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Surfant sur la transformation numérique de la communication santé, les agences espèrent renforcer leur rôle de partenaires stratégiques.

Développement de l'e-santé, diversification, gestion de l'expiration des brevets... Le secteur de la santé connaît des bouleversements importants depuis plusieurs années. «  L’industrie pharmaceutique subit des mutations profondes qui remettent en cause les agences santé », analyse Anne-Claire Sanz, directrice générale d’Ogilvy Commonhealth. La perte de brevets de blockbusters par exemple, souvent vendus sur ordonnance, a rendu « plus difficile pour les entreprises pharmaceutiques de grandir avec la même cadence ». D’où un impact négatif sur les agences, les budgets communication étant fortement corrélés à la croissance des laboratoires. À l'inverse, « le secteur santé s’agrandit aujourd’hui avec de plus en plus d’initiatives à la frontière entre santé et bien-être », constate Anne-Claire Sanz.

Un appétit grandissant pour la santé

Ce dynamisme de la parapharmacie et des objets connectés ou applications santé qui permettent de surveiller et d’accompagner les patients dans leur parcours de soin (pilulier connecté, capteur glycémique, fourchette connectée…) éveille l’appétit de nouveaux intervenants. C'est ainsi que Nestlé ambitionne de racheter le portefeuille OTC de Pfizer, que Reckitt vient d’acquérir Mead Johnson tandis que les Gafa et les géants de l’électronique s’intéressent aux objets connectés et aux applications santé. Ce mouvement peut profiter aux agences, capables de porter un discours centré sur la marque et le consommateur. Mais les agences seront-elles les mieux placées pour capter cette manne ? Certains annonceurs sont en effet tentés de faire affaire directement avec des producteurs de contenus santé, pour faire du brand content, ou de dédier leur budget aux détenteurs des données médicales/santé sur les individus et qui maîtrisent les techniques du big data.

Mouvements contradictoires

Dans le domaine de la communication santé comme ailleurs, internet peut menacer les intermédiaires. Signe encourageant cependant, la com santé a retrouvé des couleurs après des années difficiles (lire l'interview de Thierry Kermorvant de l'AACC Santé). Certaines agences ont même enregistré en 2017 une croissance à deux chiffres, preuve s’il en était de leur capacité à s’adapter à un marché plus exigeant, traversé par des mouvements contradictoires. « Nous constatons une tendance à privilégier le partenariat sur un projet, plutôt que sur un périmètre large et inscrit dans la durée. Cela dit, les agences sont attendues en amont pour fournir une véritable vision stratégique », résume Laurence Meyer, CEO de Publicis Health France.

D’un côté, les annonceurs imposent des contrats plus courts et atomisés, avec de fortes contraintes budgétaires. De l’autre, ils doivent mener des projets ambitieux qui s’adressent aux professionnels, au grand public et aux relais d’opinion, nécessitant d'intégrer des compétences et canaux variés pour toucher ces cibles. C’est évidemment ce deuxième type de campagnes et ce rôle de chef d’orchestre qu’affectionnent les grandes agences.

Plus que jamais, les annonceurs sont à la recherche de partenaires qui peuvent les aider à répondre à une multitude de problématiques, avec une vision globale et une expertise de pointe couvrant tout le cycle de vie du produit. En atteste la campagne menée par Ogilvy Paris pour son client Integrity Applications, qui a développé pour les diabétiques GlucoTrack, le premier lecteur de glycémie non invasif qui se clippe au niveau du lobe de l’oreille. L’agence est intervenue pour prendre en charge au niveau mondial la campagne de promotion, le merchandising et la formation des distributeurs mais aussi la présence sur les réseaux sociaux ainsi que le développement de l’application de suivi liée au dispositif médical.

Pour s’imposer, la maîtrise du numérique dans toutes ses composantes devient donc indispensable. « Chez Publicis Health France, il représente plus de la moitié de notre revenu et l’ensemble de nos collaborateurs y sont formés », précise Laurence Meyer, directrice générale. Dans le cadre de leur mission, les agences doivent désormais gérer les enjeux d’e-réputation des laboratoires. On leur demande de concevoir des programmes d'e-learning à destination des forces de vente des laboratoires ou des soignants, mais aussi d’organiser des web-débats sur des sujets de santé, de nouer des partenariats avec des sociétés savantes ou des associations de malades susceptibles de relayer des messages ou encore de concevoir des dispositifs destinés aux médias sociaux (Facebook, Snapchat, YouTube...), souvent en surfant sur l’actualité.

Films viraux sur Facebook et YouTube

Pour la journée mondiale de l'AVC le 29 octobre 2017, le groupe Grey Health a par exemple conçu pour la firme Stryker, qui fabrique des prothèses pour les cardiaques, un film viral chargé d’émotion diffusé sur Facebook, en huit langues, pour alerter le grand public sur le sujet, un film qui a déjà engrangé 1,9 million de vues. Autre exemple, Schär, spécialiste du sans gluten, a mis en place un dispositif complet (vidéos, Facebook Live avec des médecins…), conçu avec l’agence Weber Shandwick, pour célébrer en mai 2017 le mois sans gluten lancé par la marque.

L’essor des médias sociaux change surtout la donne pour communiquer avec et vers les patients. « Acteurs de leur santé, ils ont désormais pour premier réflexe de s’informer et de dialoguer en ligne, ce qui ne va pas sans poser un problème de surinformation voire de désinformation », rappelle Merryl Marcout, account manager healthcare au sein de l’agence de relations publiques Weber Shandwick. Quoiqu’il en soit, ils sont de plus en plus « intégrés dans la communication auprès des professionnels de santé en medical education (intervention de malades experts) », note Alain Sivan, président de TBWA Santé. Les témoignages de patients relayés sur les réseaux sociaux peuvent aussi servir à sensibiliser le grand public aux pathologies en s’appuyant sur le vécu des personnes qui en souffrent. C'est ainsi que TBWA a réalisé pour le laboratoire Ipsen un film viral mettant en scène un malade atteint d’acromégalie [trouble hormonal provoquant un agrandissement des extrémités]. Dans la com santé, les discours fondés sur l’empathie voire le pathos demeurent décidément incontournables.

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