Tribune
Le dernier rapport de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique d’octobre dernier consacre et encadre l’influence territoriale. Celle-ci se transforme pour les entreprises qui travaillent quotidiennement avec les collectivités territoriales, dans le sens d’une plus grande transparence économique et démocratique.

Jusqu’ici, tout allait bien. Le secret d’une influence territoriale réussie était de disposer d’une bonne alchimie, souvent portée par un cabinet de conseil en communication ou d’affaires publiques, qui devait proposer un «cocktail» souvent à base de 20% de droit, 20% d’économie, 20% de politique, 20% de diplomatie et 20% de communication. Evidemment, ces cabinets de conseil sont essentiellement composés d’anciens membres de cabinets de collectivités locales ou même d’anciens élus qui disposent des codes et connaissent les us et coutumes d’une collectivité publique qui n’ont rien de commun avec ceux d’une entreprise privée.

Jusqu’ici, toute stratégie d’influence territoriale devait surtout reposer sur la construction d’un discours, d’une stratégie de communication non pas en fonction des objectifs de l’entreprise mais en fonction des besoins de la collectivité publique. Trop d’entreprises ont donc échoué et échouent encore en voulant imposer leur modèle, leurs discours souvent formatés par le national à un écosystème territorial non réceptif. Le rôle d’un cabinet d’affaires publiques est précisément d’établir la stratégie d’influence territoriale en amont et d’en suivre l’exécution tout en respectant le droit des collectivités locales et la procédure de la décision publique.

Centres de décisions publiques nombreux

Dans le cadre de ces missions, le cabinet de conseil en affaires publiques doit rappeler les fondamentaux de l’élu local et surtout l’évolution de la condition d’élu. Manque de moyens matériels et financiers, fonction devenue dangereuse à cause de multiples agressions, responsable de tout : jamais l’élu local n’a eu autant d’entraves dans l’exercice de son mandat. Et pourtant, lors du dernier congrès de l’Association des Maires de France, les études ont montré que la première motivation d’un maire est de porter un projet pour lequel il a été élu d’une part et de changer profondément les choses sur son territoire. Pour cela, il est assisté d’une équipe mais il doit également faire appel à des prestataires extérieurs qu’il doit choisir dans le cadre d’une procédure d’appels d’offres.

L’influence territoriale est d'autant plus puissante que les centres de décisions publiques sont nombreux. Contrairement à ses voisins (Allemagne, Italie, Espagne..) qui ont adopté le modèle régionaliste (mairies et régions), la France a décidé de multiplier collectivités et EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale), ce qui en fait la «patrie» de l’influence territoriale. Avec la crise du covid qui a limité les déplacements, jamais les territoires n’ont autant eu de pouvoirs et ont vu l’éclosion de cabinets d’influence avec des possibles dérives et de mélanges de genres.

Très logiquement donc, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a donc décidé d’appliquer au niveau territorial ce qui existe déjà au niveau national. Dès le 1er juillet 2022, entreprises privées et collectivités territoriales seront soumises à de nombreuses obligations de déclarations auprès de la HATVP. La communication et l’influence territoriale vont s’en trouver largement encadrées pour mieux garantir la préservation de l’intérêt général des territoires.

Nouvelles règles salutaires

Déjeuners, courriers, courriels, SMS, réseaux sociaux… Toutes communications écrites ou orales avec un élu ou un agent public devront désormais faire l’objet d’une déclaration d’intérêt auprès de la Haute Autorité. Ces nouvelles règles salutaires ont pour vocation d’encadrer les démarches des entreprises mais aussi de préserver l’exercice du mandat de l’élu local.

Les cabinets d’influence doivent donc intégrer dès aujourd’hui dans leurs stratégies de communication et d’influence territoriale une dimension règlementaire et juridique dans leurs démarches auprès des collectivités territoriales. Former et informer aux règles de la transparence de la vie publique devient la base de toute stratégie d’influence sous peine d’encourir de lourdes sanctions.

Bref, l’influence territoriale s’exercera différemment demain par la connaissance approfondie du territoire, de la nouvelle règlementation avec le concours de professionnels dont le rôle est de participer à éclairer la décision publique et de faire vivre le dialogue harmonieux entre la sphère publique et la sphère privée.

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