Face à l’obligation qui leur est faite de se structurer afin de répondre aux demandes de plus en plus complexes des annonceurs, les éditeurs et leurs régies se muent en groupe pluridisciplinaire, à l’instar du virage entrepris précédemment par les groupes de communication et les agences médias.

Le rythme effréné des changements, imposés au marché publicitaire par sa mutation digitale, démontre combien il est difficile pour les groupes médias d’emboîter le pas d’une révolution qui bouscule leur modèle économique historique. Confrontés à un bouleversement sans précédent des usages de la consommation média, à la croissance continue du phénomène de l’adblocking et à la domination de Facebook et Google, qui cannibalisent à eux seuls les deux-tiers du marché digital français selon le dernier baromètre annuel SRI, les éditeurs et leurs régies n’ont d’autre choix que de repenser leurs activités traditionnelles.

Pour se développer, un groupe médias est aujourd’hui contraint d’innover via le content marketing et la data-technologie, en utilisant l’intégralité de son écosystème ainsi que sa connaissance des audiences et des individus, en proposition de valeur pour les marques. Cette nécessité de se doter des meilleurs outils pour résister à la domination des GAFA a poussé la plupart d’entre eux à racheter des pépites du digital, ou à investir dans des solutions technologiques. L'objectif : répondre aux demandes des annonceurs sur les influenceurs, les millennials, les activations sociales, la production vidéo... et consolider leur stratégie axée sur la production, la distribution et l’activation de contenus data-driven. À tel point qu’il est tentant, aujourd’hui, de faire le rapprochement entre le fonctionnement de ces groupes médias et celui des groupes de communication, tant leur champ d’action et leurs compétences technologiques se sont étendus.



Conséquence directe de cette mutation en marche, le modèle de régie classique qui consistait à vendre de l’espace publicitaire sur les médias d’un groupe a vécu. Mieux vaut parler aujourd’hui d’intégrateur multi-métiers. « Nous ne sommes ni une agence publicitaire, ni une régie publicitaire, ni un éditeur de solutions technologiques, mais un partenaire multi-leviers qui place la connaissance des audiences et leurs passions au cœur de notre expertise apportée aux marques » déclarent ainsi d’une même voix Michelle Benzeno et Raphaël Grandemange, respectivement directrice générale en charge des revenus et directeur général du pôle Brand Services au sein de Webedia. « Avec des stratégies de communication qui mêlent désormais contenu, média, influence, social, data, production audiovisuelle et événementielle, l’organisation du groupe rapproche les offres et les équipes commerciales des différentes entités, avec une connaissance pluridisciplinaire au service des marques et dans une logique d’accompagnement complet sur du court, moyen ou long terme », insistent les deux dirigeants.

 

Le partenaire idéal pour accompagner les annonceurs prend donc la forme d’une entité polyvalente, qui leur propose un guichet unique pour orchestrer l’ensemble des leviers Paid, Owned et Earned. Pour les régies, la révolution est autant structurelle que culturelle, puisqu’elles se transforment en agences full services qui intègrent quantité de nouveaux métiers, qu’elles n’exerçaient pas du tout il y a à peine cinq ans. Pour réaliser cette bascule, tous les patrons de régie s’accordent à reconnaître qu’il leur a fallu insuffler un nouvel état d’esprit au sein de leurs équipes, afin qu’elles acceptent l’idée d’adopter une posture client centric et non plus média centric.

« Les annonceurs attendent de nous non seulement que nous les nourrissions avec des solutions omnicanal, mais que nous partagions aussi les risques sur les dispositifs que nous développons avec eux » explique Philippe Schmidt, directeur exécutif de Prisma Media Solutions (PMS). « En cela, les régies sont devenues pour eux de véritables business partners ». Ainsi un poste de directeur de publicité chez Gala par exemple est aujourd’hui qualifié de « brand solutions director », chargé d’imaginer des cas sur mesure pour ses clients ou de les adapter en mode plug and play sur les différents canaux exploités par la régie.

Par ailleurs, à l’instar de ce qu’a fait Media.figaro au sein de sa cellule brand content et opérations spéciales, PMS a doté sa Creative Room d’un département planning stratégique dirigé par deux profils venant d’agences de communication, mais aussi d’un directeur éditorial, d’un DA et d’un « techno-créatif », « chargé d’imaginer toutes sortes d’architectures digitales à partir de l’idée créative initiale », précise Philippe Schmidt.

 

« Pour accompagner efficacement une marque, il nous faut aujourd’hui des champions de son secteur, qui possèdent une vraie valeur ajoutée dans la relation avec le client » confie pour sa part Sylvia Tassan Toffola, directrice générale déléguée aux opérations commerciales de TF1 Publicité. Raison pour laquelle celle-ci a mis sur pied il y a six mois une nouvelle organisation manageriale à partir d’une segmentation sectorielle des équipes.  Son ambition : personnaliser le marketing de l’offre et remettre du sens dans les projets conçus avec les marques. « Auparavant, notre équipe d'annonceurs travaillait en respectant le découpage des portefeuilles clients des agences médias », précise-t-elle. « Désormais, nous avons quinze experts sectorisés au profil plutôt conseil, issus d’agences ou de l’univers marketing, qui ont une connaissance parfaite des enjeux de la marque et du marché sur lequel elle évolue », se félicite-t-elle.

 

En brisant les silos au sein de leur organisation, les régies entendent davantage fonctionner en mode direct avec les annonceurs. Au risque de provoquer la désintermédiation des agences médias ? La question est loin d’inquiéter les principaux intéressés : « De plus en plus, tout le monde fait tout et c’est très bien comme ça » avance ainsi Raphael De Andreis, CEO de Havas Media France. « Que TF1, Le Figaro, Webedia ou tout autre groupe médias se développent en bousculant les habitudes de notre écosystème n’est pas pour me déplaire, tant que cela sert nos intérêts respectifs et ceux du client. Le seul sujet qui doit nous préoccuper est de savoir comment développer, à l’avenir, un écosystème digital national, voire européen, qui fasse le poids face à la toute puissance des GAFA ». À ses yeux, tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à des chamailleries inter-professionnelles demeure anecdotique face à cet enjeu.

« Qu’il y ait une ambiguité sur le rôle que chacun occupe auprès de l’annonceur est normal, car les rapports se sont complexifiés. Cela nous oblige à être plus pragmatiques et plus honnêtes avec le client, à opter pour davantage de compromis. De toute façon, le modèle ne peut être vertueux que s’il est transparent », avance pour sa part Philippe Schmidt.

Bertrand Nadeau, le nouveau directeur général de l’agence Fuse (OMD Group) et ancien directeur délégué de TF1 Publicité 361, y voit davantage une opportunité qu’une menace : « La manière dont se restructurent les groupes médias en fait des partenaires plus intelligents, mieux équipés et plus performants, avec lesquels nous  pouvons produire de meilleures recommandations auprès des annonceurs » estime-t-il. Un constat partagé par Aurore Domont, présidente de Media.figaro, lorsqu’elle affirme que « les agences média ont un rôle essentiel à jouer puisqu’elles assurent le rôle d’architecte de la peformance d’un nombre de leviers infinis dans une période marquée par l’atomisation des points de contact. »

« Mais attention » prévient Bertrand Nadeau, « si le maillon des agences a plus que jamais sa place, il y a une néanmoins une condition : plus les médias sont intelligents et plus les agences comme la nôtre doivent être créatives et connectées à la stratégie du client, pour ne pas passer pour des forwaders de propositions de régies. »

Encadré

La course contre le temps et la pression exercée sur les tarifs dans le digital pertubent le bon fonctionnement des dispositifs et la façon de les concevoir. L’enjeu est plus que jamais une question d’adaptation. À ce titre, l’initiative prise par TF1 Publicité à travers la Box, sa plateforme servicielle créée pour fluidifier la production de contenu est la parfaite illustration de ce désir commun aux médias et aux agences de moderniser et simplifier leurs échanges. S’inspirant dans son fonctionnement du Learn Start-up, une méthode de gestion de projet éprouvée par les GAFA qui se base sur le modèle collaboratif et test and learn auprès de ses utilisateurs, la Box permet la mise en relation automatisée des agences avec les offres de TF1 Publicité. L’acheteur y dépose son brief auquel une réponse lui est apportée, après quoi la possibilité lui est offerte de suivre sa campagne et de consulter les rapports financiers en temps réel. Le tout en restant connecté 24h/24 avec l’Adstore de la régie.

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