Chronique

Connaissez-vous le Bal Blomet, le nouveau lieu emblématique du jazz à Paris ? S’y est récemment déroulé « Tout sauf le blues », une manifestation anti-déprime qui a réuni plus de vingt musiciens pros et proches des milieux de la communication. Salle comble, 250 places prises d’assaut, ambiance surchauffée. Ça envoyait ! En admirant la connivence des musiciens entre eux, en écoutant les chorus s’enchaîner, en voyant le public applaudir et manifester, je me disais qu’il faudrait inventer le Jazz Thinking pour l’entreprise !

Le Design Thinking, on le sait, c’est d’abord une méthode à respecter pas à pas, au risque de passer à côté de l’innovation recherchée. En jazz, ça tombe mal. Il n’y a pas vraiment de méthode ! Ou plutôt il n’y en a qu’une, universelle : l’écoute, la « feuille », comme ils disent. C’est en écoutant les grands « anciens » : de Louis à Billy, de Charlie à Ella, d’Errol à Thelonious… que l’on trouve « l’inspiration » qui permet à chacun de créer. École de transmission. C’est en se jetant dans le vide que l’on trouve la voie de l’improvisation, « idéation » fragile de ceux qui posent trois notes sans connaître les suivantes et vont chercher pendant de longues minutes jusqu’à atteindre l’extase. École du risque. C’est en écrivant et en jouant un premier thème, une première « grille », que l’on se trompe, que l’on corrige et que l’on « prototype ». École d’expériences. C’est enfin en se produisant en public que l’on « implémente » et que l’on goûte aux joies du « live ».

Bulle magnifiquement fraternelle, puisqu’on y voyage avec des compagnons dont on ne connaît que le prénom. Les yeux fermés, les oreilles ouvertes, chacun guette la moindre inflexion rythmique, la moindre variation de tonalité. Bulle incroyablement interactive, puisque chaque réaction du public modifiera le style, l’humeur de l’interprétation. Véritable MVP (minimum viable product) de l’improvisateur, le live apprend l’art de l’itération. Chacun essaye, chacun se lance sans jamais sophistiquer. Les premiers avis sont bons, on retravaille… Les premières impressions sont réservées, le public fait la grimace ? On ne quitte pas la scène, on ajuste, on coupe, on colle et on rejoue. Accompagner, rebondir, improviser. Le Jazz Thinking est une école de perfectionnement par erreur perpétuelle.

À tous les espaces de créativité et d’innovation qui ouvrent dans les entreprises, avec leurs lots de mobilier à roulettes, de gradins, de poufs fluo et autres baby-foots, il faudrait ajouter des instruments de musique avec au minimum piano, basse, batterie avec amplis et micro pour la voix. Surprenant certes mais pas plus incongru que les établis et étaux mis à disposition de managers n’ayant jamais planté un clou.

Puisqu’on est à l’heure des « makers », permettons à tous de s’essayer au Jazz Thinking. Cela permettrait de relever, tout doucement, le défi de toutes les transformations : celles des êtres et des comportements. Christophe Bourgois-Costantini, coach et excellent jazzman, analyse dans un récent ouvrage (1) comment des parcours s’expliquent par une capacité hors norme à assembler harmonieusement différentes intelligences. Et nombre des personnalités interrogées (Rafael Nadal entre autres) insistent sur ce moment où elles ont décidé de faire émerger leurs envies profondes issues de l’enfance. Le Jazz Thinking permet ce retour sur soi, écoute d’une pulsation commune qui fait faire des miracles. Et là, pas question de tricher. Impossible de dire et de ne pas faire. Inutile de tirer la couverture à soi au risque d’être abandonné en plein chorus. À l’heure ou l’entreprise s’ouvre et cherche de nouveaux espaces de créativité, le jazz et son art de l’improvisation devraient nous inspirer, à travers un Jazz Thinking rythmé et enthousiaste.







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