Environnement
À l’heure où les théories apocalyptiques gagnent en crédibilité, une démarche porteuse d’espoir et de solutions crédibles trouve un écho grandissant : le biomimétisme. Plongeons ensemble dans le merveilleux monde du Vivant.

Qui sauve qui?

L’urgence environnementale est sur toutes les lèvres. À Davos, les risques environnementaux occupent désormais le Top 5 des risques perçus par les plus riches/puissants de ce monde (et y détrônent « Les inégalités », sic). L’Amazonie et l’Australie font la une de tous les journaux. Il y a comme une impression de maison qui brûle. Et pourtant… Cette Nature, qu’on chérit mais qu’on distance chaque jour en créant plus de béton, plus de murs, plus de barrages, plus d’isolant, aujourd’hui nous inquiète très sérieusement. Non seulement car cinq espèces disparaissent chaque heure, dix hectares de terre sont brûlés chaque seconde(1), mais aussi et surtout car elle gronde, la Nature : elle nous menace.

Que ce soit pour la sauver, ou la maîtriser, le discours reste celui de l’Humain qui fait face au Vivant. Nous et le reste du monde. Et si on prenait une tasse de recul, avec une touche d’humilité, qu’on arrêtait de s’extraire du Vivant, qu’est-ce qu’il adviendrait ? Le biomimétisme propose de s’inspirer des formes (le bec des oiseaux plongeurs inspire le TGV pour réduire la consommation d’énergie), des matériaux (les arbres utilisent l’énergie carbone à température ambiante pour créer de l’énergie, contrairement aux panneaux photovoltaïques) et aussi les écosystèmes (coopératif et en économie circulaire) pour innover.



La Nature = 4 milliards d’année de R&D

Nous faisons intégralement partie du Vivant, cet ensemble qui recouvre toutes les espèces qui vivent sur la planète, des bactéries à l’homo sapiens. Les espèces qu’on observe aujourd’hui sont le fruit de 4 milliards d’années de tests, d’itérations, qui se sont perfectionnées au gré de la sélection naturelle. Le Vivant regorge d’une infinité d’innovations et de technologies insoupçonnées, qui constituent une opportunité pour nous et notre environnement.

Selon vous : qui réalise le plus long vol sans ravitaillement autour de la Terre ? La barge rousse, un oiseau qui migre chaque année de l’Alaska et l’Australie, et vole 9 jours sans escale. Qui a créé le premier système de redistribution de richesses sur Terre ? Les champignons et les arbres. Les racines des champignons, appelées mycélium, encerclent celles des arbres et échangent minéraux, sucres, sels. Grâce à une plus grande exposition au soleil, les arbres les plus hauts produisent plus de sucres que les arbres bas. Afin d’équilibrer les ressources, les champignons extraient le surplus de sucre des arbres hauts, excédentaires, et le redistribuent aux arbres bas, déficitaires (2). La redistribution n’est pas l’apanage des sociétés humaines.

Grâce à la technologie, nous pouvons aujourd’hui étudier et comprendre le fonctionnement du Vivant, ce réservoir infini d’innovations. La démarche qui consiste à observer, s’inspirer et copier les mécanismes à l’œuvre dans la nature est le biomimétisme. C’est d’autant plus pertinent que le Vivant a misé depuis des millénaires sur quelques principes fondamentaux qui lui assurent un développement pérenne et équilibré (« Les Principes du Vivant »), notamment :

- Se nourrir d’énergie renouvelable et essentiellement solaire ;

- Valoriser l’abondance (et non la rareté) ;

- Tout réutiliser, recycler (économie circulaire) ;

- Consommer des ressources et richesses locales.

La démarche n’est pas nouvelle – Léonard de Vinci observait les oiseaux pour concevoir- le premier avion – mais sa pertinence est d’autant plus cruciale que le monde déraille. Si l’on capitalise sur les métaux rares (téléphones, tablettes, panneaux photovoltaïques…) et sur des solutions fortement consommatrices de ressources pour résoudre nos défis actuels, il devient urgent de renverser la dynamique et d’adopter une approche radicalement différente.



Biomimétisme pour innover durablement

Dès 2006, les précurseurs Janine Benyus et Bryony Schwan créent le Biomimicry Institute, organisme de promotion du biomimétisme auprès des designers et architectes de notre société. En France, c’est en 2015 qu’est créé le CEEBIOS, Centre européen du biomimétisme, afin de fédérer les acteurs et promouvoir ce mode d’innovation inspiré et respectueux du Vivant auprès des chercheurs, entreprises, pouvoirs publics mais aussi récemment des entrepreneurs. «La nature et le vivant apportent des réponses à tous les grands défis d’aujourd’hui», a dit Kalina Raskin, directrice du CEEBIOS.

On s’y met ? Quand l’urgence, l’ampleur et l’interconnectivité des problèmes croient, la Nature, autrement qu’un élément externe à préserver, constitue le terreau principal d’innovations d’un fonctionnement en écosystèmes équilibrés, inclusifs et durables: la solution n’est pas pour mais par le Vivant, la Nature. Nous devons dire stop aux gadgets, jouer collectif, pluridisciplinaires. Nous devons adopter un mode de vie durable en s’inspirant de la façon dont les organismes vivants échangent matière, énergie et informations. Comme l’écrit Emmanuel Delannoy, dans sa tribune «Pour un biomimétisme au service de la vie» : «Nous devons mettre le biomimétisme au service d’une transition vers une économie décarbonée et régénératrice (…) à même d’accueillir toutes les diversités.» Nous devons investir et respecter le Vivant, son expression visible tout autant que ses principes, pour à nouveau entrer en résonance, en cohérence et durer. 

  • L’anguille énergique (Energie)

En s’inspirant de la capacité de l’anguille à s’adapter aux contraintes de courants et à se déplacer de façon très efficace, l’entreprise EEL Energy a développé une hydrolienne composée d’un squelette en carbone poxy. Celui-ci se déforme en fonction des courants et crée de l’énergie grâce à un système d’aimants et de bobines, avec la promesse de proposer une électricité durable, plus propre et moins chère.

  • Les requins hydroalcooliques (Santé)

La peau des requins présente la particularité de n’avoir aucune bactérie à sa surface. C’est la forme particulière de ses écailles, qui arrangées en un motif particulier, empêchent les bactéries de se développer. Une société américaine s’est inspirée de ce motif pour développer un tissu destiné à remplacer l’usage de produits anti-bactériens dans les hôpitaux et centres de santé (et réduire ainsi le développement de maladie nosocomiales).

  • Les lisières urbaines (Architecture)

L’agence d’architecture Chartier Dalix s’est inspirée des lisières, ces espaces intermédiaires que l’on trouve dans la nature entre deux milieux naturels et qui sont riches d’échanges et de biodiversité pour accroître la perméabilité et les échanges dans nos villes lors de la conception de nouveaux quartiers.

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN



- Participer (ou sponsoriser) la Biomim’Expo

- S’inscrire à la newletter du Ceebios

- Participer au Biom’Impact Tour (mai-juin 2020) : lien à venir.  

- Lire Francis Hallé, Plaidoyer pour l'arbre

- Les principes du Vivant



Merci à Kalina et Hugo (Ceebios), Alain (Newcorps), et Tom (makesense) pour m’avoir fait plonger dans le merveilleux monde du biomimétisme et ainsi redonné espoir et enthousiasme ! 

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