Cahier transition

De nombreuses offres se lancent pour aider les entreprises à réduire leur impact environnemental lié à internet. Tour d’horizon des solutions.

Le numérique représente 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, et pourrait atteindre 7% à 15% en 2040, selon les projections. D’après l’Ademe, près de 80% de l’impact est lié à l’étape de fabrication, en raison de l’extraction de métaux rares dans des pays où le mix énergétique est fortement carboné, et 20% à la phase d’usage. Depuis un an, les sociétés spécialisées dans le digital multiplient les initiatives pour conseiller leurs clients dans la réduction de leur pollution numérique. ShowHeroes, qui développe des solutions vidéo en utilisant le ciblage contextuel basé sur l’intelligence artificielle, a lancé l’offre GreenMedia, permettant de calculer la quantité de CO2 émise par chaque campagne. Chez Salesforce, éditeur de logiciels de CRM, la solution s’appelle Salesforce Sustainability Cloud et permet de piloter les données des clients liées aux émissions de gaz à effet de serre. Platform.sh, spécialiste du cloud, a recruté Leah Goldfarb, ancienne scientifique du Giec, au poste de responsable de l’impact environnemental. Enfin, pour ne citer que quelques exemples, Greenmetrics est une « greentech » spécialisée dans la mesure de l’empreinte carbone et sociale de l’activité numérique des entreprises. Elle est lauréate du concours d’innovation i-Nov, organisé par BPI France et le Ministère de la transition écologique.

« La mesure passe d’abord par l’analyse du parc informatique, détaille Nicholas Mouret, cofondateur de la start-up. Nous étudions tout le cycle de vie du matériel, de la fabrication à la fin de vie, et son usage, la consommation énergétique de l’entreprise, l’envoi d’e-mails, l’organisation de visios… Ensuite, le site internet : quelle est l’intensité carbone dans le pays de l’utilisateur  on sait que le kW est plus carboné en Allemagne qu’en France – mais aussi quelle est la conception des pages, le nombre de requêtes, l’hébergement… Enfin, la publicité en ligne, de la production à la diffusion. » Greenmetrics travaille avec une quarantaine de clients comme Rémy Cointreau, Promod, Radio France. « Après avoir réalisé le bilan carbone de sa production industrielle, Rémy Cointreau veut faire de même pour son activité digitale. Quant à Radio France, il a commencé à collecter l’ensemble de ses données depuis la publication du manifeste Le Tournant en septembre 2022 », précise Nicholas Mouret. 

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Parmi les sites internet, ceux des médias sont souvent les plus mauvais élèves en raison du recours à la vidéo. Mais des solutions existent, comme la compression, qui permet de réduire jusqu’à 60% l’empreinte carbone d’une vidéo. Dans son étude « La presse : quel impact sur le climat ? », la start-up Sami donne des conseils de « green IT » (numérique responsable) comme l’éco-conception des pages web, le choix d'un fournisseur d’hébergement bas carbone, le format de publicité en ligne le plus frugal. ShowHeroes cite l’exemple de Nestlé, qui a testé le remplacement du son d’une vidéo par des sous-titres, en utilisant moins d’images et en les compressant. Bilan : 47% d’émissions carbone en moins. « La directive européenne sur la performance extra-financière oblige les entreprises à réaliser leurs bilans carbone et à suivre leurs impacts environnementaux et sociaux, souligne Araceli Almada, directrice marketing et développement durable de ShowHeroes. Les investisseurs demandent ce reporting, les entreprises n’ont plus le choix. » 

Chez Platform.sh, on optimise le stockage grâce à du cloud haute densité qui consomme beaucoup moins d’électricité, on déploie aussi les solutions dans les pays les moins carbonés, en France, en Suède et au Canada, plutôt qu’en Allemagne, en Irlande et aux États-Unis par exemple. En interne, la société de 350 salariés est passée à 100% de télétravail et privilégie les voyages en train. En tant que responsable de l’impact environnemental, Leah Goldfarb est chargée de traquer les sources d’économie d’énergie pour la société et ses clients. « J’ai aimé participer à des réunions de l’ONU en tant que responsable scientifique mais je n’étais pas dans l’action, explique-t-elle. À ce poste, j’ai le sentiment d’avoir de l’impact. » 

Pour autant, il ne s’agit pas de diaboliser le numérique. Celui-ci peut aussi contribuer à la transition écologique. « Nous sommes en train de travailler avec une société spécialisée dans la création de plateformes sur le métavers pour montrer le gain d’organiser des événements en virtuel. Cela peut avoir de vrais avantages si on procède de manière rationnelle », témoigne Nicholas Mouret, de Greenmetrics. L’influence des messages publicitaires sur les nouvelles formes de consommation n’est également pas à négliger pour faire changer les comportements, et s’ils allient la forme et le fond, c’est encore mieux. Ainsi une publicité digitale sur les produits reconditionnés peut elle-même utiliser des images réutilisées, pour réduire l’impact de la production et boucler la boucle.

Un guide pour la génération climat

À l’initiative de cinq collaborateurs de l’agence BETC Fullsix, « Cliquer c’est polluer » (404 Éditions, 5,95 euros) est un livre qui s’adresse à la génération « aussi à l’aise sur internet que dans les marches pour le climat ». Avec des illustrations joyeuses de Valentin Pujadas, il détaille l’impact des usages et des objets numériques, et apporte des conseils de sobriété.

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