Réalité virtuelle ou augmentée, hologramme, 3D… L’explosion des nouvelles technologies donne l’opportunité aux grands oraux de présentation d’opérer leur mue digitale. Pourtant, PowerPoint règne toujours en maître incontesté. Mais pour combien de temps encore ?

En mai dernier, en lieu et place d’une présentation traditionnelle, l’agence digitale We Are Social s’est payé le luxe d’enfermer son client Google seul dans une salle de réunion. Pour en sortir, ce dernier a dû résoudre un escape game, ou jeu d’énigmes, en utilisant ses propres technologies de visioconférence et de partage d’écran. Peu rancunier et surtout convaincu, le géant du web a ensuite acheté la finalité réelle de l’exercice, c’est-à-dire le déploiement du principe à destination du grand public sur Paris. « Notre idée méritait mieux que des slides » s’amuse Nicolas Souffleur, directeur conseil.

À l’heure de la numérisation des entreprises, on pourrait croire que cette agence, qui confie jouer de plus en plus avec les technologies en avant signature, surfe sur une tendance établie. Tel n’est pourtant pas le cas. « Dans les faits, la digitalisation du processus commercial n’existe pas. 98% des présentations sont toujours réalisées sur PowerPoint » rapporte Jean Philippe Gilbrin, directeur du développement de Pitchville, entreprise qui gère les appels d’offres pour les annonceurs. « Mais sans réelle demande exprimée par les annonceurs, beaucoup préfèrent limiter les risques. » PowerPoint, logiciel de la suite Office Microsoft utilisée par 1,2 milliard de personnes, reste donc à ce jour la norme de référence.

Audace virtuelle

Quelques rares agences aventurières cherchent toutefois à créer la différence en prenant le contrepied. Parmi elles, l’agence événementielle Auditoire, réputée pour investir dans la qualité de ses rendus. Modélisation en réalité virtuelle des scénographies, miniaturisation de mappings vidéo, data-design : le département vidéo et grandes images développe toutes sortes de technologies multimédia dans les recommandations. Pourvu que le contexte le justifie ou que le projet soit d’envergure, ce qui raréfie néanmoins la démarche.

Pour Boris Matausic, planneur stratégique, la valeur ajoutée reste réelle : « Par essence, la 2D s’oppose à notre métier qui repose sur la création d’expérience, alors que les outils digitaux permettent de téléporter quelqu’un en un instant de manière visuelle et sonore. Ce type de projection crée une étincelle relationnelle sans commune mesure avec les présentations classiques.» La digitalisation des présentations semble donc aujourd’hui reposer sur un besoin de storytelling plus que sur une transformation réelle des usages et comportements.

Sauf à regarder ailleurs, du côté des sociétés de conseil par exemple, qui, comme EY, ont mené leur révolution relationnelle digitale. Xavier de Boissieu, associé responsable du EY Experience Lab, nouveau département dédié à l’innovation et la production de services digitaux, considère répondre aux évolutions d’une époque : « L’open source nous oblige aujourd’hui à maitriser tous les canaux de mise à disposition de la data pour la valoriser à son maximum. Inspirés par l’avènement du data-journalisme, porté avec talent par The Guardian ou The New York Times, nos data scientists ont donc conçu un programme spécifique de data-visualisation. Celui-ci permet d’aller chercher plus de sources de données, tout en proposant un esthétisme favorisant une meilleure appropriation. » Adieu donc camemberts austères. La data se raconte maintenant comme une histoire à l’aide d’un écran tactile, avec des slides qui se manipulent et des prédictions statistiques qui se déploient et se replient d’une simple pression du doigt. Problématiques RH, KPI, analyse de facteurs de risque, le design de cette application rend les sujets complexes plus faciles à appréhender. L’algorithme, lui, puise et calcule en temps réel les données disponibles, ce qui permet, par exemple, de compléter en direct des statistiques prédictives ou de monitorer le web à l’instant T.

Habitudes tenaces

Si la digitalisation des outils de présentation ne se généralise pas, beaucoup évoquent des contraintes de temps et de coûts. D’autant que PowerPoint évolue suffisamment pour répondre aux nouveaux besoins. « La créativité digitale se renouvelle avec, par exemple, la possibilité de travailler de manière collaborative sur le même document à partir de supports différents ou le nouveau module blog de la suite, sway, intégrable aux présentations et totalement interactif,confirme Alexandre Cipriani, responsable marketing Office 365 entreprises. Il y a quelques mois, nous avons aussi annoncé la possibilité prochaine d’intégrer des objets 3D de la même manière qu’une image, tout en pouvant les manipuler ». Inutile alors de chercher d’éventuelles carences pouvant accélérer le besoin de changement.

Ne reste plus qu’à parier sur un autre phénomène, celui de la banalisation technologique. « Dans trois ou quatre ans, nous y arriverons. Les technologies sont là. Reste à les démocratiser », prédit Christophe Chartier, président d’Immersion, entreprise spécialisée en réalité virtuelle et solutions collaboratives. Cette PME bordelaise propose des technologies de partage pour collaborer in situ ou à distance autour de l’image : tables, murs tactiles, pièces de verre permettant des rétroprojections en 3D... Son offre phare, Shariiing, qui s’attaque au marché de l’équipement des salles de réunions, a déjà séduit  Airbus, Cogedim ou Safran Immobilier, qui y voient l’occasion de dématérialiser leurs maquettes. D’autres, à l’instar d’Alsthom Transports, préfèrent investir dans des salles de réalité virtuelle mobiles pour équiper les commerciaux.

Prochain défi pour Christophe Chartier dans sa croisade à la vulgarisation de la technologie dans l’entreprise, la réussite de sa nouvelle offre Vr-BNB, première plateforme de location en ligne de salles de réalité virtuelle. Dans le monde entier, les entreprises équipées peuvent maintenant « louer » leurs salles de réalité virtuelle à des entreprises moins numérisées qui ont un besoin de présentation spécifique. Une nouvelle initiative qui peut laisser croire qu’un jour, la relation commerciale pourrait enfin se digitaliser de manière durable.

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