Communication de crise
Manger (trop) de viande rouge et de charcuterie serait cancérogène, selon l'OMS. Quelles réactions les acteurs de la filière de la viande doivent-ils adopter? Tentative de réponse avec Sylvain Camus, ingénieur agroalimentaire et directeur-conseil chez Thomas Marko & Associés.

Quelles peuvent être les conséquences d’un tel rapport de l’OMS sur le marché de la viande ?

S.C. Il y a fort à parier qu’il y aura une chute de la consommation de viandes dans les semaines qui arrivent. En effet, les consommateurs ont tendance à réduire la consommation des aliments qui leur font peur, surtout quand l’information provient d’une organisation jugée crédible, comme l’OMS. Le cas s’était déjà présenté lors de l’affaire des lasagnes au cheval de Findus. Il y avait eu une chute de la consommation des plats cuisinés et certaines marques avaient même disparu, comme les plats cuisinés surgelés Maggi de Nestlé.

 

Que pensez-vous de la réaction de la filière de la viande américaine, la Nami?

S.C. Cette réaction est démesurée et trop violente. La Nami a voulu décrédibiliser l’OMS en disant que ces chiffres avaient été déformés [«Ils ont trituré les données pour obtenir un résultat bien précis»]. Leur réponse est en fait aussi caricaturale que le rapport de l’OMS. Or, pour rester crédible, il faut privilégier la pédagogie aux prises de position extrêmes et partisanes.



Alors, comment la filière de la viande peut et doit-elle rassurer ses consommateurs?

S.C. A chaud, il est indispensable que les acteurs de la viande prennent la parole rapidement pour faire de la pédagogie, en expliquant et remettant en perspective la classification de l’OMS, qui classe la viande comme cancérogène… comme les cigarettes! Ainsi, l’interprofession Interbev a bien réagi en expliquant [via un communiqué de presse] que ce document doit être remis «en perspective par rapport aux niveaux réels de consommation de viande rouge en France». En revanche, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) n’a pas eu une bonne réaction puisqu’elle a de suite rappelé qu’un équilibre dans l’alimentation était nécessaire. [Dans leur communiqué de presse, la FNSEA explique qu’il est possible de «se faire plaisir et avoir un équilibre nutritionnel» en combinant viande et légumes.] C’est vrai, mais c’est trop tôt pour communiquer sur la consommation.



Par quels biais les acteurs doivent-ils prendre la parole?

S.C. Ils doivent communiquer via des relations médias, mais aussi à travers les réseaux sociaux pour répondre rapidement à l'inquiétude des consommateurs. Ils doivent aussi faire prendre la parole à un maximum de parties prenantes. Les nutritionnistes et autres experts doivent témoigner dans les médias pour relativiser cette information.



Par la suite, comment enrayer le risque de chute de la consommation?

S.C. Dans un deuxième temps, c’est-à-dire d’ici à un mois, producteurs et associations devront parler consommation de viande rouge et donc maintenir, voire avancer leurs campagnes promotionnelles. Dans leurs publicités, ils devront montrer que cette viande a un intérêt nutritionnel, gustatif et culturel. Ils devront occuper le terrain pour soutenir la consommation… sans toutefois pousser à une surconsommation !

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