Diversification
L'éditeur français de jeux vidéo sortira son premier long-métrage l'an prochain. Et ouvrira dans cinq ans en Malaisie un parc d’attractions inspiré de ses productions.

Un parc d’attractions entièrement consacré au jeu vidéo? Le rêve absolu pour les gamers! L’annonce d’Ubisoft, le 7 septembre, n’a pas manqué de surprendre. Le groupe français ouvrira bien en 2020 en Malaisie un parc de 10 000 m² autour de ses marques les plus connues, Lapins crétins, Just Dance ou Assassin’s Creed. Pour cela, il collaborera avec un acteur local, RSG, copropriétaire et codéveloppeur de Movie Animations Park Studios.

Pour Ubisoft, devenu depuis sa création en 1986 un des poids lourds mondiaux dans l’industrie du jeu vidéo (112,7 millions d'euros de profits pour 1,46 milliard d'euros de chiffre d'affaires sur son dernier exercice 2014-2015), cette stratégie d'extension de marque est hardie.

En choisissant l'Asie pour monter son projet de parc d’attractions, Ubisoft choisit un continent où il souhaite développer sa notoriété et son chiffre d'affaires qui y sont encore faibles. Il vise un public très «early adopter», friand des dernières innovations, plus sans doute que partout ailleurs dans le monde. «Nous avons une expertise pour imaginer des expériences interactives, avec par exemple le VR Ride (prototype) de jeu de réalité virtuelle Lapins crétins que nous avions dévoilé au salon E3», explique à Stratégies John Parkes, directeur général d’Ubisoft France. En juin dernier à Los Angeles, le groupe français avait fait sensation en dévoilant un jeu pour casques Oculus, accompagné d’un fauteuil «vibrant» testé par Steven Spielberg en personne.

Pour gamers et grand public

En matière de parc d'attraction, Ubisoft n'en est pas tout à fait à son coup d'essai. Il avait déjà inauguré début 2014 une attraction au Futuroscope de Poitiers, «Lapins crétins, la machine à voyager dans le temps». «Le projet fixé par Yves Guillemot [PDG et fondateur d’Ubisoft] était clair: comment faire vivre la marque Lapins crétins, hors du public des gamers. Nous avions retenu Poitiers, qui avait déjà expérimenté l’attraction Arthur et les Minimoys, issue du dessin animé de Luc Besson», précise John Parkes. Avec un succès surprise: le Futuroscope, en baisse de fréquentation depuis 2011, a vu ses entrées bondir de 20% en 2015, dixit Ubisoft.

L'éditeur de jeux vidéo a une stratégie de diversification assumée. «Depuis nos débuts, notre objectif est de créer des marques pérennes et diversifiées pour toucher différentes cibles: les gamers avec Far Cry et le très grand public avec Rayman et Just Dance. Il s’agit ensuite de nous faire connaître, par un programme de diversification avec des produits dérivés», poursuit John Parkes. Ainsi, pour la sortie fin octobre de son prochain «blockbuster», Assassin’s Creed: Syndicate, doté d’un budget marketing global «de 50 à 70 millions d’euros», Ubisoft va mettre le paquet côté produits dérivés: une ligne de figurines, des romans, des T-shirts, des jouets, dont un Monopoly Assassin’s Creed… 

Faire vivre les franchises

«L’enjeu pour Ubisoft est d’accompagner le joueur en dehors du jeu et de faire vivre les franchises pour conquérir de nouveaux clients, détaille Leslie Griffe de Malval, gérant chez Fourpoints IM (actionnaire d'Ubisoft). Avec une prise de risques limitée: des licences d’exploitation sont cédées à des tiers pour ses produits dérivés ou ses parcs d’attraction, assurant la rentrée de royalties. Pour ses projets de films, il garde la main sur le scénario puis trouve des partenaires pour la production.»

Le cas le plus abouti est sans doute celui des Lapins crétins, connus pour leurs pitreries drôlatiques. Créés en 2006, ils ont été déclinés en une centaine de produits dérivés et partenariats: fournitures scolaires, peluches, planches de skate board, bonbons Lutti, sirop de fraise Fruiss, BD, sans compter le dessin animé, lancé en 2013 et distribué en France par France Télévisions, dont la saison 3 est en préparation. Il sera bientôt diffusé en Chine. Une manière, là-encore, de toucher un public bien au-delà des gamers, en l'occurrence les enfants – et leurs parents.

Studio de cinéma

Avant l'ouverture du parc d'attractions en Malaisie, Ubisoft connaîtra une étape clé, celle du passage de la petite lucarne au grand écran. Le 21 décembre 2016 sortira en salles Assassin’s Creed en version long-métrage, avec Michael Fassbender et Marion Cotillard. C’est pour cela qu’il avait lancé en 2011 sa filiale Ubisoft Motion Pictures. Les sorties en salles de Splinter Sell, Tom Clancy’s Ghost Recon, Watch Dogs et des Lapins crétins sont aussi prévues. Une «passerelle» qu'Ubisfot n'est pas le premier à emprunter: dès 2001, Lara Croft est passée sur grand écran dans Tomb Rider, sous les traits sensuels d’Angelina Jolie. «Activision prépare un film sur World of Warcraft [réalisé par Duncan Jones], et Square Enix en a sorti un fin août sur Hitman», précise Leslie Griffe de Malval.

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