Si de nombreuses entreprises signent des partenariats avec des athlètes à l’approche des JO, certaines vont plus loin en intégrant des sportifs de haut niveau dans leurs équipes ou en accompagnant leur reconversion professionnelle.

À moins d’un an des Jeux olympiques, de nombreuses entreprises ont constitué un team d’athlètes pour porter leurs valeurs. Mais ce partenariat ne se limite pas toujours à une simple question d’image ; il peut aller plus loin et permettre aux sportifs de haut niveau d’exercer une activité professionnelle dans un cadre adapté à leur planning d’entraînement chargé. Car à l’exception notable des joueurs de foot et de quelques basketteurs ou tennismen, près de la moitié des sportifs de haut niveau gagne, selon un rapport du Sénat, 1300 euros par mois et 4 sur 10 gagnaient moins de 500 euros mensuels en 2015 (rapport Karaquillo). La Convention d’insertion professionnelle des sportifs de haut niveau permet aux athlètes de bénéficier d’une pleine rémunération pour un travail correspondant généralement à un mi-temps annualisé.

L’armée, la police, la gendarmerie ou les entreprises publiques recrutent depuis longtemps des sportifs de haut niveau. Depuis 1982, le groupe RATP accompagne des athlètes français dans leur double parcours sportif et professionnel au travers du dispositif « Athlètes de haut niveau RATP ». À travers celui-ci, le transporteur emploie quelques sportifs de haut niveau en CDI et leur fournit un accompagnement RH individualisé jusqu’à l’arrêt de la carrière sportive.

Mais il n’y a pas que le secteur public qui développe des partenariats avec les athlètes. Salesforce France a lancé en mai dernier un programme, Athletes in Tech, destiné à accompagner les sportifs dans leurs projets au-delà des podiums. « Comme la carrière sportive est en général très courte et que l’apogée d’un athlète arrive tôt – 27 ans en moyenne -, ceux-ci n’anticipent pas forcément leur reconversion professionnelle ; nous les accompagnons dans ce processus », détaille Noémie Claret, directrice des partenariats olympiques chez Salesforce.

Ce programme de huit semaines leur fait découvrir le secteur de la tech en vue d’une reconversion dans les métiers du numérique. Il comporte des cours en ligne, des sessions de mentorat avec des salariés Salesforce « experts » et des ateliers collectifs. Après une première promotion « pilote » de sept athlètes avant l’été, une nouvelle promotion a démarré en septembre. L’objectif de Salesforce France est d’accompagner une centaine d’athlètes d’ici à fin 2024.

Sessions de mentorat

Il n’est pas nécessaire non plus d’être un géant de la communication ou de la tech pour s’engager dans le soutien aux sportifs. Aymard Leclercq, CEO d’Ayctor, agence de marketing digital qui compte une trentaine de collaborateurs a ainsi rejoint le Team Réussite mis en place par l’Institut du mentorat entrepreneurial et le Club Insep Alumni. Dans le cadre de ce dispositif, le chef d’entreprise verse une aide financière à Magda Wiet-Hénin, championne de taekwondo et l’accompagne via des sessions de mentorat. En échange, la récente championne du monde s’est engagée à venir partager avec les salariés de l’agence son expérience de sportive de haut niveau.

L’une des séances s’est même déroulée sur un tatami pour leur faire découvrir l’art martial coréen. « Les échanges avec Magda nous font grandir ; c’est quelqu’un de très inspirant pour moi et, j’espère, pour mon équipe, se réjouit Aymard Leclercq. Dans le sport de haut niveau, les questions de l’engagement, du travail, de l’exigence sont poussées à l’extrême par rapport aux standards de l’entreprise », poursuit-il. Au-delà du soutien financier, « il est très important pour un sportif de haut niveau d’être soutenu par un partenaire qui nous accompagne sur le plan professionnel, quelqu’un sur qui je peux compter pour ma reconversion professionnelle », admet Magda Wiet-Hénin. « La carrière d’un sportif de haut niveau peut malheureusement s’arrêter à n’importe quel moment… Il faut donc développer suffisamment tôt un projet professionnel en parallèle de son projet sportif », poursuit celle qui vient, à 27 ans, de finir son master de management à l’EM Lyon grâce à un cursus adapté.

Esprit d'équipe et de résilience

Anticiper tôt sa reconversion, c’est la voie suivie par Guillaume Cossou, CEO de Publicis Sport, ex-membre de l’équipe de France de karaté et champion du monde par équipe en 2004. Après un parcours en club, il intègre l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) où il suit des études de management du sport. « Dès le départ, j’ai compris qu’il fallait que je prépare bien mon double projet, sportif et professionnel, car je pratiquais un "petit" sport sur le plan médiatique qui ne me permettait pas d’en vivre », raconte-t-il. Ses ambitions professionnelles sont à la hauteur de ses performances sportives : il veut intégrer une école de commerce. Ce sera l’Essec, grâce à un programme de préparation adapté. « Je suis entré dans un processus où il fallait une bonne dose de motivation : les cours le matin, les entraînements l’après-midi. C’était du sport de haut niveau appliqué à un parcours étudiant », poursuit-il.

Pourquoi recruter un sportif de haut niveau ? « Il a l’esprit d’équipe, ce qui est crucial dans des métiers aussi compétitifs que ceux de la communication. On ne travaille jamais seul : il y a un coach, un préparateur sportif, etc. », détaille celui qui voit désormais arriver les CV de sportifs sur son bureau. « Les athlètes développent un fort esprit de résilience, poursuit-il. Un sportif de haut niveau perd en général plus qu’il ne gagne ; la défaite fait partie de la progression, elle nous fait grandir. » Enfin, le sportif de haut niveau est « quelqu’un d’impliqué, en demande de responsabilité, qui a besoin de projets. Mais il faut aussi cadrer cette énergie… », reconnaît le patron de Publicis Sport.

Trois questions à Anne Cozzolino, adjointe chef de pôle haut niveau à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep)

Quel est le rôle de l’Insep dans l’accompagnement à la reconversion professionnelle des sportifs de haut niveau ?

Préparer des sportifs de haut niveau pour des épreuves sportives nationales ou internationales de référence, comme les championnats du monde ou les Jeux olympiques. Le projet sportif domine évidemment, mais pas à n’importe quel prix. Nous aidons aussi les athlètes à se construire en tant qu’individu dans une carrière post-sportive. Nous faisons en sorte de les mettre dans les conditions optimales pour être acteurs de leur performance sportive, mais aussi individuelle.

Comment construisent-ils leur projet professionnel ?

Nous accompagnons les jeunes sportifs dans leur projet de vie sans faire de distinction entre le sportif et le professionnel en insertion, c’est une seule et même personne. Pour cela, dès le lycée, des ateliers les aident à identifier les axes professionnels qui ont du sens, puis ils bénéficient d’un accompagnement personnalisé pour construire leur projet de vie.

Comment les entreprises perçoivent-elles les professionnels qui sont passés par un cursus de haut niveau ?

Les entreprises ont bien compris l’intérêt d’utiliser les compétences propres aux sportifs de haut niveau. Ce sont des personnes qui savent construire un projet de performance, en identifier les étapes clés et comprendre les enjeux internationaux ; ils travaillent dur pour y arriver et savent se remettre en question ; ils ont par ailleurs l’habitude de fédérer une équipe plurielle.

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