Les créations originales africaines de dessins animés s’exportent progressivement au-delà du continent. Ces histoires authentiques témoignent d’un savoir-faire qui a vocation à se développer davantage.

« Nous formons des jeunes qui rêvent de faire des films d’animation, c’est un secteur d’avenir pour le Cameroun », raconte Jules Kalla Eyango, réalisateur et producteur pour Abyl SARL, ce 6 octobre au Forum Création Africa. Ce salon, qui s’est déroulé à la Gaîté Lyrique jusqu’au 8 octobre, a accueilli plus de 600 invités dont 300 acteurs africains (producteurs, créateurs, entrepreneurs et chercheurs). Quatre secteurs y étaient représentés : le jeu vidéo, la réalité virtuelle, la bande dessinée et l’animation, ce dernier se  développant particulièrement. Abyl SARL a été créé en 2018. Devant son stand, Jules Kalla Eyango revient sur le parcours effectué : « Nous sommes un studio d’animation camerounais. Le court-métrage Mboa Matanda est le premier film du studio. C’est un film 100% africain qui suit l’histoire d’un général sanguinaire qui souhaite faire la paix entre deux cantons. Notre but est de pouvoir vanter l’animation africaine et spécialement camerounaise, un milieu qui reste difficile à cause des problèmes de matériel, d’investissement, et de producteurs localement. » Ils sont moins d’une dizaine de personnes à temps plein.

Dans un autre genre, l’entreprise Wakatoon, fondée en 2015 par Pierrick Chabi, propose de l'animation 3.0, au moyen d'une application capable d’intégrer des dessins d’enfants dans une histoire animée. « L’objectif est de rencontrer des acteurs, créateurs, africains. Nous créons des usages intelligents de l’enfant en leur faisant passer moins de temps sur l’écran, puisque l’essentiel de l’activité a lieu dans la vie réelle. » Wakatoon compte cinq mini-séries. Le but de la présence de l’équipe lors du Forum Création Africa est de « dénicher des créateurs africains afin d’avoir un catalogue ouvert sur le monde et permettre aux enfants de se reconnaître et de raconter des histoires authentiques africaines ». L’application va d’ailleurs être intégrée à TFou Max, la plateforme de streaming par abonnement de TF1 dédiée aux enfants qui propose uniquement des dessins animés. Les deux parties ont signé un accord de distribution pour début 2024, où le service de streaming Wakatoon sera disponible dans l’appli. « Dès le début des négociations, et ce alors même que leur audience est principalement française, l’équipe TFou Max a accueilli avec enthousiasme le fait que plus de 20% du catalogue de Wakatoon soit composé de séries inspirées des cultures africaines. »

En juillet dernier, Netflix a sorti sa première série d’animation africaine avec Supa Team 4. Le pitch : « Dans une ville néo-futuriste de Zambie, quatre adolescentes deviennent des superhéroïnes infiltrées sous la houlette d’une ancienne agente secrète dans l’espoir de sauver le monde ». La créatrice du programme, Malenga Mulendema, a fait partie des huit lauréats de Triggerfish Story Lab en 2015, un concours de recherche de talents et projets sur le continent africain. Dans un post Instagram daté du 30 juin, elle écrit : « Les séries d’animation ont façonné notre enfance et savoir que de jeunes Zambiens vont pouvoir voir ce qu’ils n’ont jamais vu à la télé avant est formidable ! ». Également paru à l’été 2023 cette fois-ci sur Disney+, Kizazi Moto : Génération Feu, une série d’animation de dix courts métrages « conçus par des artistes africains originaires de plusieurs pays dont le Nigeria, le Zimbabwe ou encore l’Égypte et met en avant les histoires et les cultures africaines, racontées du point de vue de leurs auteurs ». Le studio sud-africain Triggerfish Story Lab a coproduit la série et a également travaillé sur un épisode de Star Wars : Visions, aux côtés d’autres studios tels que LucasFilm. Derrière Kizazi Moto : Génération Feu, Peter Ramsey, producteur, qui a également travaillé sur le film Into The Spider-Verse (2018) qui a rapporté 384,3 millions de dollars au box-office, et qui a reçu l’Oscar du meilleur film d’animation en 2019. Ce premier volet a permis de donner un exemple de ce que l’animation africaine a à offrir et son travail s’est poursuivi avec Across The Spider-Verse (2023) qui a rapporté 690 millions de dollars au box-office. Ce secteur en est à ses prémices et les réalisateurs de tout le continent ont encore plein de choses à offrir et faire découvrir au public.

Le Forum Création Africa, c’est quoi ?

Du 6 au 8 octobre, la Gaîté Lyrique a accueilli le Forum Création Africa, un événement culturel qui donne l’opportunité à des créateurs du continent de venir présenter leur travail. Organisé avec le soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et du ministère de la Culture, Création Africa met l’accent sur les filières en plein développement des séries TV, du cinéma d’animation, des univers immersifs (jeu vidéo, métavers et XR) et de l’édition (bande dessinée). Liz Gomis, journaliste et productrice spécialiste de l’Afrique, a travaillé sur le déroulement de cette première édition : « Je suis ravie qu’on ait pu monter ce projet. Des changements sont en train de s’opérer, de plus en plus d’acteurs viennent chercher des créations africaines. ». Michael Swierczynski, directeur innovation et expert digital, témoigne de l’importance de ce week-end : « Il faut changer la perception que les gens ont de l’Afrique. Il faut coproduire main dans la main un rapport équilibré et sain pour raconter des histoires et montrer ces mondes invisibles. Pour cela, j’ai choisi de mettre en avant l’axe de la réalité virtuelle. » Création Africa s’inscrit dans la continuité de la Saison Africa2020. C'est la première pièce à l’édifice de La Maison des mondes africains, rebaptisée MansA, un lieu dédié aux pensées et créativités africaines.