Ressources humaines
Participer à l’un des multiples classements des meilleurs employeurs, simple outil de communication ou réel processus d’amélioration des ressources humaines? Le ROI se mesure à la fidélisation des talents.

Criteo, Le bon coin, Blablacar, Kantar world panel, Adidas ou My Little Paris… Quel est le point commun entre ces entreprises? Elles font partie des 62 lauréats 2015 de l’institut Great place to work, pour 171 entreprises participantes. Great place to work, c’est un label accordé pour un an par l’Institut Great place to work, à l’issue d’un audit, mené auprès de 178 607 salariés, via un questionnaire. Great place to work, qui existe depuis vingt-trois ans aux Etats-Unis, vient de publier son treizième palmarès français. A côté de Great place to work, il y a aussi Top Employers ou encore des sites comme Glassdoor, qui proposent des classements de société où il fait bon travailler (lire sous-papier ci-dessous). Mais cela sert-t-il réellement aux entreprises? Réponses avec trois lauréats de l'édition 2015.

Pour Criteo (1 300 salariés, dont 600 en France), géant mondial du marketing à la performance (ciblage publicitaire), qui a participé pour la première fois, au niveau global (15 pays) à Great place to work, il s'agit de se rendre compétitif sur un marché global notamment de développeurs: «Nous sommes une entreprise qui grandit très vite avec 800 embauches prévues en 2015 dans le monde (250 en France), explique Olivier le Lann, DRH de Criteo. Nous devons mesurer notre performance en termes d’environnement de travail. Cela doit nous permettre de nous mesurer par rapport à d’autres sociétés et d’évaluer nos différentes entités.» 

Amélioration continue

Si Criteo atteint la 18e position du classement français, ce n’est pas le plus important. «L’enquête Great place to work nous permet d’avoir une photographie des salariés par rapport à leur environnement de travail, leur relation avec leur manager, note Olivier Le Lann. Cela nous aide à comprendre l’état d’esprit de la société.» Grâce à cette enquête, Criteo récupère beaucoup de données sur ses salariés et la société de technologie entend bien s’en servir: «Cela va nous aider par exemple à bâtir des tableaux de bord pour nos managers, qui seront un outil d’aide à la décision RH. Exemple: il doit pouvoir savoir que si une personne n’a pas été promue ou augmentée depuis deux ans, elle a 50% de chances de quitter l’entreprise, détaille le DRH. On veut que les managers s’approprient les résultats.»

De son côté Kiabi, l’enseigne textile (8 200 salariés dans le monde, 6 000 en France) grimpe dans le classement de la 13e à la 8e place pour sa deuxième participation au baromètre. L’entreprise a troqué, depuis un an, son service ressources humaines, contre une «happy team». «Nous menions depuis longtemps des enquêtes d’opinion internes et comme les résultats étaient bons, nous nous sommes dit que cela correspondait à des entreprises Great place to work, dit Anne Herlax, membre active de la Happy team de Kiabi. L’idée est aussi de s’engager dans une démarche d’amélioration continue, nous allons fusionner nos enquêtes d’opinion internes et Great place to work. Ensuite, les équipes doivent s’engager sur maximum sur trois actions, par exemple sur le thème de la convivialité et d’en mesurer les effets. Ce n’est pas seulement une démarche marketing, c’est important pour nous d’être durablement une “entreprise où il fait bon travailler”». Kiabi reçoit deux à trois fois plus de candidatures, après la communication des résultats du palmarès.

Rituel

Chez My Little Paris, Fany Pechiodat considère aussi Great place to work, comme un outil de recrutement des meilleurs: «Je veux recruter les meilleurs talents, c’est ma bataille du quotidien: je dois aller les chercher partout, dit la fondatrice et dirigeante de la société. Nous devons envoyer une idée par jour par mail à nos abonnés, pour cela il faut créer un environnement créatif: nos bureaux sont décorés avec des objets chinés aux Puces, nos salariés ont un budget livre important (15 000 euros par an), et j’organise des événements comme My Little Chef, où chaque mois quelqu’un de différent (designer, cuisinier, prêtre…) vient parler de créativité…» L’enjeu pour l’entreprise, en pleine phase d’internationalisation (Japon, Grande-Bretagne), et de croissance: maintenir ce niveau de culture d’entreprise. «Il va falloir que je réinvente des rituels», poursuit-elle.   

Quel est le retour sur investissement (ROI) de ce type d’enquête? «Si aujourd’hui un data-scientist quitte Criteo, cela nous coûte près de 100 000 euros, pour en trouver un autre et le former, dit Olivier Le Lann, DRH. Dans un an, nous analyserons le taux de turn-over des salariés et s’il a baissé, nous pourrons dire que le “ROI” de Great place to work est très important pour nous.» 

Avis d’expert

«Il y a trop de palmarès différents» 

ERIC MATARASSO, directeur associé de Quatre Vents group

Great place to work, Top employers, Meilleures entreprises… Les palmarès se multiplient, sont-ils crédibles?

ERIC MATARASSO. La multiplication de ces labels génère de la confusion et contribue à la suspicion. C’est comme en boxe, il y a aujourd’hui quatre principales fédérations mondiales différentes et cela ne veut plus rien dire au final. D’autant qu’il y a beaucoup d’entreprises labelisées et cela peut donner l’impression que tout le monde gagne. D’ailleurs certains candidats ont l’impression que c’est truqué, je le constate, en particulier, chez les jeunes diplômés. Mais d’autres candidats font confiance à ces labels.

 

Quel peut être l’intérêt pour les sociétés de s’engager dans ces dispositifs?

EM. Pour les entreprises, participer à cette démarche permet d’abord d’effectuer une sorte d’audit afin de vérifier que leur marque employeur a du sens. C’est aussi une façon de créer une dynamique dans leur organisation, autour d’un projet d’amélioration des ressources humaines. D’ailleurs, le principal bénéfice à mes yeux de ces labels, c’est l’interne: rien que pour ça, cela vaut la peine de participer à ces enquêtes. Et puis cela permet de dire aux partenaires sociaux: «Regardez, nous ne sommes pas si mauvais que ça.» Cela peut aussi être utile pour le recrutement. Et même si l’entreprise est dans une phase de restructuration, ce n’est pas incompatible avec la participation à ces démarches. En effet pour des groupes industriels, contraints de se restructurer, cela permet d’assurer les salariés sur le fait que même dans cette phase délicate, l’entreprise reste à l’écoute de ses collaborateurs. 

 

 

Les lauréats 2015 de Great place to work

Davidson consulting (conseil), Mars (grande consommation), Kronenbourg (boisson), Décathlon (distribution) et Solucom (conseil)... Voilà le quinté gagnant Great place to work 2015, dans la catégorie «grandes entreprises» (plus de 500 salariés). Parmi les entreprises de l’univers marketing-communication qui brillent dans ce classement: Criteo (18e). Il y en a davantage dans le classement des PME (moins de 500 salariés): Le Bon coin (15e), My Little Paris (18e), Catalina Marketing (31e), Kantar World Panel (33e). 

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