Agence
Manuel Lagny aujourd'hui coprésident d’Epoka, a fondé et dirigé l’agence Meanings avec Bruno Scaramuzzino. Il a rédigé ce texte en hommage à son ancien associé et ami, qui vient de décéder.

Ne comptez plus sur ces réunions électrisées par la présence de ce bateleur génial qui aimait tant le jeu et le rock. N’espérez plus apercevoir l’œil malin de cet entrepreneur né s’éclairer d’une soudaine douceur lorsqu’il pensait une victoire acquise. Attendez-vous à ce qu’un caractère unique manque cruellement à notre paysage… Bruno Scaramuzzino n’est plus.

C’était le 21 février dernier, à la mi-journée. Il échangeait par téléphone avec un artiste africain qu’il devait retrouver deux heures plus tard. Tout animé de cette ardeur qu’on lui a toujours connue, riant, accompagnant ses propos de gestes et expressions « scaramouzzinesques » qui le rendaient si présent, si charmant. Bruno a été foudroyé sur une terrasse paisible de Marrakech, baignée par ce soleil et ces odeurs de Méditerranée qu’il aimait tant. Entouré, par un improbable concours de circonstances, et comme pour clore le cycle d’une vie tellement hors norme, par deux femmes qui ont tellement compté pour lui : Patricia, la mère si respectée de ses trois enfants, et sa chère Valérie, complice de chaque instant depuis de nombreuses années.

Bruno est mort en étant entièrement lui-même, sans avoir cédé un pouce de ce qu’il pensait être sa liberté, y compris celle de vivre si intensément son existence. Parti « à cheval et au galop », comme en rêvait l’Empereur, Scara est mort debout, ainsi qu’il a vécu. Bruno était gourmand de la vie, attiré par tous les registres de l’expression humaine. Les milliers d’objets et d’œuvres qu’il a collectionnés, en chinant partout, en témoignent en formant un ensemble hétéroclite en même temps qu’un univers parfaitement identifiable, tout à fait unique : le sien. En n’admettant jamais aucune forme de hiérarchie entre les hommes ou entre les genres. En fondant uniquement ses choix sur ce qu’il estimait être le talent ou la beauté, ou même la prouesse technique, avec une grille de lecture qui lui était propre. Il eût d’ailleurs été vain de vouloir le faire entrer dans quelque « case » que ce fût.

Fondateur de Verbe

Amoureux des mots et du langage, il commence sa carrière dans l’édition et le journalisme avant de créer, en 1986, l’agence Verbe, avec Yves Benouaich. Magnifique réussite. Avec leur équipe, rue des Plantes, ils donnent ses lettres de noblesse à la presse d’entreprise. Et si Bruno pressent très tôt que le contenu et le sens sont l’avenir de la communication, il a envie d’aller s’attaquer à d’autres métiers, d’explorer le vaste champ du « corporate ». À la fin des années 90, il rejoint Euro RSCG C&O pour y créer et diriger la filiale Publishing. Si fier de rejoindre la bande des Fouks, Habib et Saint-Ouen, de se frotter à leurs expertises, à leur excellence, pour apprendre encore. En 2004, c’est le début de l’aventure Meanings, « l’agence du sens, du signe et de la relation », que j’ai eu l’honneur de fonder et de diriger avec lui. Treize ans à partager le même bureau, à travailler beaucoup, à s’amuser autant, accompagnés par un si beau collectif… Bruno ne boude pas son plaisir, il devient un acteur clé de la communication corporate. En 2017, après avoir participé à la création d’Epoka – qui lui doit beaucoup –, il ressent une envie de grand large : ce sera la création de BZZ, galeries-boutiques et studio au service de l’art africain…

« Bruno, c’est la famille ! »

On me demandait récemment de qualifier mon rapport à Bruno : associé, ami ? Sans réfléchir, je répondais : « Bruno, c’est la famille ! ». Je sais que nous sommes des dizaines à penser de cette façon. L’associé que j’étais mais aussi des collaborateurs, des partenaires, des clients, même. Bruno avait cette capacité à tisser autour de lui des liens si forts, à nous arrimer à son univers singulier…

Sa famille, la « vraie », c’est à elle qu’il pensait toujours, dont il parlait souvent. Sa fierté de voir ses enfants, César, Claire et Enzo, se construire, se lancer avec succès dans la vie. Son bonheur avec Valérie. Ses petits-enfants. Il savait pourquoi et pour qui il se battait. Il attendait chaque été le moment de se retrouver dans la maison du Haut-Var, entouré de sa « tribu ». En patriarche du Sud. C’est du côté de Salernes, de Tourtour, du boulodrome de Bauduen, qui domine le lac de Sainte-Croix, que son esprit doit flotter aujourd’hui. J’aime à le penser, en tout cas. Moi qui ai toujours aimé savoir où il se trouvait…

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