Médias
Sandra Muller, directrice de la Lettre de l’audiovisuel et initiatrice du hashtag #BalanceTonPorc, a gagné son procès en appel. Mais elle ne crie pas victoire pour autant.

Elle ne prononce plus le nom d’Éric Brion. L’ex-dirigeant d’Equidia revenu dans l’audiovisuel à la tête de l'Association des chaînes conventionnées éditrices de services a perdu en appel son procès en diffamation alors qu’il lui demandait 240 000 euros pour préjudices moral et matériel. L’emploi dans un tweet du mot « harcèlement », terme du code pénal, a failli coûter cher à l’initiatrice de #BalanceTonPorc. Dans un texte puissant  sur le Huffpost, le 1er avril, elle reconnaissait « ne pas avoir tweeté avec deux avocats à [ses] côtés et un dictionnaire Dalloz sous le bras ». Mais cette fois, elle a ajouté au ténor du barreau Francis Szpiner une femme, Jade Dousselin, l’avocate de Mélenchon.

Les juges l’ont entendue en reconnaissant sa « bonne foi ». L’énormité des dédommagements demandés a sans doute contribué à emporter la décision, estime celle qui demeure locataire de son appartement-bureau de 75 mètres carrés à New York, où elle vit avec ses deux enfants. Mais elle refuse d’en dire plus pour ne pas fournir matière à un pourvoi en cassation. Au passage, elle glisse quand même que la partie adverse n’a considéré comme mensongère qu’une des quatre attestations de témoins venues la soutenir.

Depuis qu’elle a fui l’Inde à 17 ans, où son père l’avait enlevée, pour revenir en France, Sandra Muller sait qu’il lui faut se battre. En 2017, une consœur qui accusait un publicitaire a effacé son tweet. Pas elle. Malgré la pression. Et elle continue d’affirmer que, contrairement à ses dires, Éric Brion ne s’est pas excusé le lendemain. Méritait-il pour autant un tel « tsunami » dans sa vie ? Et la délation sur les réseaux sociaux est-elle acceptable ? Elle argue que sans nom, il n'y avait pas de #BalanceTonPorc, survenu deux jours avant #MeToo. « S’il n’y avait pas eu des femmes pour mettre sur la place publique ce qu’elles ont vécu, il n’y aurait pas eu d’affaire PPDA ou Sarah Abitbol », lâche-t-elle.

Aujourd’hui, elle continue de diriger à distance La Lettre de l’audiovisuel, avec ses journalistes-auteurs en télétravail. De la distance et du recul, c’est ce qu’elle a cherché en allant de l’autre côté de l’Atlantique il y a huit ans. Elle y réalise des interviews de stars tout en épaulant sur messagerie des victimes d’agression sexuelle. Et marche quatre kilomètres par jour pour réguler un corps qui a pris des kilos « pour se blinder du monde extérieur ». La victoire a pour elle encore un goût saumâtre, après un Covid qui l’a empêchée de se rendre à son procès. Consacrée Person of the Year en 2017 par Time avec d’autres « silence breakers », elle rappelle qu’elle est la seule à avoir été attaquée en diffamation. Et déplore que dans les médias français, « les micros soient grand ouverts aux agresseurs ». Mais l’essentiel est que depuis la vague #MeToo les plaintes aient augmenté de 20%, à Paris comme à New York.

Parcours

 

1er septembre 1971. Naissance.

1991-1993. DEUG communication à Paris IV.

1996. Master AES, Paris IV.

1998. Master 2 CFPJ.

1996-1998. Pigiste pour Nova, Le Nouvel Obs, Le Monde.

2001. Reprend La Lettre de l’Audiovisuel, dont elle devient directrice de la publication.

2013. S’installe à New York.

2016-2017. Correspondante de VSD à New York.

2018. Publie #Balance ton Porc, la Peur doit changer de camp (Flammarion).



Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.