Expertise
On entend ce mot à tort et à travers. Bienveillance. Pourtant, on n’est pas obligé de le mettre à toutes les sauces. Tout ne se juge pas à l’aune de la bienveillance. Heureusement. À tant vouloir rentrer dans le rang, trop de marques – et irrémédiablement des agences – donnent à entendre des discours policés, intellectualisés comme il faut. Résultat : quand tout se ressemble, on n’entend plus personne.

La vérité du cri qui ne triche pas

3 lettres, C.R.I. 3 lettres qui crispent, qui crissent. L’écrit du CRI est ramassé, condensé, il fait bloc. Son « I » final aigu joue son rôle d’alerte pour mieux titiller nos tympans.

Le cri est cinglant, il est strident et provocateur. Il racle, il réveille, il interpelle.

Cri de joie, de surprise, de soulagement, de colère, de ralliement… Il dit toujours quelque chose, et avec la manière. Onomatopée, bruyant ou silencieux, déflagration du corps, pulsion : le cri est un élément perturbateur qui crée une brèche, la fêlure qui laisse passer la lumière comme dirait Audiard.

N’avez-vous jamais remarqué qu’il y a toujours un avant et un après un cri ? Dans sa déchirure, le cri fait naître et laisse s’engouffrer l’émotion.

Enfin, condition sine qua non à sa vérité : pour sonner juste, le cri est toujours du cœur, parce qu’il vient des tripes.

 

Mais aujourd’hui, qui sait encore crier ?

Que dire de cette marque qui choisit une « bonne vieille musique, car elle plaît, elle rassure, les gens aiment » et qui déplore trois ans plus tard que ça n’ait pas marché. Que dire de celle-ci qui choisit un « joli nom » auquel elle a pourtant cru, « parce que c’était le plus petit dénominateur commun au goût de nos publics » et qui trouve que la magie n’a finalement pas opéré. Difficile de mettre en mouvement un public auquel une marque ne donne rien de différent.

L’injonction à la bienveillance a lissé les identités, gommé des singularités et étouffé des aspérités. Or l’identité heureuse, celle autour de laquelle, avec laquelle et par laquelle on réussit, ce n’est pas celle qui s’affirme à demi-mot et à mi-voix. 

« Optimiste », « Responsable », « Solidaire », « Audacieuse », « Humaine », « Bienveillante » : 6 valeurs auxquelles plus aucune réunion n’échappe. 6 valeurs qu’on ne peut récuser tant elles tombent sous le coup de l’évidence. Certaines marques ont raison de les revendiquer, mais elles sont rares. Pour d’autres… Quelle marque se voudrait pessimiste, inconsciente, froide et médisante ? Quand l’antonyme est à portée, où est la singularité ?

Le risque est réel. Car au-delà de la dilution de la personnalité des marques, quels récits donnent-elles à lire ou à entendre aux publics qui les reçoivent ? Des discours qui conduisent à une pensée simpliste et tiède, « comme il faut », si neutre que finalement elle se neutralise.

 

Redonnons aux marques l’envie de crier

Alors, nous, agences, tâchons de résister, de donner de la voix sans craindre la fausse note. C’est l’amour des marques et de notre métier : nous tentons, risquons et imaginons des marques qui sonnent autrement, qui détonnent et qui crient. Car le design de marque, de sons et de langages est un cri, le pas de côté créatif.

Alors faisons crier les marques, de joie, d’envie, de rire pourquoi pas, d’initiatives, de « put*** qu’est-ce que c’est bien ! », retrouvons le cri de l’idée, de la victoire, le cri d’une équipe, le « Cricri d’amour », le « Liberté je crie ton nom », faisons-les crier comme un Christophe après sa Aline, ou comme un Bacri, un cri avant la fête, après la fête et qui résonne encore et pour longtemps.

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