Dossier Production
Ouvert fin 2020 près de Paris, le studio Pure View dessine de nouvelles perspectives pour la création en recourant à la réalité virtuelle et augmentée. Visite guidée.

Vu de l’extérieur, c'est une sorte de long entrepôt dont il est compliqué de deviner, au premier abord, la fonction exacte, et qui est situé dans un quartier plutôt résidentiel de La Plaine Saint-Denis. Le lieu, ouvert il y a moins de six mois, n’a rien de commun. Il abrite un nouveau studio de tournage en réalité étendue (XR), c’est-à-dire combinant réalités virtuelle, augmentée et mixte, pouvant accueillir des tournages de campagnes, de clips, d'émissions ou d'événements corporate. « Il y a eu une phase de travaux en septembre 2020 puis de R&D, raconte Pierre-Guy di Costanzo, cofondateur avec Thomas Besson et Julien Colet de Pure View, le nom de ce studio. Ici, on a tout créé… »

Cube à trois faces

À l’intérieur, près d’un traditionnel fond vert disposé sur un côté, l’espace phare est un plateau composé d’écrans au sol et sur deux murs, formant une sorte de cube à trois faces, que regarde une caméra accrochée ce jour-là à une grue imposante. Cet espace de 8 mètres par 8 mètres, pouvant accueillir cinq personnes « en normes Covid », résistant au poids et à l’eau, et capable de supporter une voiture, est conçu pour des tournages en XR. Il permet de filmer des personnes (mannequin, artiste, animateur), non pas sur fond vert mais dans des décors en 3D projetés sur les écrans.

La particularité du dispositif, c’est que les décors bougent en même temps que la caméra, grâce à des capteurs situés au plafond ou que les personnes filmées peuvent tenir dans la main, ce qui donne à l’image l’impression d’une plus grande immersion dans le film. Autres effet produits : une certaine profondeur et des lumières comparables à celles d’un tournage en extérieur. Les usages possibles de la technologie sont nombreux : faire jaillir des apparitions du sol, reconstituer les décors d’une ville, transporter les personnes en plateau dans des espaces imaginaires... Il n'y a pas de limites, si ce n’est celle des idées.

Ce mardi matin de fin avril, pas de tournage mais l’équipe prépare un clip qui sera tourné le lendemain, après une performance live d’Eddy de Pretto. Aux États-Unis, Katy Perry avait livré dans l'émission American Idol une interprétation remarquée faisant la part belle à la XR. Dans cette optique, une poignée de professionnels s’affaire derrière la douzaine de postes de travail qui fait face au plateau, dans cet espace d’environ 380 m2 et dix mètres sous plafond, modulable selon les besoins. Pure View est le fruit d’un rapprochement entre deux sociétés, le studio de création virtuelle Blue Node et le spécialiste de l’audiovisuel IVS.

Alternative « réaliste » pour les tournages

La technologie XR, dont Pierre-Guy di Costanzo s’est attaché, pendant le premier confinement, à comprendre et explorer le potentiel, fait ses débuts en France. Son intérêt a probablement été accéléré par le Covid. Elle permet, par exemple, d'offrir une alternative « réaliste » pour des tournages qui ne pourraient pas se dérouler dans les lieux prévus. Mais son avantage principal est qu’elle réduit le travail de post-production, toutes les images étant ajustées directement au tournage. « Pour les acteurs non professionnels, cela facilite le placement sur le plateau », précise celui qui est aussi patron de l’agence événementielle Golden Mama. Plutôt qu’une croix sur un fond vert, les images en 3D donnent quelques repères. Ces images sont essentiellement fabriquées dans le XIe arrondissement de Paris. Toutefois, l’innovation a un prix : à partir de 12 000 à 15 000 euros pour un jour de tournage avec l’équipe technique. Mais elle a l’intérêt d’offrir tous les décors au même endroit et de permettre d'expérimenter une technologie appelée à prendre de l’ampleur.

Coperni voyage en studio

Une photo mythique vient à l’esprit quand on regarde le dernier film de la marque de prêt-à-porter et d’accessoires Coperni, tourné quelques mois plus tôt chez Pure View. C'est le premier film d'annonceur à y voir le jour. Des mannequins évoluent sur une poutre métallique suspendue dans un décor de gratte-ciel, au-dessus du vide, comme le faisaient ces ouvriers new-yorkais en train de déjeuner alignés sur une même structure, quasiment 90 ans plus tôt. Une scène qu’il aurait été impossible de tourner « en vrai ». Mais la technologie vient à la rescousse. Sur le plateau du studio, une poutre est posée au sol, sur et autour de laquelle évoluent les modèles. Des images d’une ville reconstituée, empruntant à la fois à New York, Tokyo ou Paris, sont projetées sur les murs. À l’image, on a l’impression que les acteurs sont perchés à des centaines de mètres de hauteur alors qu’ils ont les pieds bien ancrés au sol. « C’est moins de travail en post-production pour projeter de la lumière et plus de temps de préparation. Cela ouvre un champ des possibles incroyable. On peut obtenir des effets plus facilement. Par exemple, un oiseau qui se pose en direct sur une main grâce à un calcul du programme », s’enthousiasme Arnaud Vaillant, CEO cofondateur de Coperni. Avant ce film, la marque s’était déjà illustrée par un défilé en haut de la Tour Montparnasse.

« Le plus compliqué ? Cela a été de comprendre la technologie car il y a des restrictions. Par exemple, le studio a une certaine taille, la caméra doit rester dans le studio », poursuit l’ex-DA de Courrèges. Autre bémol, le fait que le côté digital enlève un peu de chaleur et d’humanité, c’est donc parfois compliqué d’avoir un rendu réel.

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