Flashback
Montée en puissance de la communication corporate, émergence du concept de marque-employeur, création des départements corporate dans les agences... La décennie 90 a déroulé le tapis rouge à la com corporate.

La dernière décennie du XXe siècle est marquée par une nouvelle vague de privatisations, comme celle de Péchiney. Les grandes batailles financières de la fin des années 90, remarque Éric Giuily, ont aussi apporté du grain à moudre aux agences spécialisées. On se souvient notamment de la passe d’armes en 1999 après l’annonce de la fusion entre la Société Générale et Paribas. La BNP lance alors une OPA qui lui permet, finalement, de mettre la main sur Paribas. La même année, Total lance une OPE sur Elf. Plus tôt, le rachat d’Euromarché par Carrefour avait donné lieu là aussi à une belle passe d’armes. « Ces opérations ont généré beaucoup de communication et fait naître l’idée qu’il était important pour l’entreprise de dépasser la simple communication financière et d’avoir une vraie stratégie corporate qui permette de mobiliser toutes ses parties prenantes », explique Éric Giuily. La résistance des salariés de la Société Générale lors de l’OPA de la BNP avait, de ce point de vue, été un déclic.



De son côté, la communication interne change d’époque, notamment dans le domaine du recrutement où l’on passe, en quelques années, des petites annonces à la « marque-employeur », avec de vraies campagnes dédiées à cette thématique. Les années 90 sont aussi celles du développement du sponsoring social et culturel, après que les entreprises ont exploré les voies du parrainage sportif. Le mécénat d’entreprise se développe, de même que les fondations, comme celle que lance Total en 1992 pour soutenir, entre autres, des projets dans le domaine de la biodiversité. Rémy Ossard, alors chez BDDP, se souvient d’avoir travaillé sur le lancement de l’Institut Danone pour la santé. « Nous avons réfléchi, sur le thème de la santé, à aller plus loin que la simple campagne déclarative, en imaginant des preuves que l’on pouvait donner dans le domaine médical, de l’éducation ou de la recherche scientifique. Nous avons créé des prix, réalisé du matériel pour les crèches, et c’est seulement après que la publicité est venue », remarque-t-il.



Tout cela contribue à un véritable âge d’or pour les agences corporate. C’est au tout début des années 90 que cette terminologie s’impose, à l’initiative notamment de Rémy Ossard, 71 ans aujourd’hui. Avec Éric Zajdermann, alors à la tête de Taxi Jaune Corporate, Philippe Heymann (Hintzy Heymann, qui fusionnera plus tard avec DDB & Co) et François Chevalier (Stratis), Rémy Ossard, passé d’Euro RSCG à BDDP en 1987, crée un « club corporate » pour imposer une vision moderne de la discipline. Chez BDDP, il convainc Jean-Marie Dru de créer ce pôle spécialisé, lui expliquant en substance : « Les entreprises ont deux vies. Elles vivent sur les marchés, où elles vendent des produits et des services, et elles vivent aussi dans la société, où elles doivent être acceptées, recruter… » Dix ans plus tard, tous les groupes de communication ont leur entité corporate, de Publicis à BBDO en passant par McCann. Voilà ce modèle à la française d’agences corporate généralistes, totalement différent du modèle anglo-saxon où, le plus souvent, ne cohabitent que de pures agences de communication financière et de puissants réseaux de « public relations ». Ancien dirigeant de TBWA Corporate puis directeur de la communication de la SNCF, Bernard Emsellem voit dans cette exception française l’influence de « l’analyse de systèmes », « une discipline particulièrement approfondie en France dans les années 70 et 80 autour de l’idée qu’il y a système dès lors que les parties sont en interaction ». « Cette vision systémique a notamment été développée par les grandes entreprises publiques et elle a convergé avec l’idée de traiter un même enjeu auprès de publics et d’acteurs différents », souligne-t-il.

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