et pénalités» en 2015 pour une entreprise non citée et n'ayant pas déclaré d'établissement stable en France. Le secrétaire d'État au Budget a aussi évoqué, sans briser le secret fiscal, des procédures judiciaires, certaines «de notoriété publique» avec une allusion à Google France, d'autres «pas toujours connues du grand public».

«Cela prend du temps» et entraîne souvent des procédures internationales, a-t-il concédé. «Lorsqu'il y aura des standards normaux, coordonnés sur la base des propositions de l'OCDE, on gagnera énormément de temps.» Préférant le retrait d'une mesure qui «n'apporte que très exceptionnellement une réponse» aux trous dans la raquette mais «ne nuit pas non plus», Christian Eckert a glissé qu'en cas d'adoption, le gouvernement comptait «la retravailler» ultérieurement. Le socialiste Dominique Lefebvre s'est dit «réservé sur la portée réelle» de l'amendement et convaincu qu'il faudrait «réviser les 127 conventions fiscales» avec d'autres pays, mais il a souhaité «éviter un faux procès» éventuel d'être «moins allants que d'autres» contre l'optimisation fiscale.

«Un petit pas vaut mieux que mille programmes»

Les socialistes Karine Berger ou Pascal Cherki ont appuyé Yann Galut, comme l'écologiste réformiste Éric Alauzet, et le Front de Gauche Nicolas Sansu, pour lequel «un petit pas vaut mieux que mille programmes». Les anciens ministres Benoît Hamon et Aurélie Filippetti, des «frondeurs», mais aussi l'un des porte-parole du PS, Olivier Faure, figurent dans les 65 signataires de l'amendement adopté dans l'hémicycle, version revue et corrigée de celui voté en commission des Finances il y a une semaine.

Face à plusieurs remarques, notamment de la rapporteure générale du Budget Valérie Rabault (PS), Yann Galut a cherché à en «garantir la constitutionnalité et la portée», par exemple en taxant les bénéfices détournés «au taux d'impôt sur les sociétés en vigueur». Mercredi 16 novembre, au vu de la première version de la «Google Tax», le ministre de l'Économie Michel Sapin avait jugé que ce ne serait «pas une bonne solution» et défendu «les règles françaises» pour faire payer les impôts sur «les bénéfices faits en France».

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