Reputation war 2015
A l’occasion de la conférence Reputation War sur «la marque et le territoire», Stratégies analyse les rapports à leur territoire d'origine de deux marques: Armor-Lux et L'Occitane en Provence. Cathy Leitus @strategies1

«La marque et le territoire». Pour sa troisième édition, la conférence Reputation War organisée par Christophe Ginisty, qui se déroulera le 16 janvier à Paris (1), a choisi de s’intéresser aux liens qui unissent réputation et territoire, à la fois du point de vue des territoires eux-mêmes dans leur politique d’attractivité et de celui des marques qui se sont développées en s’associant à l’image d’un territoire. L'occasion de décrypter les positionnements de deux marques emblématiques à cet égard, Armor-Lux et L’Occitane en Provence, et leur rapport «stratégique» au territoire.  

Armor-Lux, fondée à Quimper il y a 77 ans, est spécialisée dans les vêtements marins et affiche un chiffre d’affaires de 90 millions d’euros. L’Occitane en Provence, créée 37 ans plus tard à Manosque, est devenue une multinationale de produits cosmétiques, dont l’activité dépasse le milliard d’euros.

Les deux entreprises ne jouent pas dans la même catégorie mais elles partagent des points communs liés au rapport qu'elles entretiennent avec leur territoire d’origine – comme la qualité et le savoir-faire de leurs produits. Elles se distinguent toutefois dans la projection qu’elles en font: Armor-Lux défend son ancrage breton quand L’Occitane, résolument engagée dans une politique d’internationalisation, préfère parler d’inspiration provençale.

Les deux marques se rejoignent pour revendiquer leurs racines locales, ce qui correspond à une réalité historique, sociale et économique. «C’est une responsabilité de revendiquer une appartenance à un territoire, souligne Grégoire Guyon, directeur de la communication d’Armor-Lux. Notre entreprise à la volonté de contribuer au développement économique et culturel de la région.»

Défense de l'emploi local

Armor-Lux délocalise 60% de sa production textile mais défend l’emploi local avec deux usines à Quimper, sa ville d’origine. Son PDG, Jean-Guy Le Floch, soutient les jeunes créateurs et entrepreneurs locaux et, depuis dix ans, associe dans ses plus grandes boutiques, la vente de vêtements et de produits de marques régionales alimentaires et culturelles (10 à 15% de l’offre dans les magasins), sorte de concept store breton!

On se souvient aussi des bonnets rouges confectionnés à la demande du CDOA et dans le souci de soutenir les agriculteurs bretons. Armor-Lux axe également son mécénat sur la promotion de la culture et des arts bretons (Festival de Cornouaille, Festival du Bout du Monde, etc.) et la défense du patrimoine maritime (Fêtes maritimes de Brest et de Douarnenez…). La marque vient de signer avec l’Hermione, l’habillement exclusif de tout l’équipage et la création de produits textile à l’effigie de cette réplique de la frégate de La Fayette qui prendra la mer pour les États-Unis le 18 avril prochain. Armor-Lux est aussi impliquée dans la voile avec le soutien d’Erwan Tabarly.

Marque patrimoniale par sa longévité et sa qualité, elle a été consacrée par l’ex-ministre Arnaud Montebourg, en marinière maison à la une du Parisien magazine en octobre 2012, comme symbole du «made in France»… entrainant une hausse des ventes de +30% sur le trimestre!

Ouverture sur le monde

L’Occitane en Provence, fondée par un enfant du pays, Olivier Baussan, directeur artistique depuis la revente en 1994 à Reinold Geiger, défend le même engagement citoyen vis-à-vis de son territoire. Manosque, où tout a commencé, est toujours le principal centre de production et le siège social.

«L’Occitane est un des premiers employeurs privés du département des Alpes-de-Haute-Provence», précise Denis Geffroy, directeur de la communication et de la réputation du groupe L’Occitane. Par ailleurs, L’Occitane soutient notamment la filière lavande, des projets du Parc du Lubéron et l’exposition photographique d’Arles…

Mais si «Armor-Lux a construit son identité dans ses racines maritimes bretonnes et continue d’y puiser son inspiration», comme le souligne Grégoire Guyon, L’Occitane en Provence, dont l’ambition est mondiale, a développé un discours plus universel et adapté ses produits aux goûts locaux, notamment en Chine.

Au Brésil, très protectionniste, le groupe français a choisi d’affronter sur son «territoire» la marque Natura, en lançant, en 2013, la gamme L’Occitane au Brésil, étendue en 2014 au reste du monde, en privilégiant des ingrédients de la biodiversité locale.

«La marque L’Occitane, c’est un territoire plus large que la Provence, défend Denis Geffroy. Les produits et les boutiques sont d’inspiration provençale avec la tomette au sol et la chaux sur les murs pour exprimer l’authenticité et l’accueil. Mais la marque ouverte sur le monde a le souci de renouveler son identité et son inspiration en défendant des valeurs de naturalité, de bien-être, plus universelles et sans frontières.»

Revendications identitaires

Son produit phare n’est-il pas la crème pour mains à base de beurre karité provenant du Burkina Faso, via sa filière de commerce équitable reconnue comme exemplaire par le Programme des Nations unies pour le développement? 

«Contrairement à ce qu’on a pu penser, la mondialisation met en valeur les territoires avec une revendication identitaire de tous les marchés», confirme Denis Gancel, président de l’agence W, coauteur avec Gilles Deléris d’Ecce Logo, et de La Société des marques (éditions Parole et Silence) à paraître le 29 janvier.

«Le consommateur cherche un point de repère dans l’espace et le temps, poursuit-il. L’enracinement dans un passé et une histoire, l’attache territoriale, la production locale, l’authenticité, le savoir-faire sont les éléments de réassurance et de valeur du 21ème siècle.»

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