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Alors que la crise sanitaire a eu un impact négatif sur l’engagement associatif des Français, de nombreuses entreprises cherchent à favoriser le bénévolat de leurs collaborateurs. Mécénat de compétences, congé de solidarité, arrondi sur salaire… Ces dispositifs s’inscrivent autant dans leur politique RSE que dans leurs impératifs RH.

Alors que depuis la crise du covid l’engagement associatif des Français s’effrite (lire encadré), les entreprises sont de plus en plus nombreuses à permettre à leurs salariés d’accroître leurs actions de bénévolat. Mécénat de compétences, congé de solidarité internationale, arrondi sur salaire sont autant de dispositifs prévus par la loi à la disposition des entreprises.

La plupart des poids lourds de l’économie sont ainsi engagés dans ce mouvement, le plus souvent via leur fondation d’entreprise : 54 % des grandes entreprises (contre 22 % des ETI et 18 % des PME) ont recours au mécénat de compétences (1). SFR, par exemple, est la première entreprise française à avoir négocié, dès 2006, un accord d’entreprise pour favoriser ce dispositif, rappelle la filiale d’Altice. Ses salariés peuvent ainsi s’engager dans une association en bénéficiant d’un crédit de 2 à 8 jours par an rémunérés par l’entreprise. Bouygues Telecom favorise de son côté, via sa fondation, toute forme d’engagement associatif (lire l’interview d’Anthony Colombani, président de sa fondation).

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Chez Mazars, le covid a clairement été un accélérateur de la volonté de favoriser l’engagement. « Le comité exécutif a alors pleinement pris la mesure du fait qu’il fallait prolonger l’engagement social dont les collaborateurs avaient fait preuve pendant la crise sanitaire », souligne Sophie Lilas, DRH adjointe du cabinet d’audit et de conseil. Au-delà du congé solidaire, du mécénat de compétences ou de l’arrondi sur salaire, Mazars a ainsi décidé de créer le Mazars Day qui permet à tout collaborateur de travailler pendant une journée pour l’association de son choix avec la mission qui l’intéresse.

L’entreprise y trouve naturellement son compte. « À l’issue de leur engagement, les collaborateurs nous disent qu’ils sont fiers de travailler pour Mazars. Or tout ce qui participe à la fierté envers l’entreprise a de l’impact sur la qualité du travail », avance Sophie Lilas. « Notre enjeu est double : créer de l’impact auprès des associations partenaires, mais aussi répondre à une problématique interne d’attractivité et de fidélisation des collaborateurs », poursuit-elle. Un point de vue pragmatique partagé par Anthony Colombani, qui est également directeur de la communication de Bouygues Telecom : « Demain une entreprise qui ne serait pas exemplaire en matière d’engagement social - qui ferait du "socialwashing" par exemple - aurait de grandes difficultés à recruter », prévient-il.

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Et du côté des salariés comment vivent-ils cet engagement ? Les salariés engagés dans une action solidaire en retirent généralement de la fierté et un sentiment d’être réellement utiles à la société. « Mon implication comme mentor dans le projet Incub’asso a renforcé ma fierté d’appartenir à une entreprise qui s’implique concrètement dans la société », explique Jean-Gaël Arzur, cadre à la DSI de Bouygues Telecom. « Cet engagement m’a aussi permis de tisser de nouveaux liens au sein de l’entreprise. C’est crucial, car c’est grâce à l’humain que les process fonctionnent et que les organisations réussissent », souligne-t-il.

« En tant que tuteur au sein de la Chance pour la diversité dans les médias, je me sens vraiment utile », résume sobrement Gérard Davet, grand reporter au Monde, bénévole depuis trois ans au sein de l’association qui accompagne les étudiants boursiers (en très grande majorité issus des banlieues et de la diversité) aux concours aux écoles de journalisme. « Je vois bien le fossé qui s’est créé entre la banlieue et les médias », constate-t-il. « Je suis moi-même issu de la banlieue, d’une famille modeste ; j’ai eu une scolarité plutôt défaillante, il n’était pas évident d’arriver là où je suis », raconte le journaliste d’investigation, auteur avec Fabrice Lhomme de nombreuses révélations (Bettencourt, Karachi, HSBC et les écoutes Sarkozy). « Alors que, jusqu’à la cinquantaine, j’étais à fond dans ma carrière et mes enquêtes, à partir de là je me suis dit qu’il fallait redistribuer la chance que j’avais moi-même eue. »

  - L’engagement associatif des Français en recul

L’engagement associatif des Français a connu un tassement significatif depuis la crise sanitaire du covid. Le nombre de nos concitoyens engagés dans des associations est passé de 13 millions en 2019 à 11 millions en 2022, selon le dernier Baromètre France Bénévolat / Ifop (janvier 2022) (2). Si cela a affecté tout particulièrement l’engagement associatif des retraités, la tranche d’âge la plus impliquée (de 31 à 26 % entre 2019 et 2022), la crise a aussi marqué un coup d’arrêt à la hausse de l’implication des plus jeunes et a accéléré la baisse d’implication des 35-49 ans (qui est apparue à partir de 2016). Toutefois, le bénévolat direct ou de proximité réalisé auprès des voisins et amis a progressé, lui, passant de 10 à 13 %.

(1) Guide pratique du mécénat de compétences, Secrétariat d’État chargé de l’Économie sociale, solidaire et responsable, novembre 2021.

(2) Source : Baromètre France Bénévolat réalisé par Ifop. Informations recueillies en janvier 2022, par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon de 3 155 personnes âgées de 15 ans et plus.

Trois questions à Anthony Colombani, président de la Fondation Bouygues Telecom

Quel est le rôle de la Fondation Bouygues Telecom ?

La Fondation se donne pour mission de favoriser l’engagement de tous pour un impact social ou environnemental positif. Pour cela, elle soutient les associations, petites ou grandes, quel que soit leur domaine d’intervention au travers de trois programmes. Le premier vise à rendre le bénévolat accessible à tous en mettant en relation 18 000 bénévoles et 200 associations. Le deuxième repose sur Incub’Asso, notre incubateur d’associations qui soutient les jeunes associations impliquées dans des sujets à impact social ou environnemental. Enfin, la gouvernance de la Fondation est désormais totalement participative. Depuis 2022, ce sont des jurys locaux de collaborateurs qui sélectionnent les projets soutenus financièrement. Et, au niveau national, les partenariats font l’objet d’une codécision entre les collaborateurs consultés par vote et le conseil d’administration de la Fondation.

Au-delà de ces programmes, vous favorisez aussi l’engagement des collaborateurs via les journées solidaires…

En effet. En juin 2022, 700 collaborateurs ont consacré deux jours sur leur temps de travail à l’une des 80 missions de solidarité définies par la Fondation auprès des associations sourcées par celle-ci.

Plus largement, quel rôle joue l’engagement associatif des salariés ?

Les entreprises peuvent être des vecteurs d’engagement associatif. Notre souhait, c’est qu’un simple engagement de départ, via un clic pour voter pour une association, conduise nos collaborateurs à s’y impliquer personnellement. Avec la multiplication des crises, l’engagement associatif devient un amortisseur social des effets de ces crises.

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