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L'univers des médias alternatifs s'est rationalisé et digitalisé. Il lui reste encore à faire la preuve de son efficacité.

C'était une forêt foisonnante. Aujourd'hui, le paysage est moins touffu. Les médias tactiques, univers hétéroclite, entre Smart pelliculées, boîtes à pizza publicitaires, cartes portales, sets de table et autres tables de bar, se sont regroupés. Avec de grands acteurs, comme Tac-Tic Media, Quadriplay, Non Stop Média ou encore Next One... mais aussi des disparitions, comme celle de Tapage Media. Mais peut-on pour autant parler de maturité du marché?

D'autant que, pour commencer, tous les acteurs ne sont pas d'accord sur la dénomination même de média tactique. «Le terme "média tactique" pâtit d'une mauvaise image et peut comporter une connotation péjorative», estime Sylvain Bucalo, channel planning manager (expert en stratégie des moyens) à l'agence Extrême.

Certains préfèrent d'ailleurs quitter la famille tactique. «Nous ne nous considérons pas comme tel, explique Muriel Aït-Kaci, directrice générale déléguée de Médiatables. Notre positionnement, c'est clairement la publicité extérieure. Le terme "média tactique" est bien trop fourre-tout: un gobelet publicitaire n'a rien à voir avec une table de bar.»

Le syndicat des médias tactiques, qui fédérait, un temps, les sociétés du secteur, a fait long feu. Tout comme, d'ailleurs, l'Association des médias de proximité (AMP), plus qu'en sommeil... Pour ce qui est des chiffres, chez Kantar Média, il n'existe plus d'estimation des investissements publicitaires dans les médias tactiques.

Comment appréhender ce marché qui a du mal à se nommer? «Je préfère parler de médias tactiles, qui touchent leur cible, au sens premier du terme. Ils permettent une expérience de marque, en mobilisant les sens, le goût, le toucher, l'odorat parfois, lorsqu'ils sont accompagnés d'échantillonnage», explique Thomas Jacquemier, PDG de Quadriplay Advertainment, spécialisée dans l'affichage mobile et fondée en 1999 par Jean-Charles Mathey, ex-président de NRJ Group.

«Le mot "tactique" ne me déplaît pas, lâche quant à lui Michael Illouz, directeur associé de Non Stop Média, notamment spécialisé dans les cartes publicitaires. Etre tactique, c'est être malin, alternatif, sortir des sentiers battus, raconter des histoires. Aujourd'hui, c'est davantage le plan de promotion qui peut être qualifié de tactique.»

 

Un choix devenu stratégique

Il fut un temps où les annonceurs réservaient à ces médias ce que l'on appelle inélégamment les «queues de budget». Ce n'est plus le cas aujourd'hui. «Autrefois, les médias tactiques étaient la cerise sur le gâteau dans un plan médias, explique Patricia Arino, directrice du département hyperspace de Posterscope (Aegis). Aujourd'hui, il arrive fréquemment que l'on en fasse le cœur de notre média planning. Ce n'est plus un complément: les médias tactiques peuvent, dans certains cas, constituer le nerf de la guerre, par exemple dans des problématiques de marketing ethnique.»

Peut-on, alors, parler de médiaplanning tactique? «C'est vrai, souvent ces médias arrivaient en bout de course, en entonnoir, reconnaît Jean Minost, directeur du département hors foyer («out of home») d'Havas Media. Mais il nous arrive de plus en plus souvent de recommander un média tactique comme média principal: les clients qui travaillent dans les milieux culturels, notamment, peuvent tout à fait concentrer leurs efforts de communication sur un réseau de cartes postales. Ce qui va faire la différence, c'est la capacité à toucher un public large.»

Sylvain Bucalo, de l'agence Extrême, estime lui aussi que certains annonceurs gagneraient à faire le choix du média tactique: «Quand on est une marque de bière qui s'adresse aux 18-25 ans, il peut être pertinent de choisir un dispositif massif de boîtes à pizza publicitaires, par exemple pendant un championnat comme l'Euro de football, avec un média qui restera sur la table pendant vingt minutes, offrant des répercussions appréciables.»

Comme le résume Florent Gibault, patron de Tac-Tic Media, agence spécialisée dans les gobelets, les sets de table et les sacs à pain publicitaires: «Nos médias sont particulièrement performants sur le ciblage, la géolocalisation et le fait d'aller chercher le consommateur à un moment où il est réceptif.» «Aujourd'hui, les annonceurs, tous secteurs d'activité confondus, font appel à nous», se félicite Guillaume Vaillant, directeur de Next One (affichage indoor).

 

Une digitalisation exponentielle

Le numérique, on s'en doute, élargit le terrain de jeu de ces médias: «Le digital, les réseaux sociaux et You Tube ont changé la donne, remarque Michael Illouz, de Non Stop Média. Près de 90% de nos campagnes renvoient à Facebook ou un autre réseau social. Nos cartes et sous-bocks sont le plus souvent accompagnés de flashcodes et de QR Codes qui renvoient à des opérations de marketing viral.»

Ce n'était, semble-t-il, pas une simple lubie: «Les annonceurs réduisent la voilure sur le mass média, note Thomas Jacquemier, de Quadriplay, et veulent parler directement aux communautés.» Sur le terrain.

Par ailleurs, tout comme chez les grands afficheurs, les réseaux digitaux connaissent un développement exponentiel, à l'image de ceux d'Insert, qui a lancé en novembre un réseau numérique, déployé en région parisienne et dans cinq grandes métropoles régionales (Lyon, Marseille, Lille, Nantes et Toulouse), de Futuramédia, spécialiste de l'affichage numérique dans les centres commerciaux et les pharmacies, de Fill up média, qui pose des écrans sur les pompes à essence ou encore de Bimédia TV (voir pages suivantes), qui compte 5100 écrans dans la France entière sur les caisses des marchands de journaux ou des buralistes.

«Les dispositifs sont de plus en plus technologiques», remarque Jean-David Carlioz, responsable de l'affichage événementiel chez Havas Media. «Tous les univers de communication se sont digitalisés, souligne Patricia Arino d'Hyperspace. Aujourd'hui, on n'est plus choqué de tomber sur un écran dans sa boulangerie.»

Le futur des médias tactiques sera-t-il numérique? Sans doute. Mais en attendant, les acteurs du marché doivent s'atteler à une étape cruciale: entrer dans une logique de preuve. «L'impact des dispositifs est difficile à mesurer, regrette Sylvain Bucalo. Il s'agit pour les sociétés de médias tactiques de développer les mesures d'efficacité. Ces médias ont un avantage: le ticket d'entrée est beaucoup moins onéreux que dans les grands médias, tout comme le coût contact. Mais comme on reste dans le flou, on ne peut pas tout miser sur eux.»

Tout n'est pas si simple. Comme le résume Patricia Arino, «il est impossible pour les médias tactiques de réaliser ce que les grands afficheurs ont déjà fait avec Affimétrie. Les univers sont très différents, on en est réduit à des études ad hoc»... Ce sera le prochain chantier de ces médias, qui, comme le rappelle Sylvain Bucalo, «permettent d'obtenir une grande valeur d'attention, à condition que leur utilisation soit pertinente et circonstanciée».

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